La Plume d'Aliocha

22/06/2012

« La Société Générale a rendu un immense service à la place ! »

Filed under: Affaire Kerviel — laplumedaliocha @ 09:49
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Palais de justice – Jeudi 21 juin 10h00 – Neuvième jour d’audience dans l’affaire Kerviel : Ce n’est pas à proprement parler la foule des grands jours, mais la guest star de l’après-midi, Daniel Bouton, président de la Société Générale à l’époque de l’affaire, a attiré un public plus nombreux qu’à l’habitude et quelques caméras. L’affiche est attractive. En première instance, il avait confié rêver que le trader dise enfin la vérité et explique pourquoi il avait fait cela. Qui sait ? Peut-être que son rêve va se réaliser cette fois-ci ? Mais l’heure n’est pas encore venue d’entendre la vedette. Ce matin, la cour auditionne un ancien directeur du MATIF (l’ex marché des futures français), cité par la défense.

La Société Générale a rendu un immense service à la place !

L’homme est venu défendre le système et la réputation de la finance : il est impossible que la banque n’ait rien vu, prétendre cela, c’est faire passer les financiers pour des imbéciles. Et le marché des futures en particulier. Or, celui-ci est parfaitement organisé, transparent, on ne peut pas y intervenir de façon occulte. Toujours appuyé sur sa canne qui lui donne des allures de dandy, David Koubbi laisse filer son témoin et se régale. Ce professionnel est posé, sérieux, crédible, et surtout il déroule un scénario aussi bien construit que séduisant.

Pour lui, la banque a très vite aperçu qu’elle allait perdre 7 milliards sur les subprimes. Or, une telle annonce au marché est impossible, elle sèmerait la panique et ferait exploser le système bancaire. Il lui faut donc en quelque sorte « blanchir » une partie de la paume en la transformant en perte de trading. C’est là que Jérôme Kerviel intervient à son insu. Au printemps 2007, la banque est trop occupée par la fusion d’une de ses filiales, elle laisse donc le trader aggraver ses pertes sans saisir l’opportunité, mais en janvier 2008, l’heure du sacrifice est venue : on déclenche l’opération de nettoyage. « Il faut féliciter la Société Générale d’avoir rendu un immense service à la place financière de Paris » explique-t-il tout en soulignant que c’est sans doute maintenant l’heure pour la banque d’avouer, car elle ne risque plus rien :« ce serait très honorable, mais c’est peut-être de ma part du romantisme ». La présidente, Mireille Filippini, intervient sèchement : « ici on fait du juridique, pas du romantisme, nous ne sommes ni écrivains ni poètes ». On devine à son ton que la théorie qu’on lui présente ne la convainc guère.  Interrogé par François Martineau, l’un des avocats de la Société Générale, le témoin est bien obligé d’admettre qu’il n’a pas lu le dossier pénal, qu’il ignore les techniques de fraude utilisées par Jérôme Kerviel, en clair qu’il ne s’appuie que sur ses propres convictions. Un autre conseil prend le relais, François Reinhart. Il  le pousse sur la théorie du complot dans l’espoir de le décrédibiliser. Mais le témoin s’arrête, apercevant le danger. Il refusera également de suivre David Koubbi dans le scénario d’une antenne de Socgen à l’autre bout du monde récupérant de façon occulte les 4,9 milliards soi-disant partis en fumée lors du débouclage. Etrangement, l’homme qui donne corps à la théorie de la manipulation soutenue par la défense semble ne pas apercevoir ce que son scénario peut avoir de « complotiste ». Au contraire, il trouve que la banque a plutôt bien joué, mais qu’il est temps de laisser tomber le masque. On songe à cet instant que la finance cultive une drôle d’idée du romantisme, car l’histoire qu’on nous présente est plus proche des thrillers de John Grisham que des envolées d’Alfred de Musset.

Un cynisme glaçant

– Donc, on a un trader qui fait du directionnel et on en profite pour lui coller la responsabilité des subprimes, réfléchit tout haut Mireille Filippini. Mais en 2005 et en 2006, il y avait déjà des problèmes avec lui !

– La crise s’annonçait dès 2006, rétorque le témoin.

– Si le 18 janvier le marché s’était retourné et que la position de Kerviel était devenue gagnante, le scénario s’effondrait, insiste la présidente.

– La banque aurait continué d’attendre, il y a encore aujourd’hui des actifs toxiques dans les banques.

– Alors pourquoi ne les a-t-elle pas gardés tout simplement ?

– Parce que ce n’est pas simple.

Tandis que la tension monte de nouveau entre la présidente et David Koubbi, Richard Valeanu, l’un des avocats des salariés de la banque observe fort justement : vous nous décrivez le sacrifice d’un homme par une finance cynique…

– Je cherche à défendre le professionnalisme des acteurs, rétorque le témoin. Quand j’entends le discours d’un membre éminent des marchés, figurant parmi les fondateurs du MATIF, dire qu’il n’a rien vu, je réagis. Ne laissons pas penser qu’un opérateur peut entrer dans le système et y faire n’importe quoi, ce n’est pas possible voyons !  La Société Générale a sauvé la place, on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs.

Ainsi donc, ce professionnel des marchés financiers pense sincèrement défendre la réputation du système en expliquant que l’une des principales banques françaises est capable de maquiller une perte, produire des faux, mentir à tout le monde et envoyer un homme en prison pour sauver la place de Paris ? Mieux : il salue la stratégie ! Le public frissonne…

(à suivre…)

26 commentaires »

  1. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20120617trib000704299/aucun-systeme-de-gouvernance-ne-permet-d-eviter-un-comportement-comme-celui-de-m.-kerviel.html

     » DB : Je ne sais pas faire le débouclage d’opérations fictives de J. Kerviel sans faire des opérations fictives en face. »

    euh…. Bouton qui explique qu’il ne peut pas déboucler les opérations kerviel sans faire d’opérations fictives en face.

    Alors, je me pose cette simple question : pourquoi ?

    – Soit les opérations fictives sont « fictives » et elles ne servent qu’à tromper la hiérarchie et il FAUT les supprimer secs
    – Soit il faut les contrebalancer (par des opérations fictives – qu’il faudra contrebalancer un jour) mais en ce cas l’autre témoin à menti en disant qu’il y en avait que quelques une d’opérations fictives dans le débouclage, car dans cette hypothèse il en faudrait autant (ou pratiquement).
    – Soit ces opérations n’ont pas pour but que de tromper la hiérachie (par exemple le marché ou pour juste passer au dessus des sécurités) et la thèorie de la banque s’éffondre. Là non plus elle n’a rien à cacher à personne dans le débouclage puisque tout le staff sait, alors pourquoi ces opérations fictives, pourquoi cacher ce que les gens savent ?

    – De plus ce ne sont pas des opérations fictives qui sont débouclées (elles n’ont pas besoin d’être débouclée puisqu’elle sont fictives… à moins qu’elles ne le soient pas, fictives …)

    Enfin, pas besoin de parler de complot de longue date pour mettre subprime en face de kerviel : la banque s’attendait à perdre un max avec les subprimes, il est _possible_ qu’elle ait laissé faire kerviel pour « combler le trou » et qu’à un moment elle le lâche, peut être parce qu’il a été trop loin, peut être parce qu’une autre « boite » à décidé de ne pas suivre (ou ne pouvait pas) : si jp-morgan, par exemple, assurait suivre la général et la couvrir pour l’engagement, plus de problème de fond propre. Parce que 50 milliards d’engagement cela ne veut pas dire qu’il faut « donner 50 Milliards » ca veut dire que si la position « saute » (pas capable de régler l’appel de marge) elle perds 50 milliards. Mais c’est comme en bourse, tant qu’on a pas vendu, on a pas perdu. Et même si on arrive à la fin du contrat (fin mars), il suffit de vendre au 18 mars ces contrats 20 mars et en acheter en même nombre des contrats fin juin : ils sont pratiquement au même cours : dessus si à la hausse et dessous si à la baisse.

    Vous remarquerez que bouton ne réponds pas souvent il annone toujours : « c’est un gros maichant et je suis effondré » le reste est tout creux, il nous raconte une histoire d’un pdg et d’un staff tout propre sur lui qui comprends pas ce qu’a fait kerviel : la générale toute une lignée d’incompétent du pdg au n+1 de kerviel et le lampiste un génie malfaisant plus intelligent et travailleur que tout la longue lignée au dessus réunie : il faut pas le lourder, moi ce que j’en pense. Putain une alerte qui explique 190 000 contrats et elle est même pas lue, c’est pas le mail qui envoie un lien vers une site porno ou un pps avec des chatons : c’est une alerte sur un desk de trading : soit ce sont des branleurs finis, soit des menteurs (et probablement les deux)

    Moi ce que je trouve étonnant c’est que individuellement les témoins disent tous « ce n’est pas possible que quelqu’un sache en dehors de kerviel », dès qu’une personne dit le contraire c’est un farfelu. Et pourtant sur des points pas anondins, ils ne sont pas d’accord, l’un qui dit que 55 millions c’est une grosse somme pour le desk, l’autre qui dit que 1,4 milliards ça le choque pas. Qui dit la vérité ? quel est l’autre mensonge caché derrière ?

    Mais bon, TOUT le monde a envie que Kerviel soit coupable et pouvoir retourner à sa petite vie de certitude ou tout est sous contrôle de toute façon ca ne change que pour lui, on pourra même dire que c’est un excellent message que le monde du travail envoie aux générations qui entrent sur le marché du travail : « votre employeur ne vous veut pas que du bien, travailler pour vivre plutôt que de vivre pour travailler, de toute façon au moindre soucis, s’il peut, il vous lourdera comme un malpropre ».

    Une excellente leçon de vie, pour moi ca les vaut bien les 5 milliards de « pertes »

    Commentaire par herve_02 — 22/06/2012 @ 11:57

  2. « ce professionnel des marchés financiers pense sincèrement défendre la réputation du système »
    Pour ce que j’en ai lu, ce n’est pas la réputation du système qu’il veut défendre mais celle des ‘petites mains’ qui le font tourner.
    Si j’ai bien lu son argument n’est pas que le système est bon, mais que les acteurs sont compétents et donc, il ne peuvent pas se faire enfler de la sorte par un rigolo comme Kerviel. Une fois posé que tout le monde savait ce que faisait le trader, il reste à comprendre pourquoi… et là, on rentre dans la pure spéculation (si j’ose dire).

    Commentaire par JaK — 22/06/2012 @ 15:30

  3. Quand l’affaire a éclaté, mon compagnon et moi avons immédiatement fait le rapprochement entre l’engagement de la SoGen dans les supprimes, la coïncidence était tellement grande. Nous étions sûr que Jérôme Kerviel allait disparaitre de la circulation gracieusement payé pour porter le chapeau par la SoGen. Nous étions très surpris quand ce dernier a été arrête et encore plus qu’en il a été condamné à payer les dommages et intérêts, si la Présidente n’aime pas le romantisme avec ce jugement, elle est servis! Plus délirent que ça, on peut pas faire mieux!. Moi, (et je suis très très loin d’être la seule) c’est la thèse d’un homme qui a pu prendre des positions pour 50 mds sans que personne puisse s’en apercevoir, que je trouve ultra fantasmagorique! Et encore plus fantasmagorique ce qu’on entend depuis des jours, des gens qui se font passer pour des sourds, des aveugles et des nuls venant de Polytechnique, désolée, mais un mec qui sort de cet école sait commander, analyser, voir même faire la comédie (certainement mieux que JK) !!! Et encore plus fantasmagorique sont les journalistes comme vous, qui soutenez cette thèse!!!! (Est-ce de la mauvaise fois, de la connerie ou de la paresse intellectuelle?) En tous les cas, les chiffres font perdre le sens des réalités à tout le monde pas qu’a Jérôme Kerviel!!! .Vite une thérapie de groupe!

    Commentaire par hello — 22/06/2012 @ 15:42

  4. @Hello : je ne doute pas un instant de l’intelligence cumulée dont vous faites preuve avec votre compagnon, mais voyez-vous entre celui qui raisonne derrière son écran avec pour seul matériau la vague impression suscitée par le brouhaha médiatique et puis celui qui, comme moi et d’autres, a lu l’intégralité du dossier, suivi la totalité des débats en première instance et en appel, rencontré les professionnels qui ont travaillé sur le dossier, et l’intéressé lui-même, il y a une petite différence, celle qui sépare la fiction de la réalité.

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 18:15

  5. @laplume

    Vous voulez dire que JK vous a avoué avoir pété les plombs tout seul ? que personne ne savait et que tout est de sa entière faute ?

    Ca ce se serait un sacré scoop.

    Commentaire par herve_02 — 22/06/2012 @ 18:23

  6. Vu sur twitter

    « Fabrice Angotti ‏@FabAngotti

    @DavidKoubbi sera l’invité de @itele ce soir à 22h30 #Kerviel
    Retweeté par itele « 

    Commentaire par gabbrielle — 22/06/2012 @ 18:25

  7. @herve_02 : évidemment non, ce genre de choses n’arrive même pas dans les romans. Ce que je veux dire, c’est que ceux qui sont vraiment dans le dossier ont de quoi penser que la thèse de Socgen n’est pas aberrante. Loin de là…Encore une fois, je ne dis pas qu’elle est vraie, je ne suis pas madame soleil, je dis qu’il faut arrêter de prendre les gens qui sont dans l’affaire pour des débiles, ça devient lassant. Surtout que les thèses liées à une manipulation se révèlent, quand on les observe de près, nettement plus délirantes que l’aveuglement de la banque.

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 19:00

  8. Bonjour Aliocha,
    Je suis très, très loin de partager votre avis personnel sur Jérôme Kerviel, mais je reconnais la valeur et l’intérêt de vos papiers, et je vous lis avec avidité ! C’est d’ailleurs bien dommage que vous ayez raté l’échange Koubbi/Mianné.
    Et ce Monsieur Werren qui se rend à peine compte, sous ses abords sérieux, que ce qu’il décrit c’est précisément un complot sinon interplanétaire du moins de l’establishment financier français ! Hallucinant … De toute façon je trouve les témoins de rien et/ou experts de pas grand-chose de Me Koubbi assez affligeants (à commencer par le premier, M. Houbbé), mais c’est un moyen pour la défense de faire entrer dans la cour d’appel le « brouhaha médiatique », comme vous dites, en phase avec l’opinion publique en plein « banker bashing ».
    Pour revenir au complot, qui peut m’expliquer pourquoi, si la SocGen savait avant tout le monde que la bulle subprime était sur le point d’éclater (je crois que les premiers signes tangibles mais dont pas grand monde s’inquiétait ont eu lieu vers mars 2007), n’a-t-elle pas liquidé ses subprimes, du moins en partie ? Ca me paraît beaucoup plus simple que « Kerviel et le desk fantôme ». Ah oui, mais des gens haut placés (on ne sait où) auraient demandé à la SocGen de sacrifier sa réputation avec un rogue trader pour ne pas affoler l’ensemble des marchés financiers ?! Bon, en définitive, ça n’a pas servi à grand-chose … Mais, dans ce cas là en effet « Merci, Société Générale » !
    Les théories grandioses sont tellement plus intéressantes que la médiocre réalité !

    Commentaire par Maelle — 22/06/2012 @ 19:34

  9. J’ai tout de même relevé quelques détails qui ont du mal à coller dans le grand tout.

    bouton et ses opérations fictives et marine auclair qui dit que tout le monde savait (es 2 sont à la générale), un zig qui dit que 55 millions c’est énorme et un autre qui pense que 1,4 milliards c’est pas aberrant.

    Alors, oui, tout ceux de la générale disent, en gros, la main sur le coeur, c’est pas possible (mais comment cela pourrait être autrement ?), certains ont eu 750 000 euros et ne doivent pas en parler (N+2 à N+6) ?

    Maintenant d’autres, extérieurs, disent ca tient pas cette histoire, mais ceux là on les traite de farfelus car la messe est déjà dite : KERVIEL DELENDA EST

    Individuellement ca changera rien du tout pour moi, mais c’est énorme de penser qu’un mec tout seul, dans un open space, dans une activité hyper contrôlée arrive à engager seul 50 000 000 000 euros, de tout le staff personne n’a lu aucune des 70 alertes sur la même personne (et il a fallu envoyer des réponses à ses alertes). Comme disait l’autre 30 secondes de curiosité sur 2 ans et on n’en était pas là. Vous pensez sérieusement que toute la chaîne de commandement était aux abonnés absents ?

    Et, sans vouloir faire ma langue de vipère, si ceux qui ont été lourdées (et contrôlaient directement ou indirectement kerviel) avait des « gains en attentes » de versement (sur les équipes en dessous) cela veut dire que les 5 milliards de « pertes » de kerviel étaient encore bien en deça de ce qu’ils avaient gagné. Parce qu’entendre l’autiste bouton expliquer qu’il pensait que la banque allait faire faillite et avoir en même temps une tripoté de personne partir avec 750 000 euros (salaires, bonus et résultats) ca rime pas trop avec on était à poil.

    Commentaire par herve_02 — 22/06/2012 @ 19:46

  10. @ herve_02

    S’agissant du recours aux contreparties techniques et, même si je ne vous suis pas sur l’explication boutonnesque vous avez raison de bien faire la distinction de la notion d’opération “fictive”.

    En effet, elle recouvre deux réalités : la première est celle relative aux opérations telles que saisies par Jérôme Kerviel qui n’étaient fondées sur aucune réalité économique et la seconde qui recouvre les opérations techniques pour la saisie desquelles il était recouru à une contrepartie technique à seule fin de concrétiser un événement de gestion relatif à ces opérations pourtant bien réelles (V. page 13 du délibéré de première instance).

    Par ailleurs, vous évoquez l’exposition non couverte des 50 Mds € en précisant qu’à la limite par l’effet de compensation ça diminue, voire ça annule le risque.

    Certes, sauf que, pour des contrôleurs financiers, pour établir le niveau du risque l’exposition est toujours égale à la somme des opérations (achat + vente).

    Seules importent les valeurs absolues des transactions engagées, sans tenir compte des effets de compensation des ordres d’achat et de vente : si vous me devez 1000 et que je vous dois en retour 800, le risque est de 1800 et pas de 200…

    Autrement dit, à quelques jours des arrêtés comptables la rectification de toutes les écritures passées par Jérôme Kerviel généraient l’explosion du ratio de solvabilité de la banque (Kerviel « L’ENGRENAGE »).

    @ Bonsoir Aliocha,

    Pas facile ! Moi qui vous ai connu « pro- kerviel » dès 2008 !

    Si ça peut vous consoler : « Faire comprendre des choses complexes à des gens simples frise souvent l’abus de confiance » (Philippe Bouvard)

    Evidemment, ça ne s’adresse pas aux éminents contributeurs de votre blog !

    Je crois qu’on ne fera jamais assez l’éloge des juges d’instruction du pôle financier et pour un échange savoureux :

    – Me François Martineau a néanmoins voulu interroger à son tour le témoin : La Cour applique le droit, je ne pense qu’elle prenne en compte ce que je pourrais qualifier d’intuition délirante. Avez-vous conceptualisé le travail de deux juges d’instruction ? Qu’est-ce qui vous autorise à dire que ça ne s’est pas passé comme c’est écrit ?

    – Jacques Werren : Je vous ai exposé ma conviction et je dis que ma thèse peut être démontrée en explorant les comptes maison de la banque.

    – FM : Donc votre conviction met entre parenthèse le travail de deux juges d’instruction. Avez-vous par exemple des faux que J. Kerviel a commis, de ses opérations fictives, des pertes latentes de 2 milliards, des opérations de débouclage ? Est-ce que vous savez ce que c’est qu’un « rogue trader » ?

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 22/06/2012 @ 21:14

  11. @herve_02 : ce midi, j’arrive dans un restaurant, le garçon qui m’invitait me prévient qu’on ne peut pas réserver mais que si on arrive à 12h30 on a une chance d’avoir une place en terrasse. J’arrive, la dame de l’accueil (60 balais, une jupe en broderie anglaise, des boots, les cheveux en pétard orange fluo) me lance avec toute la fierté de l’incompétence et l’arrogance de la connerie : nous n’installons que les gens au complet ! Du coup, plusieurs personnes attendaient debout, devant une terrasse vide. Place du Marché St Honoré, Paris 1er, entre la place Vendôme et la Place du Palais Royal. Et vous ne croyez pas à l’incompétence ? Mais vous pensez qu’ils sont comment les gens dans les banques ? Ce sont les mêmes, avec leur organisation de m….., leurs lâchetés, et le reste. Bien sûr que les témoins de socgen s’arrangent avec la vérité. La question c’est : pourquoi ? Parce qu’ils mentent et que Kerviel n’a rien fait ? Possible. Moi je crois surtout que c’est parce qu’ils se sentent mal quand il leur faut expliquer comment ils ont merdé à des juges, devant une cinquantaine de journalistes qui vont tout raconter dès le soir-même et devant leurs collègues. Vous vous sentiriez comment à leur place ? Merdeux et vous balanceriez les mêmes demi-vérités et les mêmes incohérences pour tenter de diminuer un peu le poids de votre responsabilité.
    Bien sûr que les responsabilités sont partagées. Bien sûr que Kerviel n’a pas tort de leur en vouloir de l’avoir laissé déconner, bien sûr que le jugement était excessif, bien sûr que personne n’est blanc-bleu dans cette histoire. Mais de là à tomber dans le complot, je dis non. Le problème n’est pas là. Le problème, c’est que JK est devant le juge pénal et que la justice pénale est très brutale. Elle ne juge pas le système, on lui colle un type devant elle et elle doit juger si oui ou non il a commis les fautes qu’on lui reproche. La réponse, donnée par Kerviel lui-même, c’est oui.
    L’appréciation de la cour peut varier de la responsabilité pleine et entière de première instance (Kerviel voyou, unique responsable, horrible fraudeur dans un monde d’anges liés par la confiance) ou bien trader embarqué dans un délire qu’on n’a pas su encadrer et détecter à temps alors qu’on lui donnait des outils dangereux dans une activité dont on sait qu’elle est risquée. A mon sens, il est là, le sujet pour la cour.
    Maintenant, pour nous tous témoins, je vous rejoins entièrement, mais c’est un autre sujet, malheureusement. Je suis personnellement convaincue, au vu notamment des suicides chez France Telecom et de mes expériences en entreprise que le monde du travail est le scandale invisible de notre époque. Comme vous le dites plus haut, c’est l’un des aspects de ce dossier. Si j’ai écrit ce livre, c’est justement parce que je pense que cette histoire est le reflet fascinant des délires de notre époque. Et ça dépasse de loin le seul problème de la finance….

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 21:18

  12. @Le Chevalier Bayard : François Martineau est mon idole dans ce procès. Il a une voix magnifique, il est calme, gentil, doux et ses questions sont aussi habiles qu’assassines. Le talent, le vrai. A l’opposé de la géniale caricature de Daumier qui fait dire à un avocat « vous avez perdu, mais vous avez eu le plaisir de m’entendre plaider ! »

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 21:23

  13. @Le Chevalier Bayard : j’oubliais, je ne suis pas devenue anti-kerviel, je crois malheureusement qu’il est sincère dans son sentiment d’injustice. J’ai simplement cessé de penser que la thèse de Socgen ne tenait pas la route. C’est différent 😉

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 21:28

  14. @Maelle : ah bon, et qu’est ce que vous pensez que je pense de JK ? 😉 j’ai plutôt l’impression que nous sommes d’accord. J’ai raté Mianné, mais je n’ai pas raté le génial comptable de Natixis qui agitait les bras en criant « la comptabilité ne ment jamais ! » Il était magique. Les confrères n’en ont pas parlé ?

    Commentaire par laplumedaliocha — 22/06/2012 @ 21:30

  15. @ Aliocha : je vous lis (même entre les lignes) et je l’avais bien compris !

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 22/06/2012 @ 21:41

  16. @ J’ajouterai que les guillemets ironiques sont aussi utilisés pour prendre ses distances avec le terme ou l’expression mise en exergue !

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 22/06/2012 @ 21:51

  17. @laplume

    Vous avez raison.

    Mais je me mets à la place de kerviel. Il trade, de plus en plus gros, comme une martingale. Un mail d’alerte arrive à son supérieur qui parle de 190 000 contrats, il fait une réponse à son supérieur qui valide sa réponse. Comment peut-il imaginer une seule seconde que son supérieur ne sait pas qu’il a tradé 190 000 contrats ? Comment peut-il imaginer que personne ne sait ce qu’il fait et qu’on ne l’arrête pas ? Parce que son discours (sa défense ?) est de dire : j’ai une méthode qui implique du volume si je/on la dévoile, on peut jouer contre nous (d’ailleurs c’est confirmé par tous les intervenants générale il ne fallait pas que ca se sache), donc il faut que ce soit discret et donc faire des réponses évasives aux contrôles externes cra une fuite est si vite arrivée. Et dans le domaine du non dit, du « pas vu pas pris », de ce qui est « toléré dans une certaine mesure » (combien ? ca dépend) et sa machine qui est « débloquée » pour passer les ordres. Qui, à sa place, pourrait penser que personne ne sait ?

    En gros des mails d’alerte il y en a 70, et à chaque fois les supérieurs ne les lisent pas ? Comment kerviel qui bosse pratiquement 7/7 sans vacances peut imaginer une seule seconde que la hiérachie ne lit même pas les mails (c’est pas une note de service un mail d’alerte d’Eurex) ? Je ne parle même pas de vérifier (simple coup de fil ou peut être même 2 clics sur un écran) que les contreparties ne sont pas fictives ?

    Je pense sincèrement que kerviel est persuadé qu’une bonne partie des gens savaient et que ces « faux » ont pour objectif de permettre de continuer. Lorsqu’il y a clôture de bilan aux 3-6-9, on ne vérifie pas que les lignes sont justes ? si il avait rentré 550 millions de résultats, ca passait directement dans les comptes ? Et si les gens savaient pour les « faux » est ce que ca continue à être des faux ou ca devient une opération technique pour pallier à une limitation informatique ?

    Le truc c’est que des expertises demandées par la défense ont été refusées, une partie des « preuves » n’étaient pas consultable par la justice car sur des serveurs pas en france. La générale a eu largement le temps de faire le ménage sur les machines (ils n’ont pas que des branquignols) et de « fermer l’accès » à certaines données, les « cloisonner sur des serveurs non accessibles. Le match est trop inégal et tout était décidé avant que ca commence.

    Que peut un mec seul qu’on traite depuis le début de menteur, voleur et terroriste contre une multinationale aux moyens illimités ? rien. C’est comme le portugais et sa voiture contre un « fils de » en scooter.

    Alors peut être que personne ne savait, mais je n’y crois pas et de l’autre coté on a _tout_ le staff général qui dit : on n’ a pas assuré, on est con, on a rien vu. Tout le staff c’est pas seulement le N+1, c’est la compta, le risque, les directions, le back-office, les collègues, probablement des 100aines de personnes. Et les meilleurs sur le marché ? Vous arrivez à y croire, au delà de tout doute raisonnable ?

    @le chevalier

    J’ai un peu de mal à comprendre entre les contreparties fictives non fictives et les contreparties fictives fictives. Enfin quand c’est kerviel c’est des fausse et quand c’est pas lui c’est des vraies, ca doit être plus simple à comprendre. C’est l’expert de la générale qui a expliqué ça ?

    Commentaire par herve_02 — 22/06/2012 @ 22:07

  18. Qu’est-ce que vous appelez des contreparties fictives fictives ? J’ai cru comprendre que vous aviez bien distinguez entre des opérations fictives et non fictives ! Maintenant, vous me dites que vous avez un peu de mal à comprendre ?

    Là c’est moi qui ne comprend pas pardonnez-moi ! En plus, que vient faire l’expert de la générale dans votre propos ?

    Il y a eu une instruction au pôle financier non ou je me gourre ?

    Bon ! Sur la révélation d’opérations fictives destinées à masquer les positions directionnelles hors limites, et les résultats réalisés : Jérôme Kerviel est parvenu à masquer ses positions en appliquant des techniques ayant cours dans la banque à des fins de modélisation comptable mais reposant sur une réalité économique, ce qui n’était pas le cas des opérations de ses saisies aux seules fins de cacher son activité directionnelle.

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 22/06/2012 @ 22:38

  19. @ laplume

    Je ne sais pas … vous avez (aviez) une certaine sympathie pour Jérôme, non ? Moi pas. Mais je suis d’accord sur le fond avec votre analyse de ce qui a dû se passer.

    Mon point de vue sur Kerviel va, je pense, au-delà du vôtre. Ce n’est pas seulement qu’il est « sincère dans son sentiment d’injustice », mais il croit aux mensonges qu’il a lui-même forgés, pour échapper au fait qu’il n’est qu’un rogue trader. C’est dur pour moi de le dire, mais je rejoins sur ce point ce qu’a dit Bouton hier. Et il s’est trouvé conforté par l’image de lui-même que lui ont tout de suite renvoyée les media, internet ; c’est le mythe Kerviel que vous connaissez bien, je crois ;=) Le jour où cette carapace va se briser, ce sera terrible pour lui, je pense.
    Je suis d’ailleurs frappée que cette escalade dans le mensonge du « j’ai déconné » (il me semble qu’il avait plus ou moins reconnu ses erreurs au tout début, non ?) au « « ils »ne pouvaient pas ne pas savoir » puis « « ils savaient » pour finir par le délirant « c’est un gigantesque complot », elle corresponde à la même escalade de plus en plus déconnectée de la réalité financière dans son rogue trading. Pour moi, c’est sans doute un trait de son caractère.
    Voili, voila, avec ma psychanalyse de café du commerce !

    Btw, le monsieur de Natixis, qui zozotait très énervé ? Si, si la Tribune en a parlé dans ses minutes. Encore un témoin Koubbi, en effet. Comme les Pythagoriciens voulaient trouver Dieu dans les chiffres, les comptables veulent voir le complot interplanétaire dans les comptes !

    Commentaire par Maelle — 22/06/2012 @ 23:30

  20. Nous en sommes à n+unième procédure française du type « responsable mais pas coupable », et particulièrement en ce qui concerne Bouton dans le cas qui nous (pré)occupe. Ceci montre qu’indépendamment de la culpabilité ou non de J.Kerviel, le Sieur Bouton et sa garde rapprochée ne seront à tout jamais ni poursuivis, ni inquiétés. La thèse de « la place » propre a balayé celle des écuries d’Augias.

    Commentaire par zelectron — 23/06/2012 @ 08:23

  21. @Maelle : à l’origine, j’avais choisi le métier d’avocat, je suis naturellement du côté du plus faible, toujours, c’est instinctif. Et puis j’ai horreur des systèmes, de tout ce qui me parait de nature à briser un homme. Jérôme Kerviel conservera toujours à mes yeux ce crédit-là. Mais force est d’admettre que la banque semble bien n’avoir rien vu. Et j’adhère entièrement à votre raisonnement que je trouve très serein et très juste.

    @zelectron : on ne peut pas, hélas, tordre les faits pour les faire coller à l’image que l’on aimerait avoir de cette affaire. En tout cas moi je m’y refuse. Mais rien n’empêche d’utiliser le matériau qu’elle nous offre pour changer ce qui nous parait discutable dans notre manière de fonctionner, non ? Ce sont deux sujets différents, liés, mais différents.

    Commentaire par laplumedaliocha — 23/06/2012 @ 11:28

  22. Moi, non spécialiste de la finance et des métier afférents j’essaye de m’informer et de comprendre .

    Ce que j’ai tout de même compris c’est que, à l’ère du capitalisme financier, les banques ont complètement changé de mission (abandonné leur mission peut-on dire même). D’organismes de financement des entreprises et des particuliers, financement de l’économie réelle, elles sont devenues d’abord (et principalement semble-t-il) des acteurs boursiers. Elle ne sont pas censées se livrer à la spéculation sur le marché boursier, mais la tentation étant tellement forte, et surtout la nécessité tellement évidente d’augmenter leur capital et leurs gains, qu’elles le font bien entendu , pour la raison que j’ai dite, intrinsèque au capitalisme actuel : il faut compenser la baisse tendancielle du taux de profit dans la production.

    Tenons donc pour acquis que les banques ne doivent absolument pas être considérées comme des voyous ou des bandits de grand chemin usant de tous les procédés malhonnêtes dans le dos de leurs pauvres clients nécessairement floués à qui elles mentent et qu’elles volent parce que ces sont elles qui tiennent le manche (pour être clair) car il y a des règles de la finance, parfaitement logiques et pensées par des mathématiciens -dévoyés-, mais que néanmoins, au sein de ces règles qui les encadrent, elles spéculent. Non au sens ordinaire de la spéculation d’un individu, où chacun y va au flair selon ses intuitions personnelles, pas ce genre de spéculation, mais spéculation néanmoins avec des moyens très sophistiqués qui donnent des indices des conduites, telles ces positions directionnelles etc. Mais à part ce « petit » problème de la spéculation, il y a des règles qui interdisent clairement certaines opérations, réalisées à grande échelle par Kerviel, les dissimulations de positions…

    Les banques organismes financiers ont largement perdu leur traditionnelle fonction d’utilité publique de financement de l’économie réelle, mais, pour des raisons parfaitement nécessaires ont des activités sur les marchés financiers où elles spéculent bien qu’elles ne soient pas censées le faire, et donc prennent des risques et parfois se cassent la figure car elles vont trop loin, jusqu’à franchir les limites, de la logique et de l’honnêteté, comme l’a montré la crise des subprimes. D’où la méfiance à leur égard de la part du public, qui est plus que compréhensible.

    Les banques, entités abstraites, ont des traders, leur employés qui réalisent ces opérations, dans le cadre de règles tout à fait logiques et néanmoins dans un cadre incitant à la spéculation, ce qu’ils ne sont pas censés faire, mais inévitablement doivent pourtant le faire. C’est donc un métier assez risqué aux opérations délicates et responsabilités immenses, qui supposent de respecter un minimum de logique, ce pour quoi on leur fait confiance (en gros) et obligatoirement car ils ont une autonomie professionnelle et prennent constamment des initiatives.

    Les traders font de la spéculation, à une plus ou moins grande échelle -encadrée par des règles- et leur direction laisse faire, car grosso modo, c’est la logique du système parce que c’est l’intérêt en jeu.

    On suppose donc aux traders la connaissance des règles et le respect d’une certaine logique. Ce qu’on peut appeler leur conscience professionnelle, conscience de leurs responsabilités et leur bon sens. Soit la confiance qui leur est accordée.

    Si j’ai bien compris donc, c’est ainsi que ça marche.
    Vous me corrigerez si je me trompe.
    ou me confirmerez… car je fais des efforts pour suivre 🙂

    Le problème de Kerviel est qu’il semble avoir complètement outrepassé les règles et pris des risques insensés au regard du cadre dans lequel il était censé agir avec ses règles dont il s’est affranchi, mais aussi au regard de la logique qu’on lui supposait. La banque ne l’a pas imaginé possible, donc pas anticipé, et il est -il serait- passé à travers tous les contrôles, y compris en produisant des faux. Il semblerait qu’il a pu prendre des positions directionnelles, au nom de la banque, sur ses fonds propres, en utilisant des futures car ceux-ci ne nécessitent qu’un infime apport de fonds. Mais normalement ceux-ci doivent être équilibrés par d’autres opérations d’achat et ventes de produits sous-jacents, ce qu’il n’a pas fait.
    [correct ?]
    Plus un autre point que je n’ai pas compris : il paraît qu’il y a un organisme, la chambre de compensation, qui garantit ces contrats à termes et demande elle-même des garanties et dépôts. Pourquoi ça n’a pas fonctionné dans le cas de Kerviel ? Qu’a donc fait cet organisme et qu’a fait Kerviel avec lui ? Il a aussi dissimulé ses opérations à la chambre de compensation qui constitue un garde-fou ? (rien vu sur ce point)

    Si c’est ainsi globalement, soit l’explosion de toutes les règles par Kerviel, et si je n’ai pas fait trop d’erreurs, le problème est donc la logique de Kerviel. Il est entré dans une logique complètement folle et c’est sa mégalomanie délirante qui est en cause. A classer du côté d’un sérieux problème qui relève de la psychiatrie par conséquent quand bien même cette folie est révélatrice des excès ou de la folie du système qui pousse ses agents -jusqu’à quel point ?- à dépasser les bornes

    Le fait qu’il ne puisse reconnaître après-coup sa responsabilité ni s’expliquer sur ce qu’il a fait, indique qu’il ne peut reconnaître la folie qui s’est emparée de lui. (question de Bouton : expliquez nous pourquoi vous avez fait cela ?)
    Le fait qu’il ne se contente pas de dire que la banque savait, question qui demeure en suspens, plus ou moins, beaucoup de témoignages contraires, mais qu’il l’accuse de complot, indique encore qu’il est en plein délire et que la défense est passablement hors sujet.

    J’en arrive à penser que c’est la folie de Kerviel qui est le problème. Folie qui a aveuglé la banque, et dont traite le procès mais déplacé en abus de confiance, ou plutôt le problème dont ne peut traiter le procès car il y est question des fautes qui relèvent du droit mais non de l’appréciation de la folie de Kerviel.

    D’où le côté fascinant de l’histoire et le côté surréaliste du procès dont les conclusions n’apporteront pas de réponse aux questions posées. A moins que la conclusion soit que Kerviel mérite davantage l’hôpital psychiatrique que la prison. Mais il ne semble pas que l’alternative fasse partie des explorations actuelles et hypothèses envisagées.

    Qu’en pensent les experts de la finance ?

    Par ailleurs une question :
    pour la défense de Kerviel son témoin clef, Houbé, la semaine dernière a dit qu’ il a vu en 2007, de même que les autres employés de la SG l’ont vu, ressortir les positions extraordinaires de Kerviel. En 2007 donc, mais la banque n’a rien fait et a continué à laisser faire Kerviel. Ce qui est tout de même étrange.

    Que vaut ce témoignage ?
    Peut-on admettre qu’avec les positions fictives prises par Kerviel ses actions pouvaient être effectivement masquées ? du moins pour un système de contrôle qui a manifestement failli ?

    Commentaire par Schmilblick — 23/06/2012 @ 13:51

  23. Revenant un peu en arrière … Reste le témoignage de Paolantonacci qui me laisse perplexe

    lundi 18 Paolantonacci dit qu’il s’est aperçu en 2007 de prises de positions de Kerviel pour un montant de 80 milliards . On s’étonne que là Kerviel n’ait pas été arrêté. D’après le compte rendu de la Tribune du moins, ni la présidente du tribunal ni Koubbi ne s’arrêtent à ce point pour demander plus d’explications. Pourquoi la banque ne l’a pas arrêté alors. Là pour le coup c’est moi qui m’étonne.

    Apparemment ils savaient .

    La présidente du tribunal demande au témoin d’expliquer « Huit opérations d’achats-ventes de forwards d’un encours total de 80 milliards d’euros passées face à un courtier allemand Baader était apparu en anomalie. »

    Il répond

    « C’est tellement gros, 80 milliards avec Baader, que vous vous dites que c’est une erreur. Puis on vous dit que c’est avec Deutsche Bank, c’est un peu mieux mais c’est énorme. Dans le doute, on a décidé de vérifier ces opérations de manière précise.
    Le problème de ces opérations c’est qu’elles nous font prendre un risque de marché colossal. En face, on doit mettre un montant énorme de fonds propres. On n’avait simplement pas les moyens de prendre cette position. La banque doit absolument la couper. Dès lors qu’il est passé des opérations fictives en face, le risque de marché n’est plus un problème.  »

    Et ça s’arrête là.
    Aussi bien le contrôle de Paolantonacci en 2007, que les questions.

    Etonnant tout de même.

    Commentaire par Schmilblick — 23/06/2012 @ 22:33

  24. @ Schmilblick

    Vous avez raté le premier épisode ?

    Il n’ y a rien de nouveau ! Ça a déjà fait l’objet du débat judiciaire de première instance ! Il est donc normal qu’en appel les témoins soient encore entendus.

    Ainsi sur l’information de la hiérarchie des dépassements des limites :

    « Il reconnaissait que “d’une certaine manière” Martial ROUYERE n’avait pas été informé des dépassements concernant ses opérations directionnelles. “J’ai caché à CORDELLE les dépassements que j’ai réalisés dans mes positions” reconnaissait-il (D77p 3). Il admettait que la limite était fixée à 125 millions pour l’ensemble des huit traders du desk et ne pas avoir parlé à ses supérieurs hiérarchiques de ses positions ouvertes (vendeuse de 30 milliards en juillet 2007, vendeuse de 30 milliards en fin octobre 2007 et acheteuse de 50 milliards en janvier 2008) et n’avoir jamais informé la Société Générale de ces montants (V. page 35 du jugement) .

    En gros, si j’ai bien compris et rien que pour vous hein ! : Jérôme Kerviel s’est constitué un portefeuille de “futures” (entendez par là contrat à terme), pariant sur la hausse des indices boursiers européens (Eurostoxx, Dax et Footsie).

    Avec ce portefeuille Jérôme Kerviel est acheteur et joue sur la hausse du marché.

    Dans le même temps, pour déjouer les contrôles, il construit une position inverse totalement fictive, avec des opérations déguisées, le montrant short, c’est-à-dire vendeur sur le marché.

    Ces opérations sont elles aussi entrées dans le système informatique. Les instruments financiers du portefeuille réel A sont ainsi compensés par les opérations fictives d’un portefeuille fictif B : B dissimule les paris qu’il prend sur A, le tout est donc égal à zéro.

    Pour la banque tout va bien !

    Et, pour faire croire à la SocGen, la réalité des opérations enregistrées dans le portefeuille B, Jérôme Kerviel va créer des contreparties fictives autrement dit des faux clients.

    A chaque fois Jérôme Kerviel fournit des explications totalement crédibles (on est dans la « Société de confiance » pour reprendre l’expression de Bouton à l’invitation de la lecture du livre d’Alain Peyrefitte) et puisque les bénêts du contrôle gobe tout il n’avait donc aucun mal à les convaincre !.

    Pour moi, ce n’est qu’un avis personnel hein ! Jérôme Kerviel, astucieusement, a su exploiter les trois failles pointées par l’expertise :

    1 – Un back-office régulièrement en sous effectif ;
    2 – Un système informatique, baptisé Eliot, poussif ;
    3 – Un département « contrôle risque » dépassé.

    A propos du système informatique Eliot par exemple : on sait qu’il a été conçu en 1992 or, avec le temps, le volume des transactions a été multiplié par 100 et en 2004, Daniel Bouton décide alors d’agir : au lieu d’acheter un progiciel de contrôle 100 % opérationnel à cette date – comme l’incontournable Murex aujourd’hui – (celui qui équipe par exemple la BNP PARIBAS), il privilégie ses troupes en choisissant la création d’un système maison (en 3 ans et pour 50 millions €) le projet a pris du retard, le budget a explosé, et des sous-programmes d’Eliot tournent encore.

    Autrement dit, le cœur du réacteur informatique de la SG saturait.

    Comble de l’ironie le responsable du projet a été viré et… recruté par BNP PARIBAS !

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 24/06/2012 @ 12:19

  25. Alors serait-ce comparable au cas des assurances qui ne veulent pas rembourser les victimes d’un vol, considérant que ces dernières n’ont pas su se protéger càd ont failli à leur devoir de protection ?
    Ce qui serait finalement l’argument central de Kerviel ? mais… utilisable par les assurances, et non par celui qui a produit le dol dont cette carence n’efface pas la faute ?

    Commentaire par Schmilblick — 25/06/2012 @ 17:27

  26. […] jamais entendus auparavant ». Et si. Ils ont été entendus en 2012. J’en parle ici et là. Ils n’ont rien dit de plus cette fois-ci. Ils n’ont fait que redévelopper des […]

    Ping par La mécanique perverse de l’affaire Kerviel | La Plume d'Aliocha — 19/06/2016 @ 15:44


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