La Plume d'Aliocha

01/11/2009

Un code de déontologie moderne, enfin ! (2)

Filed under: Débats,questions d'avenir — laplumedaliocha @ 15:21

Quelques mots dans le prolongement du billet précédent en réponse à un article de Paul Villach publié sur Agoravox. Celui-ci attaque le projet de code de déontologie de Bruno Frappat sous prétexte qu’il entretiendrait « trois erreurs traditionnelles qu’aiment à répandre les médias » (je sens poindre l’influence de Bourdieu et Chomsky). D’abord explique-t-il la distinction entre faits et commentaires sur laquelle s’appuie le code serait inopérante puisque on n’accède jamais qu’à la représentation des faits, non aux faits eux-mêmes. Certes. Si l’observation est intéressante, elle témoigne néanmoins d’une ignorance du journalisme qui serait pardonnable si elle ne se traduisait par des attaques un peu trop péremptoires à mon goût. Quand on pratique le journalisme, on sait fort bien distinguer ce qui relève de la description des faits selon la règle des 5 w (qui impose de répondre à ces 5 interrogations : who, where, when, what, why), du commentaire. Exemple : « Jean Sarkozy (who) a annoncé le 22 octobre (when) sur France 2 (where) son intention de renoncer à se porter candidat à la présidence de l’Epad (what) en raison des réactions suscitées par sa candidature (why). Rappelons que l’Epad est un organisme créé par le général de Gaulle etc. (mise en perspective). Il est heureux que ce-dernier ait enfin pris acte de la colère populaire déclenchée par un évident népotisme d’autant plus inadmissible que notre pays est en crise et, surtout, que de nombreux jeunes, eux très diplômés, ne trouvent pas d’emploi car leur père n’est pas à l’Elysée (commentaire)« . Alors je veux bien que l’on joue à faire de la philosophie en maniant l’exemple fameux du « ceci n’est pas une pipe » de Magritte, c’est aussi louable qu’intéressant, mais ça n’informe pas en pratique un journaliste sur ses obligations professionnelles. Or, l’objet du code est précisément de fixer des règles déontologiques susceptibles de guider les journalistes dans leur travail. Leur dire qu’ils n’accèdent jamais aux faits mais seulement à leur représentation n’apporte rien. En revanche, souligner qu’il faut s’en tenir aux faits et éviter de les mélanger avec les commentaires est tout à fait utile et même nécessaire. Rappelons à ce propos la remarquable observation d’Hannah Arendt :

“Les faits sont la matière des opinions, et les opinions, inspirées par différents intérêts et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps qu’elles respectent la vérité de fait. La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat”.

Osera-t-on me dire qu’Hannah Arendt véhiculait en écrivant cela le mythe journalistique de l’accès direct aux faits ?

Deuxième critique : le code procéderait à « une dénégation discrète de la loi d’influence » (ah, les vils journalistes manipulateurs ! ) en écrivant que le journaliste « refuse toute confusion entre information et promotion ou publicité ». L’auteur de l’article ne voit pas de différence entre information et publicité, estimant que toute communication, journalistique ou publicitaire,  emporte nécessairement une influence. C’est bien entendu exact. Mais la charte encore une fois ne fait pas de théorie de la communication, elle s’adresse d’un point de vue pratique aux journalistes et leur dit : « vous ne devez pas prêter votre plume à des opérations de publicité de quelque nature que ce soit ». Voyez à ce sujet ce billet dans lequel je relayais les inquiétudes de Laurent Habib, patron d’Havas au sujet du développement inquiétant de la publi-information. Par ailleurs, les lecteurs habituels d’@si ont dû ces derniers temps lire nombre d’articles à ce sujet chez Daniel Schneidermann. Non seulement le code ne nie pas la loi d’influence, mais au contraire il invite les journalistes à avoir conscience des conséquences positives ou négatives de ce qu’ils publient. N’est-ce pas une reconnaissance implicite de leur influence, assortie d’un appel à la responsabilisation ? La distinction entre information et publicité ne s’inscrit pas sur le terrain de l’influence mais sur celui de la différence entre rendre compte en toute indépendance d’un événement d’une part et vanter les mérites d’un produit contre rémunération ou sous la contrainte d’autre part. Chacun comprendra qu’il en va de la crédibilité de la presse.

Troisième critique : rien n’indique dans ce code ce qui fonde la décision de publier ou non une information. Si, je m’excuse, beaucoup d’éléments l’indiquent. L’obligation de hiérarchiser contenue dans l’article 1, par exemple, renvoie à la nécessité de trier ce qui est important de ce qui ne l’est pas. C’est un premier critère qui, en effet, peut prêter à discussion car il confère un pouvoir important à un organe de presse.  N’oublions pas toutefois que le pluralisme est censé corriger ce pouvoir dès lors que ce qui n’intéresse pas l’un excitera la curiosité de l’autre, sauf à croire au grand complot des médias qui se réuniraient tous les matins pour décider ensemble ce qu’ils vont cacher au public. Notez il y en a pour le penser, comme d’autres s’obstinent à considérer qu’on n’a jamais marché sur la lune. Ajoutons qu’Internet tempère de plus en plus les effets potentiellement négatifs de cette fonction attribuée à la presse. Outre l’importance ou non d’un fait qui pousse à l’évoquer ou à le taire, viennent une série de limitations à la liberté de publier une information liées au respect de la dignité, de la présomption d’innocence, de la vie privée, ou encore à l’interdiction de susciter haines, discriminations, préjugés. Sans compter l’article 3-1 qui enjoint de ne pas mettre en cause l’honneur d’autrui  sans information crédible sur les faits allégués. Tels sont les critères qui limitent la sortie d’une information. Ils ne satisferont pas les adeptes du grand complot médiatique, mais je gage que ceux-là n’auraient pas été davantage convaincus par des informations plus précises, à supposer d’ailleurs qu’elles puissent être fournies, ce dont je doute. Il n’y a que le gouvernement chinois qui sache parfaitement ce qu’il entend par important ou non en ce qui concerne l’information…

Ceux qui nient la différence entre information journalistique et publicité, ou bien encore contestent la possibilité de relater un fait de la manière la plus exacte, fidèle et objective possible au nom d’une vision idéalisée et assez théorique des choses, me donnent toujours envie de les envoyer observer durant quelques jours le fonctionnement de la justice. Ils verront que c’est une affaire humaine parfois bien éloignée d’une vision idéale de la Justice. Il n’empêche, des milliers de juges la rendent chaque jour, de même que des milliers de journalistes tentent avec plus ou moins de succès, de talent et d’éthique de rendre compte de l’actualité quotidiennement. Ils ne sont pas plus objectifs que les juges ne sont justes, mais ils tendent à l’objectivité, c’est leur mission et leur devoir. Un devoir qui est en passe d’être réaffirmé, et c’est tant mieux.

20 commentaires »

  1. Vous écrivez : « Or, l’objet du code est précisément de fixer des règles déontologiques susceptibles de guider les journalistes dans leur travail. Leur dire qu’ils n’accèdent jamais aux faits mais seulement à leur représentation n’apporte rien. »

    Rien selon vous, Aliocha. Un lecteur tatillon pourrait déterminer que que ça apporte immédiatement aux journalistes « sur le terrain qui font un vrai boulot, eux » la conscience du fait qu’ils produisent de l’opinion à la seconde où ils mettent des mots sur du papier, que si l’objectivité est un objectif jouable celui-ci ne pourra jamais être atteint, que par conséquent ce que voit le journaliste n’est pas forcément la Vérité Révélée qu’il apporte à ses lecteurs. De ceci découlent beaucoup de choses que vous reprochez vous-même à la profession, comme la place ridicule des erratums et droits de réponse, le refus de nombre de journalistes d’admettre (ce que je ne connote pas moralement hein) qu’effectivement tout travail avec les sources est un jeu de manipuation/contre-manipulation, ou la morgue ressentie régulièrement par le lecteur quand un journaliste explique que « lui est objectif puisqu’il est journaliste » ?

    Quand vous louez XXI, quand on voit que le dessous des cartes est une des meilleures émissions de la télévision française : vous remarquerez que ces deux titres revendiquent expressément la subjectivité inhérente au travail de journaliste, pour le dessous des cartes en laissant apparaître en filigrane l’avis des auteurs – et en le disant explicitement lorsqu’on leur pose la question – , pour XXI en demandant spécifiquement pour leurs enquêtes que le journaliste se place au sein de son récit, de sa version de la réalité. Alors je veux bien que vos poils se hérissent lorsqu’on cite Bourdieu, et celui-ci n’est pas une autorité incontestable, toutefois on peut difficilement nier que l’application du principe de subjectivité dans une profession telle que le journalisme apporte énormément au lecteur comme – AMHA – au journaliste. C’est en tout cas ce que démontrent à mon sens ces trop rares productions, louées pourtant pour leur excellence…

    Ca marche aussi pour toutes les autres sciences sociales : quand on lit une enquête sociologique, le meilleur indice d’honnêteté des auteurs est de regarder si ils pointent eux-mêmes (et avec quelle étendue, et quelle acuité) les failles inhérentes au fait qu’ils travaillent sur des populations humaines et dans des conditions forcément très éloignée de la possibilité d’obtention d’une Réalité avec un grand R qui serait transcendante.

    Pour le reste, il y a quelque chose que je ne saisis pas : le fait que la nouvelle règle soit intégrée juridiquement aux conventions régissant le métier apportera-t-il une obligation de respect de ces règles sous peine de sanction voire de radiation, ou est-on en train de pisser dans un violon comme pour les précédentes règles déontologiques ?

    Aliocha : je savais bien qu’en utilisant le terme d’objectivité, je déclencherais le débat 😉 . Nous pouvons le remplacer si vous préférez par honnêteté. Ce qui n’empêche nullement le journaliste ensuite d’analyser et commenter, mais en s’en tenant aux faits. Bien sûr que tout regard est forcément emprunt de subjectivité, il faut être totalement idiot pour le nier. Mais précisément, en matière de journalisme, cette subjectivité doit être encadrée, limitée. Il y a quelques temps, j’assistais à une conférence de presse. Peu après, je lis le compte-rendu de la manifestation dans un grand quotidien. Et je bondis. Il était écrit exactement le contraire de ce que j’avais entendu. Je reprends le dossier, je vérifie mes notes, je me dis que j’ai du manquer quelque chose, que j’étais mal réveillée, que j’ai loupé une question, ou bien que je n’ai tout simplement pas compris. Par acquis de conscience, j’appelle des confrères, aussi surpris que moi, puis l’organisme qui avait organisé l’événement, lequel me confirme que j’ai bien compris. Alors pourquoi le quotidien en question avait-il compris autre chose ? Peut-être une erreur, personnellement, je penche pour une autre hypothèse : le journaliste avait vendu son sujet en évoquant un lien possible avec la crise qui le rendait hautement intéressant. Or, il se trouve que finalement, il n’y avait pas de lien avec la crise. Pas de bol ! Qu’à cela ne tienne, on en crée un parce que ça plaît au rédac’ chef et que ça va intéresser davantage le public. Les sujets ainsi « forcés » par les journalistes sont légion. On torture les faits plutôt que d’admettre qu’il n’y a pas de sujet ou que le sujet est différent. Voilà un exemple typique de violation de la règle d’objectivité ou d’honnêteté. Il me semble que l’allégeance aux faits, l’interdiction de les modifier, corriger, adapter au gré de ses besoins ou de ses humeurs est un commandement essentiel du journalisme. C’est à cela que je songe en parlant d’objectivité et non pas à l’idée selon laquelle il serait possible d’écarter toute forme de subjectivité dans la relation d’un événement.
    Quant à votre question sur la valeur du code, s’il est inscrit dans les conventions collectives de la presse, il engagera employeurs et salariés, il sera donc opposable par les journalistes à leurs employeurs et réciproquement.

    Commentaire par Moktarama — 01/11/2009 @ 16:00

  2. Il fallait lire « que si l’objectivité est un objectif louable » et non jouable 😉

    Commentaire par Moktarama — 01/11/2009 @ 16:01

  3. @Aliocha :

    Voilà des précisions bienvenues. Je ne perçois pas les choses tout à fait de cette manière, mais j’apprécie votre honnêteté intellectuelle (à défaut d’objectivité) , Aliocha. Je suis rarement d’accord avec votre vision, toutefois je ne peux que m’incliner devant une grande partie de vos réflexions, en particulier quand on pense à l’aspect très pratique du métier de journaliste (un peu à la manière dont authueil refuse le tiers exclu dans l’examen de l’action politique, à un moment c’est bien le résultat qui compte et pas la dissection de mouches par les érudits en vase clos) .

    Comme vous disiez dans votre précédent billet, un code opposable juridiquement par les journalistes est effectivement un pas en avant. Je souhaite que les journalistes s’en emparent et montrent qu’eux, individuellement, ont toujours cet idéal qui les a menés à faire ce boulot, ce dernier étant bien trop souvent à rebours des objectifs des directions de nombreux médias en France.

    Ceci étant dit, je regrette également que ce but d’objectivité soit traité comme positif dans le code, comme si cette objectivité était atteignable (de la même manière que la pureté intellectuelle n’existe pas : on peut être plus ou moins honnête intellectuellement mais pas pur) . La revendication de subjectivité (ce qui n’interdit pas de tendre vers l’honnêteté intellectuelle ou une certaine objectivité) m’aurait semblé nettement plus intéressante ; en ce sens qu’obliger de revoir les comportements à cette aune aurait immédiatement permis d’en éliminer une bonne partie. D’éviter, par exemple, qu’il soit possible que Joffrin et Mougeotte ne s’auto-congratulent comme étant vraiment des titres « objectifs et neutres » , « eux » , sans que tout le monde ne rigole à gorge déployée. Plus les exemples donnés dans le commentaire précédent, et une tripotée d’autres (que vous passez un temps non négligeable à pointer sur ce blog) .

    Aliocha : Je comprends mieux en vous lisant ce qui motive les critiques contre le postulat de l’objectivité journalistique. Chaque titre défend en effet une ligne éditoriale plus ou moins emprunte d’idéologie qui détermine le choix des sujets et le traitement de ceux-ci. Si c’est cela qui vous fait parler de subjectivité, on pourrait même dire « d’information orientée » et donc non objective, je comprends alors l’irritation contre la prétention à l’objectivité de la presse. C’est qu’en réalité nous ne parlons pas de la même chose du tout. Quand les auteurs du projet de code écrivent : « Le journaliste doit s’attacher avant tout à l’exactitude des faits, des actes, des propos qu’il révèle ou dont il rend compte », obligation que j’évoque imparfaitement sous le terme « objectivité », ils rappellent que les éléments factuels qui constituent le coeur de l’information doivent être exacts. Qu’ensuite celle-ci soit présentée, analysée, commentée selon la ligne du journal est autre problème. Pour reprendre les propos d’Arendt, toutes les opinions sont légitimes dès lors qu’elles respectent la vérité de fait. Ce qui fait également dire aux journalistes qu’ils sont objectifs, c’est qu’ils sont en principe – je dis bien, « en principe » – indépendants de l’objet dont ils parlent. Quand Eolas parle des avocats, de la justice, du droit des étrangers, il est impliqué en tant qu’avocat, à l’inverse, si un journaliste parle de ces sujets, on est en droit d’attendre de lui qu’il le fasse avec distance, en tiers impartial, en observateur qui n’a d’autre objectif que de décrire ce qu’il voit. Tels sont, je crois, les deux aspects de l’objectivité journalistique aux yeux des journalistes : exactitude technique et indépendance de l’observateur.

    Commentaire par Moktarama — 01/11/2009 @ 17:40

  4. « N’oublions pas toutefois que le pluralisme est censé corriger ce pouvoir dès lors que ce qui n’intéresse pas l’un excitera la curiosité de l’autre, sauf à croire au grand complot des médias qui se réuniraient tous les matins pour décider ensemble ce qu’ils vont cacher au public. »

    Nul besoin de complot. Un mélange de suivisme, d’incompétence et de pusillanimité pourrait aussi bien convenir.

    Commentaire par Tau — 01/11/2009 @ 21:01

  5. @Moktarama

    A la limite, même votre vision, au sens littéral, des choses n’est pas objective. Après tout, la vue, ce ne sont que des rayons lumineux qui frappent les cellules en cône et en battonets de votre œil, ces cellules renvoient ensuite des signaux électrique dans votre cerveau, qui INTERPRÉTERA ces signaux comme « une table carré à quatre pieds ronds », où « une chaise verte ». Mais chez un autre ces signaux pourront est pris comme « une table rectangulaire avec des pieds ovales », et une « chaise kaki »…

    L’objectivité absolu, parfaite est donc physiquement impossible. L’objectivité doit donc se définir comme de ne parler que de faits exacts (ou du moins prouvable, cf paragraphe précédent :)), et faire en sorte de ne pas être impliqués dans l’affaire autrement que comme un observateur.

    Mais rien n’empêche ensuite, selon moi, de proposer ensuite sa propre analyse des faits. Ça, c’est « avoir une ligne éditorial », et si elle ne découle que d’une analyse basé sur les faits, et n’as pas pour but de favoriser un parti, cela n’est pas un défaut d’objectivité.

    Commentaire par adrien bis — 02/11/2009 @ 00:07

  6. Bonjour, je cherche à vous joindre. Merci.

    Aliocha : mon mail est sur la page « mentions légales ».

    Commentaire par ZaraA — 02/11/2009 @ 12:08

  7. Bonjour Aliocha,

    Je constate avec plaisir que le surmenage vous convient bien avec ces deux billets fort intéressants consacrés à la déontologie chez les journalistes.

    « …Qu’à cela ne tienne, on en crée un parce que ça plaît au rédac’ chef et que ça va intéresser davantage le public. Les sujets ainsi “forcés” par les journalistes sont légion. » L’exemple que vous citez est emblématique des dérives journalistiques dont je souhaiterai qu’elles disparaissent si le document de Bruno Frappat venait à être adopté. Sans sous-estimer les difficultés que vous pouvez rencontrer, vous et vos confrères, dans l’exercice de votre profession, je souhaiterai ardemment que chaque information rapportée, chaque article écrit, chaque reportage effectué le soit à l’aune de cette phrase du code que vous rapportez: “Le journaliste doit s’attacher avant tout à l’exactitude des faits, des actes, des propos qu’il révèle ou dont il rend compte”. C’est à ce prix que la confiance, chose éminemment fragile, renaîtra, confiance que j’appelle sincèrement de mes voeux mais qui est encore trop souvent bafouée.

    Bonne journée

    Commentaire par H. — 02/11/2009 @ 14:15

  8. On va vite se retrouver à gérer un problème que personne n’avait vu ici, mais que la réaction de Moktarama permet d’évoquer:
    En France, 100% des français sont persuadés que la presse n’est pas objective, dont 47% qui pensent qu’elle est manipulée par la droite sarkozyste, et 53% qui pensent qu’elle est aux ordres des socialo-communistes.

    Parfois, je me prends à imaginer ce que serait ce pays si la moitié droite admettait ses erreurs, et si la moitié gauche consentait à ne pas voir le fascisme partout.

    Commentaire par Javi — 02/11/2009 @ 14:40

  9. Dans votre réponse à Moktarama vous dites : « Quant à votre question sur la valeur du code, s’il est inscrit dans les conventions collectives de la presse, il engagera employeurs et salariés, il sera donc opposable par les journalistes à leurs employeurs et réciproquement ».

    Pipeau ! Tant que le rapport de force entre employeurs et salariés sera ce qu’il est. Tant qu’il y aura une précarité vertigineuse chez les journalistes, les conventions collectives ne seront pas respectées. Les conventions collectives disent que le journaliste ne fait pas de publicité, qu’il n’a pas le droit de faire des ménages. Regardez autour de vous, parmi vos confrères les plus prestigieux (Ockrent, la reine des ménages en tête de liste). Comment peut-on prendre au sérieux les conventions collectives quand il n’y a personne pour les faire appliquer et surtout quand la précarité, qui implique la soumission (faut bien qu’on vive, comme dit la chanson) empêche de les faire respecter ?

    Un exemple énorme de confusion des genres, sur une grande station de radio de service public :
    http://www.acrimed.org/article3245.html

    Qui s’indigne de cette situation scandaleuse ? Qui agit pour y remédier ? Qui fait valoir les textes déjà existants (on en a suffisamment, à ne savoir qu’en faire) pour empêcher ça ?

    Alors on peut bien inventer un code de déontologie supplémentaire, autant pisser dans un violoncelle.

    Aliocha : Ockrent en situation de précarité et obligée de faire des ménages ?! Plus sérieusmement, vous parlez de la précarité qui amène les journalistes à accepter n’importe quoi pour vivre, ce qui n’est pas faux, tout en donnant comme exemple nominatif quelqu’un qui ne me semble pas aux abois financièrement 😉 Ce qui montre au fond un déficit éthique général, profond, et relativement indépendant de la crise même si celle-ci a tendance à l’aggraver. Partant de là, j’aperçois trois solutions : le suicide collectif, le grand soir, ou la prise de conscience et l’amorce d’un cercle vertueux. Personnellement, je penche pour la troisième solution. Les bonnes idées, comme les mauvaises d’ailleurs, finissent toujours par influer sur les comportements. Adoptons donc ce code, pour mieux voir ensuite qu’il est systématiquement violé et agir en conséquence. Pour mesurer une dérive, il faut un référent. Or, les référents, c’est ce dont nous manquons le plus aujourd’hui, dans la presse et ailleurs.

    Commentaire par Gilbert — 02/11/2009 @ 16:01

  10. @adrien bis :

    Vous écrivez « L’objectivité absolu, parfaite est donc physiquement impossible.  »

    Tout à fait, hors dans son sens scientifique en prenant comme référence de « science » la définition de Popper ( « Qualité de ce qui donne une représentation fidèle de la chose observée.  » ) , l’objectivité absolue, parfaite est donc physiquement impossible. Je vois que vous m’avez parfaitement compris. Dès lors, pourquoi la revendiquer à tout bout de champ ?

    Puis « L’objectivité doit donc se définir comme de ne parler que de faits exacts (ou du moins prouvable, cf paragraphe précédent 🙂 ), et faire en sorte de ne pas être impliqués dans l’affaire autrement que comme un observateur. »

    Désolé, mais non, l’objectivité ne doit pas se définir d’une autre manière, on peut à la limite en prendre l’autre sens courant : « Fait d’être dépourvu de partialité. » Ce qui est une chose assez différente de « ne parler que de faits exacts » . On peut tout à fait ne parler que de faits exacts est être d’une partialité effarante ( Poitiers : des émeutes violentes ou un saccage ? Coupat : terrorisme ou sabotage ? Agriculteurs en manifestation : violents ou remontés ? Sarkozy : dynamique ou hyperactif ? ) . Même dans une dépêche AFP, le choix des mots pour le factuel contient une certaine partialité (je vous conseille les dépêches d’Amérique latine pour vérifier mes dires). L’objectivité peut-être un objectif, croire qu’elle est atteignable me semble dangereux.

    « Mais rien n’empêche ensuite, selon moi, de proposer ensuite sa propre analyse des faits. Ça, c’est “avoir une ligne éditorial”, et si elle ne découle que d’une analyse basé sur les faits, et n’as pas pour but de favoriser un parti, cela n’est pas un défaut d’objectivité. »

    Bien évidemment, et séparer les commentaire du factuel n’est pas forcément néfaste. Mais ce que j’essaye d’expliquer, c’est qu’effectivement même une description purement factuelle contient sa part de subjectivité, de la manière dont a ressenti l’évènement la personne qui écrit à ce propos. Cela ne signifie pas que je crache subséquemment sur les journalistes, juste qu’il me semble que cette intégration d’une subjectivité inhérente à leur métier (comme dans toutes les sciences humaines) ne pourrait qu’améliorer les rapports avec le lectorat.

    @Javi :

    « En France, 100% des français sont persuadés que la presse n’est pas objective, dont 47% qui pensent qu’elle est manipulée par la droite sarkozyste, et 53% qui pensent qu’elle est aux ordres des socialo-communistes. »

    Mon propos est clairement passé à côté, là. Je m’en fous que tel ou tel journaliste ou journal soit de droite ou de gauche. Mais j’apprécierait qu’ils arrêtent de croire qu’ils représentent la lumière dans le brouillard, tel un phare de pureté objective et neutre, et qu’ils montrent qu’ils sont conscient de ne pas posséder la SEULE bonne vision possible des choses (ce qui, par exemple, est assez clair dans le pacte tacite passé entre Eolas ou Aliocha avec leurs lecteurs) .

    @Aliocha :

    Vous savez que je suis totalement d’accord avec une charte incluant l’exactitude factuelle comme évidence. Seulement ce n’est pour moi pas l’objectivité, effectivement.

    Mais je ne crois pas à « l’indépendance de l’observateur » . Ce qui ne veut pas dire que j’en tire un quelconque dédain du journaliste/isme , c’est une faille majeure dans les sciences sociales, et il faut faire avec. Ce qui me chagrine donc, c’est que la grande majorité des journalistes semble persuadée qu’on peut atteindre l’objectivité au sens de « Qualité de ce qui donne une représentation fidèle de la chose observée.  » , ce qui correspond à la part de Popper et de la méthode scientifique. Donc bien loin du journalisme. Parler d’exactitude des faits, très bien. Parler d’obligation d’objectivité, ça me semble au minimum dangereux vis-à-vis du lecteur.

    Commentaire par Moktarama — 02/11/2009 @ 16:19

  11. @Mokatarame

    Je pense que nous somme d’accord que l’objectivité scientifique, pur , parfaite, etc… n’est pas possible. Cependant, je crois en l’existence d’une véritable objectivité journalistique. On peut prendre un parti, porter un jugement sur une chose, tout en restant objectif. C’est cela l' »objectivité journalistique » pour moi.

    C’est par exemple ce que fait un juge, lorsqu’il tranche entre deux partie. Il reste objectif, et donne son avis. Il ne sera dit partial, que s’il prend une décision qui l’arrange personnellement (par exemple en condamnant l’ennemi politique de son supérieur hiérarchique dans l’espoir d’avoir une promotion plutôt qu’une mutation…)

    Et je pense qu’un journaliste peut faire la même chose. Dans tout vos exemples (agriculteurs, Coupat, Sarkozy…) on peut rien qu’avec un mot, donner une valeur différente à un fait. Mais si le journaliste ne choisit son mot qu’en qualité d’observateur, après avoir analysé les différents témoignage à sa disposition, alors on peut dire qu’il est objectif. S’il s’est contenté de recopier le papier d’un chargé de com’, il est partial.

    Il faut donc réclamer au journaliste de parler de fait exact et d’être objectif. Cela ne signifiera jamais que le journaliste à toujours raison, mais qu’il est arrivé à sa conclusion lui-même. Ensuite chaque journaliste orientera son analyse en fonction de ses opinions morales, politiques, religieuses etc… mais généralement les gens qui prennent le temps de lire le journal (on dira que faire le sudoku du 20 mn ça ne compte pas) savent qu’elle est l’idéologie globale du journal, ou du journaliste, alors faisons leur confiance…

    P.S. désolé pour les fautes d’orthographe 🙂

    Commentaire par adrien bis — 02/11/2009 @ 17:33

  12. @ Aliocha

    Je ne sais pas si vous faites semblant de ne pas comprendre. Les exemples que je donne (Ockrent d’un côté, les précaires de l’autre) n’ont pour but que de montrer qu’on peut ne pas respecter les textes existants pour plusieurs raisons, qui peuvent être fort éloignées les unes des autres. Dans le cas d’Ockrent et de nombreux journalistes qui mélangent les genres, c’est la vénalité qui les anime. Dans le cas des précaires, c’est parce qu’ils n’ont pas le choix que faire où on leur dit de faire ou gicler. Encore une fois, les textes existants suffisent pour interdirent les pratiques douteuses.
    Je partage le sentiment de M° Éolas qui ne cesse de dénoncer la profusion de nouveaux textes alors qu’il y a de quoi faire avec ceux qui existent.
    Encore une fois, je ne vois pas en quoi l’ajout d’une charte fera que les conventions collectives seront davantage respectées. Le problème, c’est pas les textes, c’est les conditions et les moyens de les faire appliquer.
    Compter sur un changement de comportement spontané des journalistes, c’est aussi bidon que les injonctions de moraliser le capitalisme par Sarkozy (qui font bien rigoler sa copine Parisot et ses potes Bolloré, Lagardère, Arnaud, Pinault et Bouygues).

    Aliocha : Ceux qui dénoncent, à juste titre, l’inflation législative, parlent de textes impératifs de nature législative ou réglementaire, pas de la démarche auto-régulatrice consistant pour une profession à se doter d’un code d’éthique. L’auto-régulation a même souvent pour objectif d’éviter une réglementation imposée par les pouvoirs publics. Ce qui est nouveau, c’est la volonté d’annexer ce texte aux conventions collectives. Là encore, il ne s’agit pas de réglementation, nous sommes dans le champ contractuel. Employeurs et journalistes seront liés par ce texte. Concrètement, un journaliste à qui on demande de faire un publi-reportage pourra donc produire la convention collective qui lui interdit de le faire. Et se faire éventuellement épauler par les syndicats. Il me semble que c’est légèrement plus opérationnel que de brandir la déclaration de 1918 pour s’entendre répondre que ce texte n’a aucune valeur juridique, ce qui est malheureusement vrai.

    Commentaire par Gilbert — 02/11/2009 @ 19:40

  13. Bonjour à tous,

    Comment insérer dans le débat éternel sur l’objectivité, ligne d’horizon du journaliste, l’intérêt jamais démenti, voire croissant, des grands industriels – et en particulier des groupes militaro-industriels – pour tous les médias – quelle que soit leur « ligne éditoriale » (y compris ceux censés promouvoir la « gauche extrême ») ?
    Sont-ce de tels partisans farouchement défenseurs de la liberté d’expression – et de sa diversité – qu’ils aimeraient ainsi à dilapider une partie de leur moyens à soutenir à fonds perdus des « lignes éditoriales » contraires à leurs intérêts ?

    Aliocha : si vous allez dans ce sens, alors il faut s’interroger plus généralement sur la tendance des médias à relayer les pensées dominantes. C’est assez sensible dans le combat par exemple entre les médecines dites naturelles et La Médecine, mais aussi en matière littéraire, artistique, politique etc. Ces influences ne sont qu’en partie liées aux intérêts économiques, elles dépendent aussi je crois des liens entre la société et ses médias qui agissent comme un miroir. Je ne crois pas que l’on puisse y échapper. En revanche, cela nécessite une éducation aux médias dès l’école qui fait aujourd’hui cruellement défaut.

    Commentaire par Clafoutis — 03/11/2009 @ 11:35

  14. Mais c’est déjà dans la convention collective des journalistes (qui a une portée supérieure à la loi) qu’un journaliste ne peut pas faire de publicité.
    Je ne sais pas comment il faut vous le dire. Le mieux c’est que je reproduise ce qu’il y a dans l’article 5.

    a/ Un journaliste professionnel ne peut accepter pour la rédaction de ses articles d’autres salaires ou avantages que ceux que lui assure l’entreprise de presse à laquelle il collabore.

    En aucun cas, un journaliste professionnel ne doit présenter sous la forme rédactionnelle l’éloge d’un produit, d’une entreprise, à la vente ou à la réussite desquels il est matériellement intéressé.

    b/ Un employeur ne peut exiger d’un journaliste professionnel un travail de publicité rédactionnelle telle qu’elle résulte de l’article 10 de la loi du 1er août 1986.

    c/ Le refus par un journaliste d’exécuter un travail de publicité ne peut être en aucun cas retenu comme faute professionnelle, un tel travail doit faire l’objet d’un accord particulier.

    Aliocha : non, une convention collective n’a pas de valeur supérieure à la loi, elle ajoute à la loi, c’est différent. Sur le reste OK pour la publicité, mais tout le reste, ça y est déjà aussi ? Quant à votre « je ne sais pas comment vous le dire », dites-le tout simplement, vous verrez comme ça va tout de suite mieux.

    Commentaire par Gilbert — 03/11/2009 @ 15:20

  15. Je n’ai jamais dit que la Convention collective a une valeur supérieure à la loi. Quand je dis « a une portée supérieure à la loi » je ne dis pas « une valeur supérieure à la loi ». Sinon j’aurais écrit « a une valeur supérieure à la loi ». J’ai bien écrit « une portée supérieure à la loi », ça veut dire qu’il s’agit d’un texte qui va au delà de la loi. Donc effectivement, il ajoute à la loi, nous sommes bien d’accord. Vous n’étiez donc pas tenue de me reprendre. Mais il semble que ça vous fait plaisir de de contredire systématiquement.

    Comme lorsque vous dites, en réponse à mon « je ne sais pas comment vous le dire », qu’il « suffit de le dire simplement ». Lisez donc attentivement mes commentaires précédents. J’ai dit exactement la même chose (tout aussi simplement), à savoir qu’il y a déjà des textes existants. J’ajoutais que le problème, c’est les conditions de leur application.

    C’est regrettable qu’il ait fallu que je cite l’article 5 de la Convention collective pour commencer à vous ébranler. À croire que vous ne l

    Aliocha : il y avait doublon, j’ai supprimé le commentaire complet par erreur. La fatigue. Vous finissiez sur le fait que je n’étais pas syndiquée. En effet. « Intégrer une charte de déontologie dans la convention collective est une demande des syndicats depuis des décennies. Jusqu’à présent, les organisations patronales n’ont jamais répondu », regrette Alain Girard, secrétaire général du SNJ, premier syndicat de journalistes en France ». Extrait de la dépêche AFP citée dans mon article précédent. Alors, ces gens-là, ils réclament des choses inutiles ? C’est pas un vrai syndicat, le SNJ ? Ou bien c’est l’AFP qui raconte n’importe quoi ? Voyez-vous pas plus tard que cet après-midi, j’ai eu un appel de la chargée de com’ d’un expert qui me demandait si l’avis d’expert que je lui avais commandé pour un dossier était payant, c’est-à-dire si l’auteur devrait payer le journal (acheter de la pub ou des abonnements) pour être publié. Ce sont des pratiques qui se développent dans certains journaux et qui me scandalisent. A peine 5 minutes plus tard, alors que je venais d’envoyer des citations à relire à un grand personnage de l’Etat, son conseiller me demande si j’attends de lui qu’il écrive l’article autour des citations, parce que récemment deux journalistes lui ont demandé coup sur coup d’écrire leurs articles à leur place. Voilà pourquoi je veux de l’éthique et voilà pourquoi je continuerai que ça plaise ou non à plaider pour ce code. Pour le reste, je vous saurais gré d’adopter à l’avenir un ton un peu plus aimable à mon endroit, conformément aux règles de ce blog. Je ne vous le redirai pas.

    Commentaire par Gilbert — 03/11/2009 @ 21:57

  16. @Aliocha
    Suite à mon commentaire 13 et à votre réponse.
    Il me semble que vous dégagez en touche en parlant de « pensées dominantes » dans différents domaines. Elles ne sont que la conséquence.
    Moi je m’interroge sur le « pour quoi » de la mainmise de d’entités économiques proches (si ce n’est constituant) des zones de pouvoir sur les vecteurs de la pensée et de l’information. Et ce n’est certainement pas pour la rentabilité financière intrinsèque de ces vecteurs.
    Pourquoi n’aborde-t-on pas cet aspect du problème dans la « charte » ?

    Aliocha : je ne botte pas en touche, je suis bien trop « brut de décoffrage » pour ça. La question que vous posez me renvoie à mes propres réflexions et observations sur les jeux d’influence dans la presse. Je vous en livre donc le résultat provisoire et très personnel : le problème de l’indépendance de la presse (sous l’angle véhicule d’une pensée dominante) dépasse la question de la détention du capital, même si celle-ci est un aspect essentiel. Pourquoi ce n’est pas abordé dans le code ? Je n’en sais rien, demandez aux auteurs. Peut-être parce qu’on y parle de la déontologie des journalistes et que ceux-ci n’ont pas la maîtrise du capital de leurs entreprises. Par conséquent, je ne vois pas ce qu’on pourrait leur enjoindre de faire sur ce terrain à part rappeler le principe d’indépendance qui implique de résister aux pressions, notamment interne.

    Commentaire par Clafoutis — 04/11/2009 @ 10:31

  17. @ Clafoutis

    Parce que parler d’éthique à tout bout de champ, c’est la meilleure façon de ne pas traiter ce genre de questions. C’est comme « moraliser le capitalisme », qui fait tellement rigoler Laurence Parisot et ses amis qui ont participé aux joyeuses réjouissances du Fouquet’s.

    Aliocha : j’attendais cet argument. Je ne suis pas surprise qu’il vienne de vous. Il se trouve que lorsqu’on me parle de déontologie dans la finance ou chez les entreprises, je suis la première à dire So what ? Vous avez un code, fort bien, mais quid s’il n’est pas respecté ? (entre nous, c’est exactement le même problème en matière de développement durable, beaucoup de paillettes, peu d’actions concrètes, voire même et c’est pire, des paillettes pour couvrir les saloperies). Par conséquent pourquoi plaider pour un code de déontologie dans la presse ? Parce que je crois que nous sommes dans un cadre radicalement différent. Dans les milieux économiques, vous avez une recherche principale voire unique de profit qui nécessite pour être encadrée bien plus que des déclarations de principe. D’ailleurs, entre nous, on n’y arrivera pas à encadrer ça. Même s’il existe des gens remarquables qui pensent actuellement la régulation économique, personne ne les écoute. On va donc avoir une nouvelle fournée de textes inutiles comme à chaque crise qui n’empêcheront pas la suivant de survenir. Les journalistes me semblent plus proches de la problématique des avocats ou des médecins. Si la finance est étrangère par nature à l’éthique (qu’on me corrige si je me trompe) il me semble à l’inverse qu’il y a nécessairement une composante éthique dans le journalisme, la médecine, l’advocature ne serait-ce que parce qu’ils remplissent une fonction d’utilité publique et qu’ils reposent sur la confiance. Voilà pourquoi je crois beaucoup plus à l’utilité et à l’efficacité d’un code d’éthique dans le journalisme que dans le monde économique. Le problème, je vous l’accorde, c’est que le journaliste n’est pas un professionnel libéral et qu’il est donc tributaire de l’éthique de celui qui l’emploie. D’où l’intérêt que les partenaires sociaux y adhèrent ensemble. L’autre problème, c’est qu’il n’est pas prévu à ma connaissance de système disciplinaire pour en garantir l’application. Je continue de penser néanmoins qu’il vaut toujours mieux affirmer l’existence de règles que de s’en abstenir. Je pense également que la profession est paumée en ce moment et que l’adhésion à des valeurs communes ne serait pas superflue. Il n’y a qu’à observer l’esprit collectif qui se développe dans toutes les professions qui disposent d’une éthique et peuvent la brandir vis à vis de l’extérieur. Et je pense enfin que tout pas en avant vers plus de déontologie, fut-il infinimement minime, imparfait, voire même dérisoire, vaut mieux que rien. Mais ça, c’est mon côté optimiste qui parle. Et puis un livre que je suis en train de lire et qui devrait vous plaire : La cité perverse, par Dany-Robert Dufour.

    Commentaire par Gilbert — 04/11/2009 @ 14:12

  18. Bonjour Aliocha, Cher Prophète, mon amour,

    (pardonnez cet effusion qui m’est aussi pénible qu’à vous, mais je sens que vous êtes prise dans le feu de l’action d’une grande bataille qui exige un soutien d’artillerie sérieux)

    Donc,

    Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’un code déontologique est un préalable nécessaire mais insuffisant à l’action que vous comptez entreprendre, et qui ne vise à rien d’autre qu’à la réhabilitation de la presse.

    Je ne vous apprendrai rien non plus en vous disant que si, Paul Villach croit écrire des choses intelligentes rien ne nous oblige à le croire sur parole, puisque l’intelligence n’a rien d’évident dans ce qu’il écrit et qu’il manque à sa prose maladroitement savante cette force innée et extraordinaire que seule l’intelligence possède et qui jaillit en nous, même involontairement, surtout involontairement, même quand nous sommes le plus grand des abrutis, pour nous éblouir tous.

    Alors que je remarque que cela se produit régulièrement avec vous.

    Bref, laissez ce fâcheux à sa triste besogne: ne jamais être content de rien. Son sort est réglé comme papier musique: il plait aux imbéciles. C’est son lot. Le nôtre est de le supporter.

    Vous avez donc un code. C’est que vous enterrez un ordre ancien. Le roi est mort! Mais vous avez un nouveau code. C’est que vous fêtez la naissance d’un ordre nouveau. Alors, vive le roi!

    Le reste, c’est le pain sur la planche. C’est ça qui fera que vous aurez raison, ou pas.

    Alors, bon courage mon Prophète.

    🙂

    Commentaire par tschok — 05/11/2009 @ 11:08

  19. « A peine 5 minutes plus tard, alors que je venais d’envoyer des citations à relire à un grand personnage de l’Etat, son conseiller me demande si j’attends de lui qu’il écrive l’article autour des citations, parce que récemment deux journalistes lui ont demandé coup sur coup d’écrire leurs articles à leur place. »

    Excellent. Vraiment excellent. N’est-ce pas vous qui râliez quand je disais qu’une bonne partie de la presse (notamment dans les rubriques hi-tech etc. où on manque souvent de vraies compétences) se contentait de recopier ou de paraphraser des communiqués de presse? 🙂

    Commentaire par DM — 05/11/2009 @ 20:31

  20. […] Heureusement, une blogueuse-journaliste, Aliocha, a pris la plume [ici et ici] pour défendre avec vigueur ce projet, suscitant sur son blog, La Plume d’Aliocha, un […]

    Ping par Code de déontologie : pour une relecture du projet - Media Trend — 18/11/2009 @ 19:13


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