La Plume d'Aliocha

22/11/2016

Trump ou la victoire empoisonnée des médias

Filed under: questions d'avenir,Réflexions libres — laplumedaliocha @ 16:14

Mac LuhanGens de médias et sondeurs n’en reviennent pas : il a été élu. Donald Trump, le diable à la mèche blonde, a gagné. Comme une sinistre réminiscence d’un autre diable, à la mèche brune, celui-là…. C’est l’échec des médias et des instituts de sondage, lit-on ici et là. Et si c’était au contraire un spectaculaire succès médiatique : le système a porté l’une de ses créatures, un animateur télé, à la tête de la première puissance mondiale.  Quoi de plus logique ? Il est même étonnant d’avoir du attendre tout ce temps pour assister au triomphe de ce média dont l’histoire se confond précisément avec celle de sa vedette. Trump est né en 1946, au même moment que la télé. Dans les années 80, une fois fortune faite, il se lance dans la politique, puis, quelques années plus tard ressent la tentation des médias. Cela commence par des apparitions dans des films où il joue son propre rôle, jusqu’au moment où il décroche en 2004 sa propre émission de téléréalité qui rassemble jusqu’à 40 millions de téléspectateurs. Le concept consiste semble-t-il à mettre en lice des candidats pour décrocher un poste dans une grande entreprise. Ah comme déjà la confusion entre divertissement et politique – l’emploi – est édifiante !

Le message c’est le medium

En réalité, penseurs et philosophes nous mettent en garde depuis longtemps contre les changements profonds et plus ou moins invisibles induits par les médias. A commencer par Marshall Mac Luhan, ce théoricien canadien de la communication, qui lance dans les années 60 cette célèbre formule à propos de la télévision : « le medium c’est le message ». Autrement dit le message est façonné par le medium et lui-même façonne les esprits. Dans La société de consommation publié en 1970, Baudrillard reprend l’idée de Mac Luhan et note : « Cela signifie que le véritable message que délivrent les media TV et radio, celui qui est décodé et consommé inconsciemment et profondément, ce n’est pas le contenu manifeste des sons et des images, c’est le schéma contraignant, lié à l’essence technique même de ces médias, de désarticulation du réel en signe successifs et équivalents : c’est la transition normale, programmée, miraculeuse, du Vietnam au Music-Hall, sur la base d’une abstraction totale de l’un comme de l’autre. Et il y a comme une loi d’inertie technologique qui fait que plus on se rapproche du document-vérité, du « en direct avec », plus on traque le réel avec la couleur, le relief etc, plus se creuse de perfectionnement en perfectionnement technique, l’absence réelle au monde ».  Quand les observateurs disent qu’ils ne comprennent pas la victoire de Trump, c’est parce qu’ils se concentrent uniquement sur le contenu, alors que c’est l’outil qu’il convient d’observer. Trump n’a pas gagné les voix de citoyens rationnels adhérant à un programme crédible, en digne homme de télévision, il s’est placé naturellement en phase avec le formatage des esprits auxquels il s’adressait.

Temps de cerveau humain disponible

Mais des esprits formatés comment exactement ? A « la désarticulation du réel » que décrit Baudrillard, à la mise sur le même plan au niveau virtuel de l’objet vanté par la publicité, du spectacle et de l’information, à « l’absence réelle au monde ». Quarante ans plus tard, un autre philosophe Dany-Robert Dufour donne des clefs complémentaires de compréhension. Ce professeur en philosophie de l’éducation ne cesse de déconstruire l’idée qui fonde le libéralisme et la société de consommation selon laquelle les vices privés contribueraient au bien public (Mandeville). Pour lui, le  marché, devenu une religion (Le Divin marché), commande aux individus pour prospérer de libérer leurs instincts. Jouis ! exige le marché pour vendre. Ce faisant, il ruine la vieille différence entre l’âme d’en bas et l’âme d’en haut chez les grecs, autrement dit la nécessité pour être un humain émancipé et libre de dominer ses instincts (âme d’en bas) au bénéfice de l’âme de haut. Dans Le délire occidental sorti en 2014 (Editions LLL), il revient sur l’épouvantable phrase de Patrick Le Lay « pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible.[…] Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise… »Le premier sens du mot divertir, c’est voler, rappelle cruellement DR Dufour qui n’est guère plus tendre avec la deuxième acception du terme. « Dans le divertissement on ne peut pas fixer son attention sur une chose puisqu’une autre chose vient immédiatement remplacer la première, et ainsi de suite (…) C’est pourquoi on peut dire que le divertissement est un destructeur d’attention et, précisément un destructeur d’attention profonde ». Et l’auteur de poursuivre en expliquant que l’attention profonde s’acquiert grâce à la lecture pour parvenir, selon le mot de Kant, à la majorité c’est-à-dire à une capacité d’entendement telle que l’individu peut devenir capable de penser par lui-même. Là où il devient visionnaire, c’est quand il explique « les grecs disaient que lorsque l’âme d’en bas domine, le troisième et dernier principe, l’âme intermédiaire, le thumos, élément irascible situé dans le coeur (qui est capable du courage qui fait les héros lorsqu’il est mis au service de l’âme d’en haut) devenait susceptible d’emportements et de colères dévastatrices ». Comme voter Trump par exemple ?

Simplisme, radicalité, violence

Pour se convaincre que Donald Trump est bien une créature médiatique, par nature en osmose avec les consommateurs de médias que sont devenus les citoyens des grandes démocraties, il suffit d’observer les critiques faites à l’intéressé. Opinion simplistes, vulgarité, radicalité, brutalité, violence, mensonges ? N’est-ce pas là une description parfaite des critiques portées contre le système médiatique et en particulier contre la télévision ? Ne peut-on considérer avec DR Dufour si on se penche cette fois sur le message et non plus le formatage opéré par le médium que cette libération des instincts prônés par la société de  consommation à travers les médias ne pouvait qu’aboutir à l’élection de Trump ?   Le concert des récits du réel proposé par les médias ne donne jamais qu’une vision simplifiée jusqu’à la caricature du monde, très noire dans la mesure où le journalisme à tort ou à raison est spécialiste du pathologique, violent pour la même raison. Et il s’insère dans un système plus vaste incluant culture et divertissement qui, sous la contrainte économique, sert au plus grand nombre ce qui est censé plaire : du divertissement et de la vulgarité. Avec ce commandement : Jouis ! Et comment jouir sereinement si on ne bénéficie pas de la sécurité ?

Un amuseur divertissant dans un univers virtuel

Trump n’a pas été élu malgré le fait qu’il est hors des réalités mais précisément parce qu’il est hors des réalités. On oppose ici à tort deux mondes réels, l’un connu des journalistes et l’autre qui leur aurait échappé, celui-là même qui aurait voté Trump. En réalité si les journalistes n’ont pas vu venir Trump, ce n’est pas parce qu’ils n’étaient pas sur le terrain, mais parce qu’ils y étaient justement et qu’ils s’obstinaient – à juste titre – à vouloir raconter le réel quand ils se faisaient doubler par un amuseur parlant à des êtres en quête de divertissement dans un monde virtuel. Face à des modifications qui affectent si profondément les esprits et les systèmes de valeur, les techniques de fact chekcing consistant à contredire en permanence par les faits les assertions erronées d’un candidat apparaissent bien dérisoires. La vérité des faits ? Mais qui s’en soucie encore ? Nous, rétorquent les médias ! Ah bon ? Saluons cet élan de vertu quand le système s’aperçoit qu’il a fabriqué une créature ingérable et tente de la détruire. Seulement voilà, quand on a déformé/formaté durant des décennies la représentation de la réalité – même involontairement- , comment croire que quelques semaines avant une élection on pourra soudain, face au péril, rectifier le tir ? C’est impossible car des effets de système bien trop puissants  empêchent les meilleurs volontés du monde de changer le cours des choses.

Non l’outil n’est pas neutre

J’ai longtemps cru et écrit à propos d’Internet qu’il fallait distinguer l’outil – neutre – et ce qu’on en faisait, soumis à jugement. Je pense désormais que Mac Luhan avait raison, l’outil n’est pas neutre, il formate les esprits et donc le monde. Or on est en train de reproduire avec Internet, ce lieu de liberté défendu bec et ongles par ceux qui ont décidé d’y installer un contrepouvoir à ce vieux monde qu’il détestent, la même erreur d’aveuglement en refusant de soupeser l’outil, d’en analyser les vertus mais aussi les dangers. Cet article par exemple sur la manipulation des élections américaines par Facebook est très intéressant, mais combien serait plus intéressant encore de commencer à étudier sérieusement l’impact sur les esprits de l’outil Internet indépendamment de son contenu. Le narcissisme, le voyeurisme et l’exhibitionnisme que cultivent chez leurs utilisateurs les réseaux sociaux pour prospérer, les troubles de la concentration induits par l’offre permanente d’information, les biais introduits par les moteurs de recherche, la virtualisation du réel, les mécanismes émotionnels qui fabriquent des emballements hystériques, la rumeur qu’il est si simple de propager….

Rien n’est perdu. La vie a des ressorts insoupçonnés pour fabriquer ses contrepoisons. L’intelligence humaine est éblouissante. On s’en sortira comme toujours, mais que de temps perdu à s’égarer…

01/11/2016

Quand le système médiatique entre en phase « No limit »

Filed under: Comment ça marche ?,questions d'avenir,Réflexions libres — laplumedaliocha @ 14:33

l-ski-stunt-extremeIl est heureux que les concepteurs de l’Emission politique sur France 2 aient eu l’idée de l’appeler précisément l’Emission Politique. On aurait pu, sinon, douter de la nature de la chose, tant les interviewers issus du divertissement comme Léa Salamé, la présence d’une humoriste à la fin et plus généralement le ton de la première émission (ça s’est amélioré ensuite) faisaient plus penser à une guignolerie qu’à une émission dite « politique » censée éclairer le citoyen sur son vote. C’est un peu comme Paris Plage, pour convaincre les visiteurs qu’il s’agit d’une plage contre toute évidence, le mieux est de commencer par appeler la chose « plage » en espérant que le leurre fonctionnera, observait le génial Muray.

Kerviel et Ménard

Le point d’orgue du premier numéro de l’Emission politique a  résidé dans les deux invités surprises infligés à Alain Juppé. A commencer par Jérôme Kerviel, l’expert en finance. On ne présente plus le trader qui a fait perdre à sa banque 5 milliards et a été condamné par la justice française à 5 ans de prison et 4,9 milliards de dommages intérêts ramenés récemment à 1 million. En France, ce CV discutable en fait un héros. Ailleurs, partout ailleurs, ce serait juste un ex-délinquant. Passons. Il faudra quand même un jour que France2 explique pourquoi cet individu a été trois fois invité du 20 heures, je dis bien « invité du journal de 20 heures de France 2 » et notamment le soir de sa condamnation en appel. Ce qui est plus excentrique encore, c’est qu’on lui ai conféré un statut d’expert. Non pas du contrôle des opérations de marché, ce qui aurait pu éventuellement se défendre vu qu’il avait justement trompé les systèmes, mais un expert de la finance mondiale .… Comme l’a fait observer Guillaume Durand  ce soir-là sur Twitter, nous avons un prix Nobel d’économie en la personne de Jean Tirole. Mais non,  sur France 2 on considère qu’en matière de finance Jérôme Kerviel est plus compétent. On l’aura compris, pour les médias, l’ex-trader est compétent non pas pour expliquer le fonctionnement de la finance, mais pour dire face caméra : « la finance est pourrie ». L’invitation de pareil « expert »  aurait eu de quoi surprendre si les organisateurs de l’émission n’avaient éclairé le sens de leur pensée en invitant Robert Ménard pour interroger le même sur l’immigration. Robert Ménard, cet ancien défenseur de la liberté de la presse (patron de Reporter sans frontières) reconverti en élu d’extrême-droite à Béziers. Ménard, c’est l’emblème de tout ce que le PAF déteste : la facho réac’ indispose les animateurs bobos bien pensants, l’homme qui est passé sans transition de la défense des journalistes à la traque ADN des déjections canines puis à celle des migrants est détesté de tous les journalistes.  Soudain tout est devenu logique. Ménard est en effet à l’immigration ce que Kerviel est à la finance : le type en marge du système qui dit ce que les gens veulent entendre : la vérité vraie. Enfin la vérité qui est censée plaire au public, ce balourd. Du bien gras, de l’épais, de l’attaque sans nuance, du premier degré à la louche, de l’anti-élite car ma bonne dame, de l’avis des médias c’est ça qui marche en ce moment. La pensée en tong et en bob Ricard, la baguette coincée sous le bras. Le discours taillé sur mesure pour le raciste du camping, l’alcoolique surendetté, le chômeur vautré sur son canapé acheté à crédit, le crétin revanchard, le facho du village, tous ces affreux qui forment dans l’inconscient de notre élite médiatique le crétin moyen qui fait grimper l’audimat. Ce crétin qui permet à une petite caste d’aller skier à Courchevel et de passer le reste de son temps libre à St Barth  la coupe de Dom Perignon millésimé à la main en conchiant tous les sans dents du pays. Un crétin imaginaire, trop laid pour exister mais auquel les gens de médias continuent de croire dur comme fer. Jusqu’à quel point le fabriquent-ils à force de le rêver, là réside sans doute l’un des secrets les plus terrifiants du fonctionnement médiatique.

Et s’il n’y avait que cela. Mais que dire du transfert de Lea Salamé depuis l’émission de divertissement de Laurent Ruquier à L’Emission politique ? Sa qualité n’est pas en cause, mais faut-il en déduire  que les journalistes politiques ont disparu ou se sont décrédibilisés au point qu’il faille appeler une professionnelle généraliste pour les remplacer ? Et à quoi rime l’intervention d’une comique à la fin de l’émission qui vient tourner en dérision tout ce qui s’y est dit ? A quelle partie du cerveau des électeurs pense-t-on s’adresser quand toute donnée objective, tout raisonnement, tout programme est balayé au profit d’un galimatias psychologisant mâtiné de divertissement ? Tout ceci affirme haut et fort qu’aux yeux des médias, le citoyen ne vote plus sur la base de l’analyse raisonnée d’un programme, mais plébiscite un candidat plaisant, sympa, cool. Ainsi en a décidé la télévision, non pas au nom d’une conviction quelconque sur l’avenir de la démocratie et le bien public, mais plus prosaïquement parce qu’elle considère que le politique est devenu invendable tel quel et qu’il est donc obligatoire de le dévoyer, autrement dit de le transformer en autre chose qu’un politique pour pouvoir encore intéresser le téléspectateur-électeur. De fait, on constate que l’économie du système médiatique a impérativement besoin de tuer le politique pour prospérer. Quand va-t-on commencer de s’en préoccuper ?

A quand le politique à poil en prime time ?

L’émission politique à peine (mal) digérée par le public, voici que M6 proposait pire encore : l’amour est dans le pré version « l’électeur est dans le poste ». Ici, pas de paysan en panne d’amoureuse ouvrant sa ferme à des prétendantes, mais des politiques en quête d’électeurs  projetant leur intimité à la face de la ménagère de moins de 50 ans pour glaner des voix. Confidences amicales sur canapé. Psychanalyse sauvage du politique enfin sincère, livré là, nu entre les mains manucurées de la gentille animatrice, aussi vulnérable qu’un pauvre agriculteur en quête de l’âme sœur. Plusieurs téléspectateurs ont évoqué une sensation de malaise. Qu’importe, cette émission comme celle de France 2 aurait, dit-on, réalisé de bons scores d’audience (lien précédent). La critique, même et surtout virulente,  fait partie des preuves du succès de l’émission. On appelle ça le bad buzz. Au grand jeu du business médiatique, on n’appuie pas sur « Stop » quand un format d’émission répugnant de bêtise indigne, on appuie sur « Encore » ! Il faut donc poursuivre. Imaginer pire encore, anticiper ce moment où le téléspectateur se lassera. Quand est-ce qu’on va nous proposer le politique nu sur canapé ? L’émission de télé-réalité dont les candidats évoluent à poil devant la caméra soi-disant pour faciliter la rencontre amoureuse existe déjà (à l’étranger et sur D8). Le concept parait si bien adapté à l’exigence de transparence en politique, qu’on se demande jusqu’à quand la télévision va résister avant de nous le proposer. Qui ose mentir en même temps qu’il montre son cul à des millions de gens ? A quand les questions sexuelles, tant qu’on y est ? Je m’étonne qu’aucun génie médiatique inspiré ne nous ait  expliqué que le rapport au cul ne ment pas et qu’il suffirait de faire l’analyse de la sexualité du candidat, avec anciennes compagnes/ancien compagnons en plateau et sexologue inspiré pour atteindre enfin la vérité de l’individu ? Ne haussez pas les épaules, vous sentez comme moi que ce n’est pas une question d’années mais de mois avant qu’on nous propose le pire. Le stade ultime étant, on l’aura compris, le politique sur les chiottes. A force de rétropédaler dans l’évolution humaine, on va finir par retourner au stade anal, les disciples de Freud le savent bien.

Et s’il fallait une preuve supplémentaire du désastre annoncé, il suffirait de se rapporter à l’affaire Morandini. Voir les annonceurs faire eux-mêmes la morale en considérant qu’un animateur est vraiment trop indigeste moralement en dit long sur la déliquescence d’un système qui n’a plus que les marchands pour lui imposer un semblant de vertu, ou plus modestement de dignité. Non pas que l’annonceur soit moral, mais il craint de heurter la sensibilité de sa clientèle et donc de la perdre, ce qui peut l’inciter dans des cas extrêmes à se préoccuper du niveau de crasse des émissions auxquelles il associe son nom. Rappelons que le projet de l’animateur consistait notamment dans une websérie ainsi décrite par un des comédiens . Le web donc. Dont nous annonçait dans les années 2000 qu’il allait rompre avec ces sales médias menteurs et racoleurs pour imposer une sorte d’Utopia médiatique entièrement façonnée dans la glaise de l’intelligence et de l’honnêteté intellectuelle la plus pure. Rions. Jaune, mais rions. D’autant que les auteurs de la série ambitionnaient de la vendre à la télévision. Le fruit pourri ne tombe jamais bien loin de l’arbre crevé.

Qu’est-ce qui stoppera la course folle ?

Surgit alors une angoissante question : qu’est-ce qui peut stopper la folie médiatique ? Celle-là même qui a contribué à faire émerger des gens comme Trump, autrement dit des individus qu’on avait sous-estimés et qu’on observe soudain avec terreur grimper toutes les marches de l’escalier médiatique qu’on a dressé inconsidérément sous leurs pas. C’est connu, les médias adorent détruire les idoles qu’ils ont eux-mêmes fabriquées. L’ennui, c’est qu’ils n’y parviennent pas toujours. Et quand ils s’aperçoivent qu’ils ont fabriqué des créatures incontrôlables, il est souvent trop tard. Sarkozy, Le Pen, Trump, voici quelques exemples de personnalités qui ont échappé à leurs promoteurs médiatiques. Kerviel en est une autre. Tout ce qui sait lire et écrire dans le journalisme a beau expliquer qu’il est coupable, il se trouve toujours à un endroit ou un autre de l’échiquier médiatique, depuis Mediapart jusqu’à France 2 quelque bleu pour lui tendre encore le micro et alimenter le feuilleton imbécile de la banque qui aurait confié l’équivalent de ses fonds propres à un trader lambda en peine crise des subprimes en lui demandant de tout miser sur la hausse des indices boursiers européens pour réaliser profit mirifique de l’ordre de 2,5%.

La finance quand elle est malade, quand elle a vraiment atteint les plus extrêmes limites de la folie explose, détruit presque tout sur son passage puis repart sur des bases  saines. Mais les médias, eux,  n’explosent jamais. Je ne vois à ce stade qu’une fin possible pour le système : la destruction de la société dont il se nourrit. Mais on peut toujours espérer un sursaut de celle-ci….Les journalistes d’Itélé en résistant à leur patron le milliardaire Vincent Bolloré donnent l’espoir peut-être un peu fou que le système soit capable in extremis de se sauver avant de tout emporter sur son passage. Un réconfortant sondage publié par le JDD montre que 15% seulement des téléspectateurs s’intéresseraient à la vie privée des politiques. Cette vie privée qui passionne tant la mauvaise télévision et jusqu’au journalisme haut de gamme du Monde (voir à ce sujet le journalistiquement et politiquement consternant « Un président ne devrait pas dire ça »). Cela signifie que les français sont plus intelligents que leurs médias. Mais combien de temps résisteront-ils à l’incroyable puissance d’abrutissement du système ?

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