La Plume d'Aliocha

24/01/2011

L’empire du bien a encore triomphé

Filed under: Débats — laplumedaliocha @ 13:10

L’homme est loupé, écrivait Céline. Il l’a démontré d’ailleurs, non seulement à travers ses romans, mais aussi dans ses effroyables pamphlets antisémites qui lui valent aujourd’hui d’être privé de célébrations républicaines à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition. Je veux dire que lui-même était loupé puisqu’il s’est compromis par la pensée et par l’écrit dans le pire des crimes du 20ème siècle. Serge Klarsfeld s’est ému que la République puisse le célébrer et Frédéric Mitterrand l’a entendu. Ni fleurs ni flonflons, donc, pour Céline. Au cachot l’artiste ! Il a l’habitude. On est même tenté de croire que toute sa vie il l’a cherché. De fait, je pense qu’il tirerait de cette nouvelle brimade la plus profonde satisfaction. S’il rêvait d’entrer dans la Pleiade de son vivant, je doute en revanche qu’il aurait apprécié de se retrouver enseveli sous les discours pompeux de ceux qui ne l’ont pas lu mais à qui on a dit que c’était un génie. Céline cherchait trop la critique intelligente pour supporter les blablateries convenues des commémorateurs professionnels.

Le génie, cette difformité

Sortir Céline des réjouissances républicaines, c’est montrer qu’on refuse de célébrer un homme qui, précisément, a bafoué les valeurs de la République, nous dit-on. L’argument se tient. J’avoue même y avoir souscrit entre vendredi soir et ce matin. Et puis j’ai relu Philippe Muray, à l’invitation de Jérôme Leroy et de manière plus indirecte, de Chimulus. Et je me suis souvenu qu’il fallait à tout prix résister à l’empire du bien, à l’ère hyperfestive, à tout ce qui nous amène à penser de force que le mal est derrière nous. Non, nous ne marchons pas vers le meilleur. Tout au plus jugeons-nous les erreurs du passé pour éviter de voir celles du présent. Avant que d’autres à leur tour ne nous jugent. Mais les fondamentaux demeurent : l’homme est toujours un salaud. Le problème, c’est qu’il s’obstine à conjuguer ses analyses à l’imparfait, à s’aveugler sur le présent, à désigner des boucs-émissaires pour se convaincre que le mal est partout ailleurs qu’en lui. Et surtout à polir soigneusement la représentation qu’il se fait du réel, convaincu qu’en extirpant le mal des discours, il l’éradiquera de la réalité. Exit donc Céline.  Ce salaud génial, cet oxymore embarrassant. Car pour faire triompher l’empire du bien si magistralement décrit par Philippe Muray, rien ne doit déranger le discours médiatique pétri de bons sentiments et d’optimisme factice. Et surtout pas les artistes que l’on somme de rester dans les limites du bon goût et de présenter un profil éthique incontestable. Milos Forman dans l’inoubliable Amadeus nous avait pourtant rappelé que génie ne rimait pas forcément avec morale. Pauvre Salieri, coupable d’avoir pensé que Dieu distribuait l’inspiration aux âmes pures et droites, quand celle-ci semble au contraire jaillir le plus souvent d’une sorte de monstrueuse difformité de l’esprit et du caractère.

L’homme est mauvais

Dommage que la lucidité ne fasse pas partie des valeurs républicaines. Entendons-nous bien, je pense au fond que Céline n’avait rien à faire dans ce cirque pour mille raisons, et en particulier pour celle qu’on invoque. Au surplus, nous nous épargnons ainsi de blesser des gens à la douleur infiniment respectable. Céline s’en remettra et les céliniens aussi. Ce qui est plus ennuyeux, c’est le flot d’absurdités qui se sont greffées dans le débat. Le génie, sommé d’être vertueux, la République qui se bande les yeux pour se refaire une virginité, la croyance idiote dans le fait qu’il suffit d’écarter les gêneurs trop voyants et de psalmodier « plus jamais » pour que le monde comme par enchantement devienne un paradis. Les grands noms de la littérature n’ont de cesse de nous mettre en garde sur le fait que l’homme est mauvais, pas entièrement certes, mais un peu quand même. On peut au choix accepter d’entendre l’insupportable ou se réfugier dans les auteurs à la mode, type Marc Levy, Anne Gavalda, Eric-Emmanuel Schmitt et autres producteurs de bons sentiments à fort tirage. Alexandre Jardin confiait récemment sur un plateau de télévision qu’il n’écrirait plus jamais de la même façon depuis qu’il s’était plongé dans son histoire familiale pour en extraire le mal et le porter en pleine lumière. Il était temps ! Qu’il comprenait que toutes ses bluettes passées n’étaient qu’une gigantesque fuite devant la réalité. Ainsi en va-t-il de la quasi totalité de nos auteurs français contemporains, à l’exception notable de Houellebecq. Il y a d’un côté les conteurs de bluettes et de l’autre tous ceux qui se demandent avec une obsession qu’ils prennent pour de l’inspiration pourquoi le trou de leur c… est plus rond que leur nombril. Ce ne sont pas des génies, ils ne dérangent personne. On pourra un jour les commémorer, à supposer bien sûr qu’on se souvienne de leur nom après leur disparition. Je gage même que nul n’aura l’idée d’aller vérifier que leur vie était exemplaire. On ne fait pas de procès aux conteurs industriels d’historiettes, ni aux décortiqueurs de névroses moisies. Parce qu’ils ne touchent à rien d’essentiel, ils ne dérangent absolument personne. « Je suis le prince des médiocres » clame Salieri à la fin du film.

Une haine tristement universelle

Il n’y a que le génie qui dérange. Parce qu’il transgresse, déborde, chavire, bouleverse, dynamite. Il ne gène plus les princes aujourd’hui, mais la tyrannie molle de l’optimisme béat. Cette pensée unique gavée d’antidépresseurs, alimentée par la lâcheté, imposée par le manque de talent, encouragée par la perspective d’une rentabilité facile et sans risque.  La haine contenue dans les pamphlets céliniens n’est rien d’autre que l’expression d’un sentiment si répandu à l’époque qu’il déboucha sur l’horreur que l’on sait. Si elle s’exprime de manière délirante, c’est qu’elle est délirante. Plutôt que de s’efforcer de l’oublier, il vaudrait mieux la regarder en face. Et arrêter de jouer les équilibristes en saluant le Voyage tout en dénonçant le reste. Il faut tout prendre dans ce fils maudit d’un siècle abject. Céline n’a pas inventé l’antisémitisme, ni le racisme, pas même la haine de l’homme pour l’homme, sa fascination de la destruction, de lui-même et des autres. Il les a exprimés, de toutes les manières possibles, y compris à la première personne du singulier. Il s’est laissé traverser par la folie du siècle pour mieux en rendre compte. Mais on peut continuer de penser que son délire n’engageait que lui. Et lire Gavalda. Pour oublier.

73 commentaires »

  1. Lire Voyage au Bout de la Nuit pour la première fois, c’est tout de même un sacré choc.

    Moi j’ai une théorie, sur Céline… Bien sûr il était antisémite, ça ne se discute pas. Mais j’ai surtout l’impression qu’il haissait tout le monde, y compris et surtout lui-même.
    Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que son antisémitisme découlait de sa détestation profonde de l’humanité. Le contexte de son époque lui donnait l’occasion de laisser libre cours à sa haine contre les juifs, mais je ne crois pas qu’il avait une opinion bien meilleure des non-juifs.

    Essayez Céline… ça ne ressemble à rien d’autre.

    Commentaire par Arnaud — 24/01/2011 @ 13:50

  2. « Tout au plus jugeons-nous les erreurs du passé pour éviter de voir celles du présent »…

    C’est intéressant ce que vous dites. Avec l’actualité récente, en particulier ce qui se passe en Tunisie, j’ai eu une réflexion dans ce sens.

    Je faisais en effet le rapprochement entre :

    – ces curieux et fréquents retours contemporains dans les archives de notre sombre passé duquel on ressort les doutes et suspicions de comportements de collaboration de français avec l’armée nazi et l’idéologie fasciste (ce retour est sans doute un exutoire nécessaire),

    – et les récentes déclarations de certains de nos politiques français qui ont annoncé tout de go leur soutien (et proposer leur aide) à l’ancien gouvernement tunisien notoirement connu pour être un régime dictatorial et corrompu jusqu’à l’os…

    (NB : mon commentaire étant un des premiers, il ne peut être taxé de Point Godwin)

    Commentaire par Oeil du sage — 24/01/2011 @ 14:33

  3. « L’homme est mauvais »

    L’homme n’est pas mauvais, mais il a l’incroyable faculté d’être façonnable comme une boulette de patte à modeler : on peut faire de lui le pire comme le meilleur, à l’image de ces enfants enrôlés dans des armées et qui deviennent des monstres capables, en toute innocence, des pires horreurs, alors que d’autres enfants du même âge et de la même époque jouent à faire des cabanes, à la marelle ou au ballon.

    La vraie question est de savoir pourquoi à certains moments le mal incarné en un individu apparait et prend le pouvoir, et par quelle sombre alchimie une partie de la population va basculer dans l’innommable.

    Commentaire par Oeil du sage — 24/01/2011 @ 14:49

  4. En tous cas, merci de nous faire réfléchir!

    Commentaire par Médard — 24/01/2011 @ 16:40

  5. Mauvais, bon, est-ce que Céline ou n’importe quel « génie » ce serait arrêté à ce genre de considération. Il a simplement constaté que l’homme n’était pas doué de raison mais de stupidité. De la religion à la politique en passant par tout système économique, toute source de pouvoir, l’homme tend la plupart du temps vers l’extrême, ce qui reste la plus belle preuve de déraison. Céline, comme un faible nombre de ses congénères, a probablement eu du mal à accepter que cette « faculté » capable de perpétrer les pires actes et pensées, faisait partie de son métabolisme. Tout ce que nous critiquons, même les pires horreurs, ne fait-il pas partie intégrante de l’homme et donc de nous ?

    Commentaire par Magfuel — 24/01/2011 @ 16:48

  6. l’homme n’est pas mauvais car il est biologique. l’homme peut être bon car il a conscience. L’homme pourra être sage car il peut apprendre

    Commentaire par bleu horizon — 24/01/2011 @ 17:16

  7. Bonsoir Aliocha,

    Un de vos meilleurs billets depuis longtemps. Effectivement, les céliniens et Céline s’en remettront. La société actuelle, pas sûr. Si nous nous devons selon votre belle formule, d’épargner « ainsi de blesser des gens à la douleur infiniment respectable », cessons de nous voiler la face et regardons nous avec, certes nos forces, mais surtout nos faiblesses. Assumons ces dernières pour mieux les combattre. Serge Karlsfed n’a pas rendu service à la cause qu’il défend, tout respectable soit-elle. En se drapant dans les oripeaux de l’empire du bien, il va plus surement contribuer à exacerber ces faiblesses qu’il croyait ou croit réduire au silence. Quant à notre ministre de la culture, son attitude est désespérante (à l’image de la littérature contemporaine nationale) et dégoulinante de moraline aseptisée. Il portait un nom, il peut se dire qu’il a réussi à se faire un prénom mais pas dans le sens qu’il souhaitait.

    Bonne soirée

    Commentaire par H. — 24/01/2011 @ 18:01

  8. ce que je trouve inquiétant la dedans c’est le problème de démocratie que cela soulève.

    Que représente M. Klarsfeld pour pourvoir décider quel auteur peut être célébré? On a le droit de penser ce que l’on veut de l’homme, mais l’auteur était génial et j’aimerai bien savoir à quel titre je devrai demander l’autorisation à M. Klarsfeld de le lire.

    Cette décision est clairement un jour triste pour notre démocratie et la liberté de pensée. Je doute que M. Klarsfeld aie défendu sa cause.

    Le politiquement correct, ce fascisme souriant

    Aliocha : honnêtement, je n’aime guère la censure et tout ce qui s’y apparente. Mais il est vrai que là, on a face à face les enfants d’une atrocité et celui qui a exprimé de manière extrémement violente le sentiment de haine à l’origine de cette atrocité. Klarsfeld n’empêche ni de publier, ni de lire Céline. Il dit que pour certains, il serait insuportable que la République célèbre l’écrivain. Je trouve que ça se défend. Mais ce n’est que la résurgence d’une querelle ancienne sur génie et salaud et le signe de l’empire du bien cher à Muray. C’est ça, moi, qui m’ennuie, c’éest-à-dire les discours périphériques.

    Commentaire par fredo — 24/01/2011 @ 18:27

  9. Je ne vois pas trop ce que vient faire l’empire du bien, ou l’habituel politiquement correct, dans l’affaire, ni même Philippe Muray. C’est quoi le truc ? Quelque chose m’aurait-il échappé ?

    On nous parlait de célébrer donc de fêter. Or, on peut commémorer sans célébrer et utiliser cette occasion pour rappeler et dénoncer l’atrocité d’une période ou d’événements : On commémore la Shoah pour en rappeler l’horreur.

    Il est donc tout à fait possible de commémorer la naissance, la vie ou la mort de L. F. Céline en rappelant son talent littéraire sans omettre de rappeler et souligner son antisémitisme, et sans le fêter, son antisémitisme étant indissociable de son écriture. La position de Céline – si elle ne fait pas de lui un collaborateur au sens strict du terme – est quand même d’une violence extrême, surtout dans le contexte de l’Occupation, de la collaboration et du nazisme. Par sa plume, il apporte justification et encouragement aux atrocités commises. Il a quand même appelé au meurtre des Juifs et applaudi à la Shoah.

    Pour le reste, je crois qu’il est sain et instructif d’étudier l’oeuvre de Céline en tant qu’élément de compréhension de l’antisémitisme régnant à l’époque où il vécut. Exactement comme il est sain et instructif d’aller visiter Dachau quand on vit à Munich (ou Drancy quand on vit à Paris, aussi proche de Paris que Dachau l’est de Munich) et de lire une biographie sur Hitler, (comme celle de Joachim Fest en 2 tomes, très complète et très bien documentée, qu’on peut trouver d’occasion) pour comprendre les mécanismes du nazisme de sa naissance à sa chute.

    Personnellement, c’est dans cette optique que je me suis coltiné toutes ses oeuvres, alors que son fameux style a plus tendance à me fatiguer qu’à m’enthousiasmer (dans le style écorché, sauvage, débridé, je préfère nettement Antonin Artaud.)

    Il ne faut surtout pas en faire un proscrit car on a trop souvent commis l’erreur (ou la faute) de passer sous silence des périodes et des événements honteux au lieu de s’y confronter, de les analyser et de les comprendre pour empêcher qu’ils se reproduisent.

    Oui, il faut le lire et le faire lire. D’autant plus que je suis convaincu que Céline dérange particulièrement car il illustre, exprime et place sur le devant de la scène l’antisémitisme latent, banalisé, accepté, de la France de l’époque. Par ses écrits, Céline renvoie constamment à cette réalité honteuse de l’histoire quotidienne de beaucoup de Français. Celle dont on n’aime pas trop entendre parler.

    J’en profite pour conseiller la lecture des Lettres à Marie Canavaggia, la secrétaire de L.F. Céline avec laquelle il correspondit de 1936 à 1960, Ed. Gallimard, ISBN13 9782070784233, 39 euros. Un régal.

    Aliocha : la querelle autour de la question : peut-on aimer ce salaud génial ? ne date pas d’aujourd’hui et a resurgit en marge du débat. Philippe Muray écrivait qu’il fallait tout prendre dans Céline et je suis d’accord. Mais on s’obstine à tenir les pamphlets à l’écart et à en parler en se bouchant le nez. L’empire du bien, donc. Cachez ces pamphlets que je ne saurais voir ! Pour le reste nous sommes d’accord. Jetez un oeil à Semmelweis, quand il écrit en français « classiques », il est pas mal non plus.

    Commentaire par Ferdydurke — 24/01/2011 @ 19:59

  10. Bonjour Aliocha,

    Dans Le Combat ordinaire, l’une des oeuvres les plus sensibles que j’ai lues ces dernières années, on a cette réflexion que j’ai trouvée fort juste (c’est le narrateur – un photographe grand-reporter – qui parle, déçu par la rencontre avec une de ses idoles en photo) :

    « J’ai longtemps confondu l’artiste et son ouvre. Ce n’est que grâce à la psychanalyse, par étapes successives, que j’ai vaguement pu dissocier les deux : on peut être un grand artiste et un sale con. On peut faire des choses très belles en étant soi-même assez moche. On peut saisir toute la beauté du monde sur papier mais n’en faire jamais partie. C’est étrange : comment peut-on être à ce point dépasser par ce qu’on fait ? Mais si l’oeuvre est meilleure que l’artiste, pourquoi ne l’améliore-t-elle pas ? La main frôle le divin quand les pieds pataugent dans la médiocrité. Que l’on préfère l’un ou l’autre, le messager et le message ne se fondent peut-être jamais. Mon boucher est un bonhomme abominable, mais son jambon sec est un pur moment de bonheur… L’art et la charcuterie… »

    En précisant que « la beauté du monde » pour l’auteur ne réside pas dans le « joli » mais dans la vie, avec ses joies et ses saloperies.

    En précisant encore que, si le texte n’est pas non plus un sommet de littérature, il est amputé des images qui l’accompagnent et qui lui donnent une plus grande force que la simple extraction que j’en fais. Ce que j’aime dans ce passage, c’est qu’il pose l’éternelle question de l’homme et son oeuvre (illustrée à l’extrême et à l’envi par l’exemple de Céline) de belle manière sans apporter de vraie réponse, la question étant limite plus important que sa réponse.

    Et enfin ce qui me gêne dans ce débat tel qu’on nous l’offre, c’est comment ne pas marquer le coup pour les quarante ans de la mort de l’écrivain français le plus important de la première moitié du XXe siècle avec Proust – alors qu’on célèbre tout et n’importe quoi – et en profiter pour rappeler, comme le dit Ferdydurke, qui était l’homme ? La notice sur lui, dans le catalogue des commération de l’année (parution qui a mis le feu au poudre) commence d’ailleurs par cette interrogation : peut-on, doit-on commémorer Céline ? Je n’ai pas souvenir qu’une telle polémique surgisse à chaque fois que l’on célèbre l’anniversaire de l’exploit de Lindbergh par exemple.

    Aliocha : très jolie interrogation. En ce qui me concerne, je ne me suis jamais souciée réellement de la cohérence entre l’homme et l’oeuvre, il m’est apparu évident très tôt que l’artiste mettait le meilleur de lui-même dans ses créations (à l’exception notable de Wilde qui prétendait faire le contraire ;). Pour le reste, Muray, Muray et encore Muray. Je sais, c’est obsessionnel chez moi en ce moment, mais franchement, un décapant intellectuel comme lui, c’est indispensable.

    Commentaire par Gwynplaine — 24/01/2011 @ 20:50

  11. O Dieu, quand je suis né, vous ne regardiez pas (…)
    Je suis la créature immonde et redoutée(…)
    Eh bien! je suis content, Dieu, si je souffre seul!
    Eh bien! je tire à moi tous les plis du linceul
    Pour qu’il n’en flotte rien sur la tête des autres!

    Commentaire par Zarga — 24/01/2011 @ 21:54

  12. […] sans aucun doute pour son œuvre. Mais admirable ? Céline n’a rien d’une image pieuse, et allie comme tout être humain (dont les autres personnalités commémorées, même si c’est moins visible) des aspects […]

    Ping par Variae › Célébrez, célébrez, il en restera toujours quelque chose — 25/01/2011 @ 03:02

  13. …je suis perplexe. Je considère qu’être antisémite, raciste..etc, est complètement opposé à l’état de génie que vous lui accordez.
    Son « génie » viendrai donc de sa haine du monde et de lui même ? De son nihilisme ?
    Non, on peut certainement attribuer la condition de génie à nombreux autres penseurs, mais certainement pas à un être aussi méprisable que son idéologie.

    Aliocha : Une idéologie chez Céline ? Drôle d’idée. Chez Drieu ou Brasillach oui, d’ailleurs ils demeurent des auteurs fétiches chez les agitateurs d’extrême-droite, mais chez Céline, je ne crois pas. C’était surtout un provocateur.

    Commentaire par Felakuti — 25/01/2011 @ 08:03

  14. @ Felakuti

    C’est vous qui supposez que son génie viendrait de sa haine du monde, de lui-même et de son nihilisme.

    (hum… il faudrait déjà s’entendre sur la notion de nihilisme. C’est Aliocha qui va être contente, on va pouvoir parler des frères Karamazov, entre autres)

    Commentaire par Ferdydurke — 25/01/2011 @ 08:38

  15. Petit test, sans lire votre article: vous défendez la célébration de Céline et regrettez qu’on n’en fasse pas une icône. J’ai bon?

    Commentaire par javi — 25/01/2011 @ 09:53

  16. @ Aliocha (sous moi… hum… en 10)

    « Philippe Muray écrivait qu’il fallait tout prendre dans Céline (…) Cachez ces pamphlets que je ne saurais voir ! »

    D’accord. Je comprends mieux.

    En passant… « peut-on aimer ce salaud génial ?« . Pourquoi faudrait-il se poser cette question qui n’a en elle-même aucun sens ? Nul besoin d’aimer pour lire et lire n’implique pas aimer. En mettant de côté toute considération affective (positive ou négative), notre jugement n’en est que plus sûr.

    @ Aliocha (en 14)

    Ce n’était pas seulement un provocateur. Nihiliste, très probablement, mais selon la conception philosophique du nihilisme, pas sa conception idéologique et politique.

    @ javi

    Raté.

    Commentaire par Ferdydurke — 25/01/2011 @ 11:47

  17. […] This post was mentioned on Twitter by sammyfisherjr, sammyfisherjr. sammyfisherjr said: A lire: L’empire du bien a encore triomphé: L’homme est loupé, écrivait Céline. Il l’a démontré d’ailleurs, non … http://bit.ly/f4QWFO […]

    Ping par Tweets that mention L’empire du bien a encore triomphé « La Plume d'Aliocha -- Topsy.com — 25/01/2011 @ 13:02

  18. Aliocha,

    Oui, Céline est un de nos grands écrivains.
    Oui l’Empire du Bien constitue une idéologie détestable.

    Mais la République n’est pas tenue d’honorer tous les grands écrivains indistinctement. Organiser une commémoration officielle n’est pas un acte neutre sur le plan politique. Le ministère de la culture n’est pas le jury du Goncourt ni le festival de Cannes. En tant qu’institution émanant de l’Etat républicain, il se préoccupe du sens politique et éthique des manifestations qu’il organise. L’art qu’honore le ministère de la culture ne peut être qu’un art officiel, un art donc qui a les préoccupations, les mérites et les insuffisances de tout art faisant allégeance au pouvoir, ce dernier fût-il démocratique. Quelle que soit l’excellence d’une politique culturelle, elle ne pourra donc jamais inclure dans son programme le « salon des refusés »… ou bien ce ne serait précisément plus le « salon des refusés ». Elle ne peut être que « politiquement correcte », ce qui ne veut pas forcément dire médiocre : Rubens, tant vanté par Muray, à juste titre, était très politiquement correct dans la Flandres baroque…

    Vous louez Céline d’avoir dépeint la noirceur de l’âme humaine. Comment ne pas reconnaître que vous avez raison? Mais est-ce bien ce qui est en question? Ce qui est reproché à Céline, c’est d’avoir contribué par ses pamphlets à propager l’antisémitisme le plus féroce à une époque où celui-ci était meurtrier. Ainsi considérés, ces pamphlets ne sont pas des écrits parmi d’autres mais bien des contributions à un acte criminel. Ce n’est pas parce que certains ont parfois abusé de la notion de « souffrance des victimes » qu’il faut dénier toute validité à cet argument : « la République ne peut pas honorer un homme, si grand écrivain soit-il, qui a appelé au meurtre des milliers d’innocents. »

    Qu’à titre privé, certains tiennent à célébrer Céline, pourquoi pas? Je serais le premier à m’en réjouir. Mais la République doit aussi veiller à la portée symbolique des actions qu’elle organise ou finance.

    Cela dit, il peut y avoir une solution de compromis (pour employer une expression que, Muray aurait sans doute eu en horreur): on pourrait célébrer l’anniversaire de l’écriture de « Voyage au bout de la nuit » par exemple, au lieu de célébrer l’anniversaire de la mort de l’écrivain. Ce serait une façon de distinguer l’écrivain et l’homme, de rendre un hommage esthétique à l’oeuvre littéraire sans risque de confusion avec une approbation des méfaits de son auteur.

    Commentaire par Physdémon — 25/01/2011 @ 15:39

  19. Aliocha,

    Oui, Céline est un de nos grands écrivains.
    Oui l’Empire du Bien constitue une idéologie détestable.

    Mais la République n’est pas tenue d’honorer tous les grands écrivains indistinctement. Organiser une commémoration officielle n’est pas un acte neutre sur le plan politique. Le ministère de la culture n’est pas le jury du Goncourt ni le festival de Cannes. En tant qu’institution émanant de l’Etat républicain, il se préoccupe du sens politique et éthique des manifestations qu’il organise. L’art qu’honore le ministère de la culture ne peut être qu’un art officiel, un art donc qui a les préoccupations, les mérites et les insuffisances de tout art faisant allégeance au pouvoir, ce dernier fût-il démocratique. Quelle que soit l’excellence d’une politique culturelle, elle ne pourra donc jamais inclure dans son programme le « salon des refusés »… ou bien ce ne serait précisément plus le « salon des refusés ». Elle ne peut être que « politiquement correcte », ce qui ne veut pas forcément dire médiocre : Rubens, tant vanté par Muray, à juste titre, était très politiquement correct dans la Flandres baroque…

    Vous louez Céline d’avoir dépeint la noirceur de l’âme humaine. Comment ne pas reconnaître que vous avez raison? Mais est-ce bien ce qui est en question? Ce qui est reproché à Céline, c’est d’avoir contribué par ses pamphlets à propager l’antisémitisme le plus féroce à une époque où celui-ci était meurtrier. Ainsi considérés, ces pamphlets ne sont pas des écrits parmi d’autres mais bien des contributions à un acte criminel. Ce n’est pas parce que certains ont parfois abusé de la notion de « souffrance des victimes » qu’il faut dénier toute validité à cet argument : « la République ne peut pas honorer un homme, si grand écrivain soit-il, qui a appelé au meurtre de milliers d’innocents. »

    Qu’à titre privé, certains tiennent à célébrer Céline, pourquoi pas? Je serais le premier à m’en réjouir. Mais la République doit aussi veiller à la portée symbolique des actions qu’elle organise ou finance.

    Cela dit, il peut y avoir une solution de compromis (pour employer une expression que Muray aurait sans doute eu en horreur): on pourrait célébrer l’anniversaire de l’écriture de « Voyage au bout de la nuit », par exemple, au lieu de célébrer l’anniversaire de la mort de l’écrivain. Ce serait une façon de distinguer l’écrivain et l’homme, de rendre un hommage esthétique à l’oeuvre littéraire sans risque de confusion avec une approbation des méfaits de son auteur.

    Commentaire par Physdémon — 25/01/2011 @ 15:42

  20. Je crains qu’il y ait une secrète jalousie qui se pare de vertus en vogue dans l’époque, et c’est toujours le talent qui dérange le plus. On l’a vu à la chasse aux sorcières d’après guerre où un Guitry se faisait emprisonné pour pas grand chose.
    C’est vrai que les idées propagées par l’intelligence sont plus dangereuses mais un pays qui escamote ses contradicteurs et une idéologie ses opposants parce qu’il ne sait que répondre ou a peur, avoue son incompétence et s’enfonce dans la médiocrité.
    Céline reste un grand écrivain et il se moquerait bien de tous ces « politiquements corrects » frileux.

    Commentaire par Scaramouche — 25/01/2011 @ 17:42

  21. @ Physdémon

    Pour vous lire régulièrement chez Philarête, accompagné (ou cerné ?) par tschok et Fantômette, votre présence ici ne peut être qu’appréciée.

    Oui, la commémoration n’est pas un acte neutre sur le plan politique puisque comme le rappelle wikipedia « Une commémoration est une cérémonie officielle organisée pour conserver la conscience nationale d’un évènement de l’histoire collective » ou selon le CNRTL, la commémoration est une « cérémonie en souvenir d’une personne ou d’un événement, religieuse ou non« . Donc, oui, les représentants de la nation, les élus, les gouvernants, la République doivent considérer avec précaution et éthique ce qu’ils commémorent et la manière dont ils le commémorent.

    (on aimerait d’ailleurs que ces préoccupations éthiques prévalussent sur les habituelles coutumes motivant nombre de leurs faits et gestes, soit dit en passant… mais là je rêve d’une – comment disait-il déjà ? – ah oui… une République irréprochable)

    Toutefois, je m’entête et je m’obstine à répéter ce que je disais en 10 :

    1/ Commémorer peut se faire sans célébrer. Commémorer n’implique d’ailleurs pas de célébrer. L’étymologie du terme « commémoration » est sans ambiguïté : « Empr. au lat. class. commemoratio. Action de rappeler, de mentionner, évocation« . On commémore en les célébrant des évènements positifs et heureux tels que la fin d’une guerre (sauf les vaincus, parfois…). On commémore sans les célébrer des évènements négatifs et malheureux, tels que la Shoah ou les victimes, civiles comme militaires, d’une guerre dont on fête par ailleurs la fin ;
    2/ On ne peut pas, on ne doit pas séparer Céline l’écrivain de Céline l’antisémite.

    Je crois donc qu’on peut commémorer un Céline grand écrivain antisémite et je crois surtout qu’on ne peut pas faire autrement que commémorer un grand écrivain antisémite, Céline n’étant ni un écrivain mineur, ni autre chose qu’un antisémite convaincu, revendiqué, affirmé et avéré (au point qu’il n’est d’ailleurs jamais revenu sur sa position, ne serait-ce qu’en exprimant un début de regret).

    J’ajoute que, même à titre privé, toute célébration de l’écrivain effectuée en taisant (ou en occultant) son antisémitisme est au minimum une erreur, probablement une faute, voire une manoeuvre, niant que Céline fut et est resté un antisémite.

    Je m’en explique en m’appuyant sur plusieurs exemples.

    Nous ne sommes pas dans le cas d’un Bertrand Cantat pour lequel il y a une nette séparation entre les actes qui lui ont valu une condamnation et ses faits et geste de chanteur. Ce n’est pas le chanteur qui a porté des coups mortels sur Marie Trintignant mais la personne privée. L’a-t-on d’ailleurs entendu en parler dans un cadre professionnel, dans une interview, sur scène ? Non, jamais. Si un jour Bertrand Cantat revenait sur ces évènements d’ordre privé pendant un concert, cette séparation n’existerait plus car il l’aurait lui-même abolie en s’exprimant sur des faits d’ordre privé dans un cadre public : on serait alors libre et en droit, il serait légitime et fondé de porter un jugement sur la personne publique. Quel que ce soit ce jugement ou cette opinion, et ce quel que soit le discours que Bertrand Cantat tiendrait dans un tel cas de figure.

    Idem de Roman Polanski. C’est l’homme qui commit les actes pour lesquels il fut condamné, pas la figure publique qu’est le cinéaste. Si un jour Polanski commettait des actes similaires pendant un tournage ou profitait d’une conférence de presse qu’il tiendrait en tant que réalisateur pour faire l’apologie des faits dont il fut l’auteur ou pour reconnaitre les faits commis et présenter ses excuses, on serait là encore libre et en droit de porter un jugement sur la personne publique, car là encore elle aurait abolie la séparation privé/public.

    Cette approche rejoint d’ailleurs, à titre d’exemple, les principes de jurisprudence (je n’ai plus la référence, désolé) qui énoncent que :
    – tout acte commis en dehors du lieu de travail relevant de la vie privée du salarié ne peut être utilisé pour sanctionner ou procéder au licenciement d’un salarié. Il pourra s’agir d’actes commis au domicile du salarié, ou encore du secret de ses correspondances. Tout salarié a droit au respect de sa vie privée ;
    – Tout fait tiré de la vie privée du salarié doit causer un trouble à l’entreprise qui doit être caractérisé pour que l’employeur soit en droit de sanctionner ou de procéder à un licenciement.

    (Comme d’hab, j’invite les pros du droit à me corriger ou à me basher, Fantômette étant excusée pour raison de santé, je m’en voudrais qu’elle se prive de la chaleureuse étreinte de sa couette à l’effigie de Jude Law pour si peu. Pour qu’il n’y ait pas de jaloux, Jalmad sera excusée sur présentation d’une photo d’elle en robe vinylée de magistrat, et tschok sur présentation d’une photo de lui en robe d’avocat ingénument relevée et dévoilant des bas résille. Ne me remerciez pas, c’est naturel.)

    Mais dans le cas de Céline, il n’est pas possible de distinguer l’homme (la figure privée) de l’écrivain (la figure publique) pour la simple et unique raison que l’écrivain expose constamment et sans retenue (c’est le moins qu’on puisse dire) les convictions de l’homme. L’écriture de Céline l’écrivain est celle de Céline l’homme : il n’a jamais marqué de frontière entre sa parole d’homme public et de personne privée. Bien au contraire.

    Un exemple similaire en est Albert Camus. La parole publique d’Albert Camus (son discours, sa philosophie) est indissociable de sa pensée personnelle. Il fut d’ailleurs le premier à la revendiquer comme telle (le devoir de mettre ses actes en accord avec ses pensées) au point que cela fut pour lui source de déchirement (comme l’illustrent à la perfections ses réflexions à propos de l’Algérie) et une constante dans son oeuvre. Dans la partie théâtre de ses triptyques roman/essai/théâtre, c’est Caligula (le pendant théâtral du Mythe de Sisyphe et de L’étranger dont les thèmes sont l’absurde et l’impossibilité d’un nihilisme absolu) et Les justes (dont les thèmes sont la révolte et tout n’est pas permis), où le héros Kaliayev pousse le principe de ne pas déroger au devoir d’agir en accord avec ses convictions à l’extrême à deux reprises :
    – quand il renonce à jeter la bombe en raison de la présence des nièces du grand-duc ;
    – quand il se laisse arrêter après l’assassinat du grand-duc au lieu de s’enfuir afin d’être exécuté puisqu’il a tué.

    Comme je ne vous soupçonne pas de vouloir manoeuvrer, je me contente donc de dire que c’est une erreur de prétendre pouvoir distinguer chez Céline l’écrivain de l’antisémite. C’est, selon moi, matériellement impossible. Sauf à juger que Céline n’était qu’un hypocrite dont la parole n’était pas en accord avec ses opinions et ses convictions, bien sûr. Sur ce point, je suis prêt à mettre ma main au feu que s’il m’entendait je me prendrais une bordée d’injures de sa part si je prétendais une telle chose. 😉

    PS : Ce qui ne veut pas dire qu’il faut brûler Céline et mettre ses écrits à l’index pour autant. Bien au contraire pour les raisons que j’ai données en 10. Il faut lire Céline comme écrivain ET antisémite (c’est un ET logique, l’opérateur booléen, le ^ de A^B, aka AND : céline_écrivain AND antisémite renvoie VRAI comme résultat, céline_écrivain NOT antisémite renvoie FAUX)

    Commentaire par Ferdydurke — 25/01/2011 @ 19:26

  22. Oups… désolé pour les italiques foireux (foireuses ?) entre « sans ambiguïté » et « grand écrivain antisémite ». Déjà que je ne suis pas prêt de fermer ma grande gueule, je devrais au moins fermer les balises…

    Aliocha : ça fait deux fois aujourd’hui que je vous surprends à batifoler dans ma corbeille. Mais qu’est-ce qui vous amuse tant là-dedans ? Il y a une playmate, c’est ça ?

    Commentaire par Ferdydurke — 25/01/2011 @ 19:30

  23. @ Aliocha

    Hé ho !

    D’abord… s’il y avait une playmate, j’y serais encore dans votre corbeille !

    (en toute logique)

    (d’autant plus que « deux fois » est nettement en deçà de mon habituel niveau journalier de performance en batifolage, sans me vanter, hein, références disponibles sur demande)

    Cela ne peut donc venir que de chez vous :

    – Soit vous nous faites une crise de ménagite (auquel cas je compatirais).

    – Soit vous êtes en proie à une nouvelle velléité de domination de ma petite personne, ce qui me ferait doucement rigoler (laquelle m’obligerait toutefois à recourir à des mesures courtoises mais drastiques, en application de la procédure XXX-F35533)

    (F35533 s’inspire vaguement du leet speak, je vous laisse traduire…)

    PS : 😛 bien sûr !

    Aliocha : Ah Ferdy, pourquoi faut-il toujours que vous mettiez du sexe et du rapport de force partout. Je n’y suis pour rien si vous tombez dans la corbeille, il ne faut vous en prendre qu’à vous. Maintenant, vous le savez, je n’engage jamais la première un rapport de force, ça ne me vient même pas à l’esprit. Mais si on me provoque….toutes vos mesures de dressage/défense/rétorsion seront, je le crains, parfaitement inefficaces, tant je manie avec maestria bouderie, remarques cinglantes, indifférence glacée et autres outils d’auto-défense anti-macho brevetés.

    Commentaire par Ferdydurke — 25/01/2011 @ 21:11

  24. à Ferdydurke,

    Je dois confesser que je connais trop mal Céline pour vous contredire quand vous dites que l’antisémitisme est un élément essentiel de son oeuvre.

    Par ailleurs je trouve normal que des critiques et des écrivains contemporains fassent l’éloge d’auteurs d’extrême droite comme Brasillach ou Drieu La Rochelle ou d’écrivains extrémistes de tout autre bord. Mais de là à dépenser des fonds publics pour honorer leur mémoire, il me semble qu’il y a un pas qu’il serait injuste et imprudent de franchir… En même temps, je reconnais que je serais plutôt content de savoir que telle ou telle bibliothèque organise une exposition sur Céline ou les tristes sires que je viens de nommer.

    Peut-être avez-vous raison, au fond. On pourrait très bien dire que le rôle du Ministère de la culture n’est pas de promouvoir une « culture officielle », comme je l’ai plus ou moins présupposé plus haut, mais de prêter assistance à une création culturelle qui fixerait elle-même ses propres normes. Ce qui est en jeu ici, c’est la conception que nous avons de ce que doit être une politique culturelle publique. Et je vais vous faire un aveu: je n’y ai sans doute pas réfléchi suffisamment.

    Cela dit, en première analyse, il me semble assez normal que si l’Etat a une politique culturelle, il exprime quelques exigences de conformité au bien commun concernant les actions qu’il entreprend ou soutient. Car c’est tout de même bien son rôle que de veiller à ce fameux bien commun. Cela m’ennuierait qu’une exposition sur Sade devienne une apologie du sadisme, par exemple.

    Mais peut-être faudrait-il que j’approfondisse ma réflexion: car je serais non moins scandalisé si une DRAC refusait de subventionner une mise en scène du « Marchand de Venise » sous prétexte qu’il s’agit d’une pièce antisémite…

    Alors je vais réfléchir à tout cela un peu davantage… Vous avez bien fait d’insister.

    Commentaire par Physdémon — 25/01/2011 @ 22:01

  25. Bonjour Aliocha,

    Un peu hors sujet, quoique, mais touchant à un sujet qui vous tient à cœur puisque son sujet a été à la base de ce blog: http://www.enquete-debat.fr/archives/les-medias-francais-entre-crise-des-contenus-et-crise-de-societe

    Bonne journée

    Aliocha : très intéressant, en effet.

    Commentaire par H. — 26/01/2011 @ 11:51

  26. @ physdémon

    Je fanfaronne déjà bien assez comme cela pour prétendre être connaisseur de Céline. Je l’ai lu comme beaucoup de gens, et l’ai étudié comme beaucoup d’autres. Peut-être avec un intérêt accru considérant ses opinions, l’époque qu’il traversa et mes liens personnels avec l’autre côté du Rhin, surtout pour avoir vécu dans la ville où le nazisme est né, à égale distance du Starnberger See où mourut Louis II de Bavière que du premier camp de concentration permanent (Dachau, construit en mars 1933, trois mois après qu’Hitler ait accédé au pouvoir), lieu nettement moins bucolique que le premier. Il est donc pour moi un auteur incontournable, comme le sont par exemple Georges Hyvernaud et Primo Levi.

    Ceci dit, il n’y a rien d’extraordinaire à affirmer que Céline était antisémite et l’est resté : Il n’était pas le collabo opportuniste, celui qui serre la main à son voisin le matin et le dénonce l’après-midi, soit en raison d’une querelle passée, par jalousie ou par convoitise. C’était un homme de convictions. Comme Brasillach et Drieu la Rochelle le furent.
    A la différence que Brasillach le fut plus activement que Céline, c’est le moins qu’on puisse dire, et probablement plus pour des raisons idéologiques que philosophes (cf le nihilisme de Céline qu’on peut rapprocher de la veine nihiliste qui a alimenté le nazisme aux côtés de la veine idéologique).
    A la différence, aussi, que Drieu la Rochelle est revenu sur ses convictions en 1943, donc avant la fin de la guerre, sans doute en raison du caractère multiforme de ses convictions. Drieu a été longtemps proche des surréalistes, dont Aragon, et s’inscrivit à ses débuts dans la lignée du socialisme « originel », celui de Fourier et de Proudhon, penseurs qu’on peut difficilement qualifier de fascistes.

    Bon. Si j’ai un peu de mal avec un mot que vous employez (« éloge » en parlant de Brasillach et de Drieu la Rochelle), je vous suis sur le reste. Comme vous le dites, une politique culturelle publique n’a pas vocation à décider de l’orientation d’une commémoration ou d’une exposition que ce soit dans un sens positif ou négatif, car ce serait employer les mêmes méthodes que ceux qu’on honnit. Entre une approche sélective et orientée et une propagande d’Etat, la frontière est mince.

    Donc oui au « Marchand de Venise », oui aux expositions sur Sade, sans la moindre apologie (lequel Sade ne se résume d’ailleurs pas au sadisme puisque notre plus célèbre embastillé est une des pus hautes figures de la lutte pour la liberté d’expression).

    C’est et ce sera toujours la capacité, ou plus exactement la volonté (qui est action contrairement à la capacité), à laisser quiconque se réunir et s’exprimer qui honore la démocratie et la distingue de tout autre régime. Quitte à condamner ensuite ce qui est dit et ce qui est fait. Tant qu’un fasciste (ou tout opposant) a la possibilité de parler, je sais que nous sommes en démocratie. Dans le cas d’un fasciste, voir le contenu de son discours condamné le confirme.

    (en fin de compte, c’est vachement politiquement correct comme discours… vivement que tschok vienne nous envoyer valdinguer tout cela 😉 )

    Commentaire par Ferdydurke — 26/01/2011 @ 12:34

  27. @ Aliocha

    C’est peut-être l’emploi de termes liés au nazisme (Shoah, et cetera) qui me conduisent à la corbeille, la plupart des outils de modération utilisant des listes de mots proscrits ou suspects.

    Je vous avoue que je préfèrerais y séjourner en raison de la présence d’une playmate (ou deux, si possible).

    Aliocha : c’est pas Play boy, y’a pas de playmate. Z’avez qu’a emmener les vôtres, non mais des fois !

    Commentaire par Ferdydurke — 26/01/2011 @ 12:40

  28. Le problème ne tient pas dans la reconnaissance du grand écrivain que fut Celine, incontestablement, ça fait longtemps qu’il a été reconnu comme tel soit l’auteur du Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit, suivis de D’un chateau l’autre et de Nord (publications après la guerre) qui font de lui un des plus grands écrivains du siècle qui a révolutionné la littérature. Personne ne conteste cette reconnaissance d’un écrivain majeur.

    L’homme en revanche et sa personnalité, son engagement prenant parti en faveur de la collaboration avec le nazisme et ses tirades antisémites constellant d’autres textes succédant au Voyage, et qui, de ce fait, font figure de pamphlets plus que d’oeuvres littéraires, bannies, est éminemment contestable et tout à fait contesté.

    Le problème tient d’abord au fait que outre ces grands textes qui signent un talent d’écrivain, incontestable une fois encore, Celine a aussi écrit ensuite des pamphlets antisémites que sont Bagatelle pour un massacre, L’Ecole des cadavres, Les beaux draps (qui, à ma connaissance étaient d’un antisémitisme tel qu’ils n’étaient pas réédités et interdits de réédition). Bref d’une part l’écrivain était aussi un homme qui était un salaud. Un salaud, ce qui n’enlevait rien à son talent. On dissertera indéfiniement sur la question de savoir si on peut lire l’oeuvre en faisant abstraction de l’homme, sachant qu’il fut un salaud, obsédé par le thème d’un « monde enjuivé » que l’on trouve dans ses pamphlets où il écrit par exemple ce genre de chose :

    Les juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides, des loupés, […] qui doivent disparaître. […] Dans l’élevage humain, ce ne sont, tout bluff à part, que bâtards gangréneux, ravageurs,pourrisseurs. Le juif n’a jamais été persécuté par les aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est le damné des tiraillements de sa viande d’hybride.

    Obsessions de haine qui n’appartiennent pas à ses grands textes (le Voyage, Mort à crédit et les textes ultérieurs)mais figurent dans les pamphlets du collabo, qui se réfugie en Allemagne à la fin de la guerre et est accusé de collaboration de retour en France.

    Un collabo, antisémite forcené ne peut-il être un grand écrivain ? Eh bien si, et il faut pouvoir l’accepter et le penser, la distorsion entre l’homme et l’oeuvre car Celine montre que les deux peuvent coexister dans un même individu, génie littéraire et écrivain admirable et parfait salaud.

    Et il n’est pas exact de dire que toute son oeuvre est tissée d’antisémitisme comme j’ai vu passer précédemment ceci affirmant que « l’antisémitisme est un élément essentiel de son oeuvre ». Je ne crois pas qu’on puisse dire cela. L’antisémitisme est un élément essentiel de l’individu, mais non de son oeuvre. Et il me semble assez évident que les pamphlets antisémites sont bien distincts des grands textes de Celine qui sont lus sans discontinuité depuis leur parution sans qu’on y trouve matière àredire et « précautions » à prendre vis à vis des enfants des écoles car il faudrait en expurger l’antisémitisme. Celine, l’écrivain, l’auteur du Voyage et de Mort à crédit, D’un chateau l’autre et Nord, peut se lire sans « précautions », avertissements, réserves et censure. On n’a pas affaire au même registre, dans les pamphlets antisémites et dans les textes de littérature de l’écrivain auteur du Voyage. On n’a aps affaire aux mêmes genres de textes, à l’invention de l’écrivain, mais au déversement de la haine de l’homme Celine, aux délires d’un bonhomme emporté .

    D’autre part dans cette affaire le haut comité avait décidé de célébrer l’homme, parmi d’autres personnalités remarquables, ainsi présenté :
    « Il n’est pas facile mais il est passionnant d’établir une liste des
    individus dignes d’être célébrés ; c’est-à-dire de ceux dont la vie,
    l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont,
    aujourd’hui, reconnues comme remarquables. Cela n’est pas facile car
    les ressorts de l’admiration possèdent leur histoire.  »

    Célébrer l’homme, personnalité remarquable, dont la vie et l’oeuvre … Là c’est une erreur, car précisément la distinction n’est pas faite entre une vie et un homme qui n’ont rien de remarquables, tout au contraire, et l’oeuvre.

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 12:59

  29. Magnifique …rien à ajouter ….la dernière phrase de votre premier paragraphe est formidable …

    Commentaire par Chris — 26/01/2011 @ 13:37

  30. Je vais friser le hors sujet, mais comme il est question de ministre de la culture, venant d’apprendre que le budget du ministère de la culture est supérieur à celui du ministère de la justice, ce que je trouve indécent, je suggère qu’on supprime le ministère de la culture.
    Suppression du ministère implique arrêt des commémorations et chacun lira (ou ne lira pas) ce qui lui plaît.

    Commentaire par Barbara — 26/01/2011 @ 15:11

  31. @ alithia

    « D’autre part dans cette affaire le haut comité avait décidé de célébrer l’homme, parmi d’autres personnalités remarquables, ainsi présenté :

    Sauf que le professeur Henri Godard, auteur de la notice consacrée à Céline, à présent supprimée du recueil des  » Célebrations nationales 2011 « , avait pris le soin dès le départ de son texte de poser clairement la question de  » la célébration  » de Céline.

    La toute première phrase de sa notice:

    « Doit-on, peut-on célébrer Céline ? Les objections sont trop évidentes… »

    Ce que vous citez n’est qu’un extrait de la préface d’Alain Corbin. Préface totalement insipide comme l’est l’avant-propos de Frédéric Mitterrand. Textes qui poutant, en dépit de leur médiocrité, sont toujours sur le site des  » Célébrations nationales « …

    Que Serge Klarsfeld soit en opposition avec un avant-propos et une préface, qu’il en conteste les termes est une chose, mais cela ne l’autorise en aucun cas à décider ce qu’il convient de commémorer ou pas, et encore moins à l’imposer.

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 15:37

  32. @ Véronique

    Il n’empêche que cette préface, fut-elle insipide, tout comme l’avant-propos de Frédéric Mitterrand, médiocre ou pas, est partie intégrante du projet de « Célébrations nationales ».

    L’auteur de la préface, malgré son interrogation préalable relative au cas de Céline, et malgré que Frédéric Mitterrand formule le voeu de « matérialiser de mieux en mieux la conscience -historique des Français, en commémorant les heures sombres comme en solennisant les dates fastes« , souligne bien qu’il est question d’ « établir une liste des individus dignes d’être célébrés ; c’est-à-dire de ceux dont la vie,l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables. »

    L’objectif est clairement défini, sans la moindre ambiguïté.

    « individus dignes d’être célébrés« , « Conduite morale« , « valeurs« , « reconnues comme remarquables« . Difficile d’y inclure Céline, l’homme comme l’écrivain.

    Je radote, je sais mais… commémorer est une chose, célébrer en est une autre.

    @ Aliocha (24)

    Pourquoi ? Parce que c’est dans mon rôle ! (depuis le temps que je me tue à le répéter… nonmédéfoi)
    De toute façon, c’est vous qui avez commencé en parlant de playmate (comme d’hab, c’est moi qui trinque. Ya pas d’justice, j’vous dis)

    « bouderie, remarques cinglantes, indifférence glacée et autres outils d’auto-défense anti-macho brevetés. » Cela se confirme : Une vraie ch*****… comme on les aime. 😀

    @ Aliocha (28)

    Ah bon ? Je peux ? Chouette !

    Commentaire par Ferdydurke — 26/01/2011 @ 16:26

  33. La préface du haut comité des célébrations nationales, signée Alain Corbin, insipide ou pas, annonce les attendus de ces cérémonies de célébrations :

    il s’agit « d’établir une liste des individus dignes d’être célébrés ; c’est-à-dire de ceux dont la vie, l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables. »

    Célébrer et faire des célébrations d’Etat qui distribue les médailles, est déjà une idée discutable à mon avis, mais passons. Mais lorsqu’il s’agit de célébrer des individus dont la vie, l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables, peut-on vraiment admettre que l’individu Celine a eu une vie une conduite morale, et des valeurs remarquables ?
    Poser la question c’est y répondre.

    Et ricaner des protestations des descendants des victimes de l’extermination nazie pour défendre que la vie de l’individu Celine puisse être célébrée par l’Etat, comme de braves gens l’ont fait dans le Monde, rejoint l’obscène.

    Cette formulation du haut comité est plus que malheureuse, il est difficile de dire le contraire.

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 17:12

  34. @ Ferdydurke

    En même temps, si vous lisez la page d’accueil des Célébrations nationales sur le site du ministère et qui définit l’objet des CC, vous ne trouvez pas de références ayant trait à ces notions de  » Conduite morale  » ,  » valeurs  » ,  » reconnues comme remarquables « :

    « Créée en 1974 par Maurice Druon, alors ministre de la Culture, la délégation aux célébrations nationales dépendait à l’origine de l’Association française pour les célébrations nationales. Rattachée à la direction des Archives de France en 1979, elle fut alors chargée par le ministre  » de veiller à la commémoration des événements importants de l’histoire nationale « .

    Je pense que la stratégie de Serge Kalrsfeld, en jouant à fond sur la mot célébration, a été habile: elle a consisté à contester la préface d’Alain Corbin et l’avant-propos de Frédéric Mitterrand. Mais personne de sérieux ne peut pas penser qu’il s’agissait pour le comité de louer Céline.

    Serge Klarsfeld :

    «La République doit maintenir ses valeurs : Frédéric Mitterrand doit renoncer à jeter des fleurs sur la mémoire de Céline, comme François Mitterrand a été obligé à ne plus déposer de gerbe sur la tombe de Pétain». (Serge Klarsfeld)
    Réponse de Frédéric Mitterrand :

    « Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a estimé que « déposer une gerbe aux pieds de Céline au nom des valeurs de la République, pour l’instant, et pour toujours je crois, ce n’est pas possible » »
    Je pense profondément que Frédéric Mitterrand a commis une grave erreur en cédant à l’injonction de SK, et par-dessus le marché en la faisant sienne. A mon avis, la seule chose qu’il pouvait dire était que son avant-propos et la préface d’Alain Corbin n’étaient pas adaptés à l’objet de fond qui structure les CN: des commémorations au sens d’anniversaires.

    Il pouvait regretter la niaiserie intellectuelle et l’inconséquence de son avant-propos. Il s’excuse bien de ses propos sur la Tunisie…

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 17:21

  35. Bon.
    J’aime pas Céline.
    Je n’aime ni ce qu’il écrit, ni sa façon d’écrire, et j’ai du mal à lire dix pages de sa plume à la suite.
    Mais je ne suis pas critique littéraire. Ni Agrégée de Littérature. Ni prof de Français. Donc, l’avis de Dame Lamberte, hein…
    Mais je me pose quand même une question : le Docteur Destouches (qui était sans doute un excellent médecin) serait-il porté aux nues de la littérature s’il avait écrit une oeuvre moins misanthrope et pas antisémite du tout ? En clair, je me pose souvent la question : en Céline, idolâtre-t-on l’écrivain, ou l’antisémite ?

    Aliocha : voilà un commentaire courageux 😉 Franchement je ne pense pas qu’on idolâtre Céline pour son antisémtisme, à l’exception peut-être de quelques barjots qui ne méritent pas qu’on s’y attarde. Et je ne pense pas non plus qu’il faille une compétence quelconque pour aimer un écrivain. C’est une question de sensibilité. Disons simplement qu’il ne vous touche pas. Personnellement, j’ai mis du temps à l’aimer d’ailleurs. On ne passe pas sans difficulté du style classique au sien, précisément parce qu’il dynamite tout ce qu’on connaissait du style avant lui.

    Commentaire par lambertine — 26/01/2011 @ 17:35

  36. L’article assure que « l’homme est un salaud », « l’homme est mauvais ».
    Non. Certains sont des salauds, pas tous.
    L’homme est capable de faire le mal, d’être mauvais, d’être un salaud.
    Une capacité, c’est certain, mais ce n’est pas son être ou la vérité de son être.
    Toute capacité ne s’accomplit pas, pas toujours, pas chez tous, pas tout le temps et cela dépend des circonstances.
    Et dans les mêmes circonstances tous ne choisissent pas le pire.
    Face au nazisme il y eut des résistants, nombreux. Je ne parle aps seulement des résistants en armes, la France, pays occupé, au gouvernement de collaboration, est le pays où la proportion de juifs arrêtés et déportés, par rapport à leur nombre, est la plus faible d’Europe : grâce à tous ces « justes » qui ont abrité et protégé des juifs, au péril de leur vie, en désobéissant à Vichy.
    L’homme est capable du meilleur comme du pire, il n’est pas condamné au pire.
    Et cette capacité à faire le mal et à faire souffrir, si tous l’ont, tous ne l’accomplissent pas.

    Durant le nazisme tous n’ont pas sombré dans la collaboration et l’antisémitisme fanatique de Celine. Loin de là.
    Non sous Vichy tous n’étaient pas fascistes ni antisémites.
    Et des comme Celine, il faut les chercher.

    Non, tous ne sont pas susceptibles de céder à tant de haine et tous ne connaissent aps un tel abaissement, il y a des différences et Celine est vraiment un cas. Il a sans doute été, de tous les écrivains de cette époque, le plus salaud, le plus antisémite, le plus collaborateur, ou parmi les pires au sein des pires.

    Donc une fois encore s’il s’agit de célébrer l’individu, la vie et les valeurs de Celine, non.

    Pour mémoire, citation d’un historien américain, Robert Soucy, professeur à Obelin College, Ohio :

    Après 1936, [Céline] écrivit trois ouvrages antisémites qui, eux, n’ont pas droit à des critiques dithyrambiques : Bagatelles pour un massacre (1937), L’Ecole des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941). Ils mettent en lumière son admiration pour l’Allemagne nazie et, en outre, son attachement à un grand nombre d’idées que les fascistes français propageaient depuis 1924, y compris un réalisme « viril » qui fulmine contre le marxisme, le libéralisme, la franc-maçonnerie, la démocratie, le matérialisme, l’hédonisme, le rationalisme et le féminisme.

    Dan son cas, ces opinions s’accompagnent d’un antisémitisme de bas étage des plus haineux, même s’il s’exprime d’une manière très moderne. Selon Céline, les Juifs ne se bornent pas à dominer la france sur les plans politiques, économique, social et culturel ; ils constituent en plus une menace sur le plan sexuel, et plus précisément homosexuel. Selon Céline, les Juifs sont des « enculés » qui prennent de force les Aryens par derrière. Se montrer docile avec les Juifs, c’est courir le risque de se faire violer par eux.

    On trouve un thème récurrent dans ces trois écrits : les Juifs pratiquent une forme d’antisémitisme à l’envers, ils veulent dominer, maltraiter et exterminer d’innocents Aryens. Ainsi, il laisse entendre qu’en se défendant contre de tels monstres les Aryens n’ont nul besoin de se sentir coupables de réagir comme eux. L’antisémitisme est de l’autodéfense et non une agression injustifiée.

    L’antisémitisme semble avoir procuré un exutoire pour cette rage qui bouillait en lui et à laquelle il laissa libre cours dans ces opuscules, rage qui ne s’en prenait pas exclusivement aux Juifs, mais aussi aux communistes, aux socialistes, aux libéraux, aux démocrates, aux francs-maçons, aux prolétaires, aux noirs, aux femmes, aux homosexuels, aux catholiques, aux Anglais, aux Français, aux Américains, aux Arabes… Certes les Juifs étaient sa cible de prédilection, mais, à certains moments, on a l’impression qu’il aurait pu prendre n’importe qui comme bouc émissaire.

    Il accuse le communsime d’être un des pires maux des temps modernes. Il le rattache à la « conspiration juive internationale » décrite dans Les Protocoles des sages de Sion (livre qui est un faux). A son retour d’un voyage en Union Soviétque en 1937, il écrivit ceci : « Le Russe est un geôlier-né, un Chinois raté, tortionnaire. Le Juif l’encadre parfaitement. Rebut d’Asie, rebut d’Afrique. […] Ils sont faits pour se marier. » […] Ensemble, les communistes et les Juifs ont « drogué » le prolétariat afin d’aiguiser sa haine et sa cupidité. […]

    Dans son esprit, les marxistes et les libéraux sont les traîtres par excellence, mais derrière eux, orchestrant leurs activités, on trouve toujours les Juifs. Les frans-maçons sont les « chiens volontaires des Juifs, goinfresses en toutes poubelles, en tous déchets juifs » ; « Les Juifs sont nos maîtres : ici, là-bas en Russie, en Angleterre, en Amérique, partout ! » Les Juifs infiltrent les mouvements révolutionnaires, accordent le droit de vote aux ignorants, empoisonnent les relations entre la main d’oeuvre et le patronat, contraignent les riches à s’endetter, multiplient les crises économiques, réduisent les nations à l’esclavage, engendrent la faim et les privations. Les Juifs contrôlent tous les leviers essentiels du pouvoir. Tous les trusts français, tous les journaux français, toutes les banques françaises appartiennent aux Juifs. Il n’y a que le travail qui soit aryen. La Sorbonne est devenue un ghetto, une « synagogue en surpression », tandis que l’art, qui ne devrait être « rien que Race et Patrie », est aussi sous la coupe des Juifs.

    Selon lui, Joseph Staline, Franklin Roosevelt ( « Rosenfeld »), Neville Chamberlain et même le pape (qui s’appelle en réalité « Isaac Ratisch ») sont tous juifs. Il déclara en 1937 que les Juifs essayaient d’entraîner la France dans une guerre contre l’Allemagne : « Que veulent-ils, les Juifs, derrière leur baragouin socialistico-communiste ? […] Qu’on aille se faire buter pour eux. […] Qu’on aille, nous, faire les guignols devant les mitrailleuses d’Hitler. Pas autre chose ! » « Toutes les guerres, toutes les révolutions ne sont en définitive que des pogroms d’Aryens organisés par les Juifs. » Prétendre que les Allemands détestent Hitler, que le racisme est de la sauvagerie, qu’une « bonne guerre » contre l’Allemagne profiterait à la France, c’est avaler la propagande de la « grande enculerie française maçonnico-talmudique ».

    Il explique que les Juifs sont des sodomites brutaux, des fornicateurs sans retenue, « hybrides afro-asiatiques, un quart ou à moitié nègres et métèques ». « Les Juifs, racialement, sont des monstres, des hybrides loupés, tiraillés, qui doivent disparaître. […] Le Juif n’a jamais été persécuté par les Aryens. Il s’est persécuté lui-même. Il est le damné de sa propre substance, des tiraillements de viande d’hybride. […] Les Youtres c’est comme les punaises. […] Quand t’en prends une seule dans un plume, c’est qu’elles sont dix mille à l’étage ! Un million dans toute la crèche. […] Ohé ! Oyez la Juiverie ! […] Je vous entend branler ! fouiller ! foutriquer vos poubelles ! […] Plus vils que le banc des rhinos dans la fiente en panique ! » Il juge l’antisémitisme de l’Action Française trop tiède, trop « feutré », trop littéraire : « Si vous voulez dératiser un navire, dépunaiser votre maison, vous n’allez pas dératiser à demi, dépunaiser seulement votre premier étage ? Vous seriez certains d’être envahis dans un mois, par dix fois plus de rats, vingt fois plus de punaises. »

    Ses envolées contre les Juifs expriment beaucoup de craintes et aussi une jalousie de nature sexuelle. D’après lui, les Aryens sont souvent violés par des Juifs dominateurs ; quant aux Aryennes, elles trouvent les Juifs particulièrement attirants. Les Juifs exercent la même fascination sexuelle sur les femmes que les Noirs : « La femme est une traîtresse chienne née. […] La femme, surtout la Française, raffole des crépus, des Abyssins, ils vous ont des bites surprenantes. ». Ainsi, dans l’univers mental de Céline, la misogynie et le racisme se renforcent mutuellement. […]

    Une des grandes caractéristiques de la pensée de Céline est sa fierté d’être un réaliste dur, son mépris pour tout ce qui a un relent d’hypocrisie victorienne, de sensibilité humanitaire ou de tendresse libérale. […] Céline présente son antisémitisme comme une forme de bravoure personnelle, une preuve qu’il a plus de « couilles » que la plupart des écrivains de son temps. Ce genre de virilité est caractéristique des fascistes : elle ne tient pas compte de la douleur qu’elle inflige, ou qu’elle espère infliger aux victimes. Pour Céline, la compassion est faiblesse et la brutalité est force. Etre faible, c’est courir le risque de se faire sodomiser par le Juif ou d’être réduit en esclavage par le marxiste. […]
    Robert Soucy,
    Fascismes français ? 1933-1939, Mouvements antidémocratiques,
    Collection Mémoires, Editions Autrement, 2004,
    pp 415-420

    ci-dessus

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 17:42

  37. @ alithia

    J’ai aucune difficulté à admettre que la préface d’Alain Corbin et l’avant-propos de Frédéric Mitterrand ne sont pas du tout adaptées à l’esprit de commémoration, encore moins quand il s’agit d’une commémoration de Céline.

    Cependant,le professeur Godard, lui, dans sa notice avait d’entrée posé la problématique d’une célébration de Céline.

    Il se trouve qu’aujourd’hui c’est son texte qui est supprimé, alors que l’avant-propos et la préface figurent toujours sur le recueil. Elles font toujours dans le lyrique et l’édifiant. Ce qui, à mon avis, n’est pas en phase avec l’esprit des CC, mais en revanche est tout à fait en phase avec l’esprit histoire officielle, policée, registre com d’Etat.

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 17:45

  38. Je me corrige…

    Je n’ai aucune difficulté à admettre que la préface d’Alain Corbin et l’avant-propos de Frédéric Mitterrand ne sont pas du tout adaptés…

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 17:47

  39. @ lambertine

    Je ne suis pas non plus agrégée, mais « Voyage au bout de la nuit « , indéniablement, a représenté une rupture considérable dans l’histoire de la littérature française. Céline a été reconnu comme un écrivain de premier plan dès la parution de ce livre en 1932.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Voyage_au_bout_de_la_nuit

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 17:53

  40. L’expression de la position du ministre de la culture, retirant Celine de la célébration
    « Bien sûr, Céline a toute sa place parmi les gloires de la littérature, c’est pour cela qu’il est à la Pléiade, mais il n’a pas sa place parmi les célébrations nationales qui ne consacrent ni le génie ni le talent, mais les valeurs de la République, qui requièrent le consensus. »

    Sur ce point, de considérer Celine comme une gloire nationale digne d’être honoré par la République, il n’y a pas consensus et cela seul suffit. Ce qui ne retire rien à son talent d’écrivain, au final, car cela n’a rien à voir.

    @Véronique

    Pas adaptés les textes d’intro, certes, c’est un euphémisme . Mais adaptés ou pas mais c’est sous ces présupposés et dans ce cadre que se font les célébrations associant l’oeuvre, la vie et la personne pour en faire un modèle, une gloire nationale, digne d’admiration. Ils auraient pu y réfléchir à deux fois, au comité, sur leur présupposé d’une platitude consternante posant la coïncidence entre vie et oeuvre et sur leur désir d’agiographie et de modèles et ils auraient pu lire ou relire les attendus de ces fameuses célébrations avant de se lancer dans la célébration de Celine [ pour le ministre et pour le Pr Godard, dont je n’ai pas vu le texte . Avez-vous les références ?]

    @Aliocha

    Encore plus courageux, moi je ne suis pas d’accord avec votre titre ni avec la proposition que l’homme est un salaud. Juste Celine et qq autres.

    Aliocha : il n’est pas de crime dont je ne me sente capable, écrivait Goethe, sauf erreur de ma part. Sollers demandait hier sur un plateau de télévision ce que c’était qu’un génie de la littérature. Personnellement, je lui aurais répondu, c’est un écrivain qui porte le monde en lui, qui le sait et qui l’exprime. Shakespeare, Balzac, Dostoievski, Proust, Céline…. Ceux-là éprouvent tous les sentiments, se sentent capables de tous les crimes, rien de ce qui est humain ne semble leur être étranger et c’est ce qui leur permet de renvoyer dans leur oeuvre une image si juste du monde. Céline a décrit son époque parce qu’il était son époque, qu’il avait rencontré et absorbé la folie du 20ème siècle. Pour le reste, c’est facile, n’est-ce pas, de croire qu’il n’y a qu’une poignée de salauds sur terre. J’envie vos certitudes. En ce qui me concerne, à chaque fois par exemple que je suis en colère, je mesure que la violence qui fait basculer du côté des salauds et des criminels n’est qu’une question de degré. Croyez-moi, ça rend modeste quand il s’agit ensuite de juger les autres.

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 18:23

  41. Aliocha

    au comm 37 j’essayais de distinguer la capacité à faire le pire et le fait d’être effectivement un fiéffé salaud, et cette capacité à la violence et à la haine, si tous l’ont, tous ne l’accomplissent pas ni tout le temps de sorte que je ne dirais pas « l’homme est un salaud ».

    L’homme est capable du meilleur comme du pire, il n’est pas condamné au pire.
    Et cette capacité à faire le mal et à faire souffrir, si tous l’ont, tous ne l’accomplissent pas.

    Si tous sont capables d’être criminels, tous ne deviennent pas criminels.
    Et plus d’un écrivain écrit pour ne pas devenir criminel.
    Pas Celine.

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 19:02

  42. @ alithia

    Honnêtement, je ne pense pas que pour le comité chargé d’établir la liste des anniversaires il y a avait l’idée de faire de Céline une gloire nationale. Je pense plutôt que c’est dans l’avant-propos et dans la préface qu’il convenait de mentionner ce que Alain Finkelkraut appelle l’héritage contradictoire de Céline.

    Les références:

    avant-propos

    http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/recueil-2011/avant-propos/

    Texte de Henri Godard dans la brochure initiale des Célébrations nationales:

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/24/celine-emerge-comme-un-des-grands-createurs-de-son-temps_1469806_3232.html

    Commentaire par Véronique — 26/01/2011 @ 19:29

  43. Dans le métro souvent elle lisait Coelho
    ou bien encore Pennac et puis Christine Angot
    Elle les trouvait violents, étranges et dérangeants
    Brutalement provocants, simplement émouvants

    Elle aimait que les livres soient de la dynamite…

    Aliocha : Muray bien sûr ! Tiens, au fait, vous l’avez trouvé où ? Luchini l’a lu mais je ne crois pas que ce soit dans mon volume à 2000 pages…

    Commentaire par VilCoyote — 26/01/2011 @ 21:32

  44. Un grand créateur, certainement, mais le même Henri Godard écrivait en 1994 dans sont texte « Celine scandale », « Céline s’est mis à jamais hors de toute consécration officielle. »

    Commentaire par alithia — 26/01/2011 @ 22:09

  45. En effet, il n’est pas dans les « Essais », et on en trouve sur le Net que des fragments (http://www.artmony.biz/t3358-philippe-muray par exemple) mais cette vidéo de Luchini permettra de revivre la vie trépidante de la bécasse (quelques morceaux manquent cependant, il me semble) : http://www.dailymotion.com/video/xg1nju_luchini-lit-tombeau-pour-une-touriste-innocente-de-muray_news

    Aliocha : Génial, merci, je l’avais cherché partout après le spectacle !

    Commentaire par VilCoyote — 26/01/2011 @ 22:54

  46. @ Véronique

    J’ai bien évidemment consulté le site des Célébrations nationales.

    Je suis d’accord : Klarsfeld a joué à fond sur la notion de célébration. A titre personnel, je pense qu’il agit depuis quelque temps avec exagération, faisant feu de tout bois. Il ne doit plus trop y avoir de nazis originels à chasser et il faut bien qu’il s’occupe…
    En même temps, la perche lui fut tendue. Le ministère de la Culture, malgré les précautions qu’il a prises et que je rappelais précédemment, a donné le bâton pour se faire battre.

    Je suis aussi d’accord pour dire que Frédéric Mitterrand n’aurait pas du se laisser faire et recadrer les choses plutôt que battre en retraite. Il se serait honoré de déclarer quelque chose comme : « Nous ne célébrerons pas Céline, nous le commémorerons pour rappeler l’écrivain antisémite qu’il était, ayant sévi lors des pires heures que la France ait connues, ayant soutenu le régime de Vichy, ayant appelé à l’extermination des Juifs et encouragé les exactions, et blablabla blablabla ».

    @ Alithia

    Je suis en désaccord sur un point : Quand vous décrivez Céline de « plus collaborateur ».

    Un type comme Brasillach, dont l’antisémitisme fut aussi violent que celui de Céline, était certainement un collaborateur bien pire que Céline, car beaucoup plus actif. Céline n’était ni Doriot, ni Darnand, ni Laval ni Henriot, tous exécutants du régime de Vichy et responsables des rafles, de la déportation et de toutes les horreurs commises. Céline, un des pires antisémites, sans aucun doute. Le pire collaborateur, certainement pas.

    (je précise que cela n’exonère en rien Céline, avant que vous me bombardiez de pots de confiture. Je sens bien que vous êtes remontée, là. 😉 )

    @ Aliocha

    Je crois que c’est Gide, et non Goethe, l’auteur de la citation que vous rappelez : « Il n’y a pas de grands crimes dont un homme intelligent ne se sente capable. » (à vérifier, toutefois).

    Je vous rejoins sur le principe que chacun a en lui le potentiel, la capacité, d’être un salaud. Effectivement, rien de plus lucide et honnête que dire « En ce qui me concerne, à chaque fois par exemple que je suis en colère, je mesure que la violence qui fait basculer du côté des salauds et des criminels n’est qu’une question de degré. »

    C’est ce qui fait les crimes passionnels, le coup de folie meurtrier, le déchainement de violence. Voire pire, le crime prémédité. Qui n’a jamais envisagé de faire souffrir, sous l’effet de la douleur et/ou de la colère, ne serait-ce que pour se venger ? Voire conçu des plans machiavéliques pour regretter ensuite (on l’espère) d’avoir commencé à planifier une méthode pour faire souffrir autrui.

    Cette aptitude au mal est indéniable. Le reste est affaire de moyens qu’on se donne et dont on dispose, d’opportunités qui s’offrent à nous et qu’on crée et de limites qu’on s’impose. Ou pas.

    Aliocha : Céline le pire des antisémites ? A mon avis ça se discute. N’oubliez pas que c’est un agité, un anarchiste, un provocateur. Il suffit de voir ses interviews pour mesurer la capacité qu’il avait à raconter n’importe quoi, à se foutre ouvertement de la gueule du monde, à éructer contre tout et tout le monde. Que ses pampphlets fassent partie des pires choses jamais écrites, c’est très possible quoique je n’y connaisse rien à ce type d’écrits. En déduire qu’il était un des pires antisémites, c’est aller un peu vite en besogne. Son délire total incite quand même à se poser des questions sur la nature réelle des pamphlets et le but poursuivi. Non ?

    Commentaire par Ferdydurke — 27/01/2011 @ 10:16

  47. Oups… Lire : Quand vous décrivez Céline de comme « plus collaborateur ».

    Commentaire par Ferdydurke — 27/01/2011 @ 10:18

  48. Certes Ferdydurke mais sur internet on lit trop vite, car je n’ai pas comparé Celine à Doriot ou Laval, qui étaient des politiques, des hommes d’action et à ce titre avaient des responsabilités différentes de celles d’un écrivain dont la responsabilité est dans l’ordre des idées. Et les idées ce n’est pas rien.

    Brasillach, bien sûr, mais ce n’était pas un écrivain de l’envergure de Celine.

    Pour Celine, je parlais des écrivains : Il a sans doute été, de tous les écrivains de cette époque, le plus salaud, le plus antisémite, le plus collaborateur, ou parmi les pires au sein des pires.

    Tout de même ne peut-on dire de Celine qu’il fut parmi les pires au sein des pires ?

    Commentaire par alithia — 27/01/2011 @ 10:49

  49. @ Ferdydurke

    « Nous ne célébrerons pas Céline, nous le commémorerons pour rappeler l’écrivain antisémite qu’il était, ayant sévi lors des pires heures que la France ait connues, ayant soutenu le régime de Vichy, ayant appelé à l’extermination des Juifs et encouragé les exactions, et blablabla blablabla ».

    D’un point de vue des faits historiques, je ne pense pas que Céline ait soutenu le régime de Vichy, ni appelé à l’extermination et encouragé les exactions. En tous les cas certainement pas de la façon aussi simple, rudimentaire et rapide dont vous le traduisez.

    Et très franchement, je n’ai pas une connaissance suffisante, même minimum, des écrits incriminés pour le dire, ni plus générale de Céline et de l’histoire de la collaboration intellectuelle.

    Je pense que la façon dont Le Monde pose les tenants et les aboutissants de l’affaire de la suppression de Céline est assez complète. Avec en prime la conclusion que je trouve d’une très grande justesse:

     » Mais arrêtez ce bruit autour de Céline, conclut Constance Debré, l’auteur de « Bagatelles » est devenu l’écrivain des bobos… »

     » Exclure Louis-Ferdinand Céline ?

    Editeur de nombreuses oeuvres de Céline dans « La Pléiade », Henri Godard avait rédigé la notice qui devrait figurer dans le « Recueil des célébrations nationales 2011 », finalement retirée par le ministre de la culture. Outre la réaction de M. Godard, nous publions le texte de sa notice, ainsi qu’une tribune de Patrick Kéchichian, journaliste et ancien chef adjoint du « Monde des livres ». Mais aussi cinq autres points de vue. Pour Pierre Lainé, Céline est un écrivain plus nuancé qu’on ne le pense. Si on devait censurer « les écrivains français conus pour leur antisémitisme, dit-il, il faudrait évoquer Voltaire, Gide, Genet ». En effet, ajoute Paul Giacobbi, la France de la repentance s’est ridiculisée. La France des batailles culturelles a reculé au profit de celle de la censure. Frédéric Mitterrand a préféré la facilité, l’esquive et la lâcheté. Censurer Céline après les pressions de Serge Klarsfeld nous confine au stalinisme littéraire, écrit David Alliot. Mais ce n’est pas la première que la République célèbre Céline, pourquoi l’interdire aujourd’hui ? Ce qui compte, leur répond Frédérique Leichter-Flack, c’est que cette manière de formuler le problème – en opposant l’écrivain brillant à l’antisémite convaincu – « n’est pas seulement fausse, elle témoigne surtout d’une lecture dangereuse pour nous tous ». Mais arrêtez ce bruit autour de Céline, conclut Constance Debré, l’auteur de « Bagatelles » est devenu l’écrivain des bobos… »

    Commentaire par Véronique — 27/01/2011 @ 12:04

  50. Presque HS, mais pas trop : sur l’un des méchants les plus connus de la littérature anglaise du XIXe (et juif comme il se doit) : http://www.amazon.fr/Fagin-juif-Will-Eisner/dp/2847894934

    Commentaire par Gwynplaine — 27/01/2011 @ 12:12

  51. @ Alithia

    Je ne dis pas que les idées ce n’est pas rien, bien au contraire mais seulement et exactement comme vous le dites, qu’une responsabilité de l’ordre des idées n’est pas la même qu’une responsabilité de l’ordre des actes : Tous les antisémites ne furent pas nécessairement des collaborateurs. Fort heureusement pour les cibles et les victimes de la collaboration, beaucoup d’antisémites ne passèrent pas à l’acte.

    Donc oui, Céline un des pires écrivains antisémites, mais pas le « plus collaborateur » et pour être honnête, qu’il ait été le pire des antisémites ou pas, je m’en fous quand même pas mal : il le fut, qui plus est jusqu’à sa mort. Point.

    (je ne crois donc pas vous avoir lu trop vite)

    @ Aliocha

    J’ai dit « un des pires antisémites » pas « le pire antisémite« . je vous accorde toutefois que j’aurais du être plus précis en disant « un des pires écrivains antisémites ».

    Deuxième point. Céline, anarchiste…

    Cela se discute et fait d’ailleurs souvent débat au sein de la mouvance anarchiste. Sa position individualiste est souvent mise en avant pour l’associer à l’anarchisme. Toutefois, l’individualisme anarchiste n’a pas la connotation égocentrique ni le côté « seul contre tous » qu’on prête habituellement à l’individualisme, l’antisémitisme est rarement compatible avec l’anarchisme, tout comme n’est pas compatible le soutien à un pouvoir autocratique.
    Je crois d’ailleurs qu’il faudrait s’entendre sur les définitions à donner de l’anarchisme et de l’anarchie. Pour rappel, selon wikipedia, l’anarchie, du grec αναρχία -anarkhia-, du an-, préfixe privatif : absence de, et arkhê, commandement, ou « ce qui est premier », désigne la situation d’une société où il n’existe pas de chef, pas d’autorité unique. Il peut exister une organisation, un pouvoir politique ou même plusieurs, mais pas de domination unique ayant un caractère coercitif.

    Cela ne se résume donc pas aux clichés du désordre, de la désorganisation, de l’agitation, et cetera. Du moins pas comme objectif, mais comme moyens. Moyens que les anarchistes ne sont d’ailleurs pas les seuls à employer quand il est question de renverser un régime en place, soit dit en passant.

    Ensuite… Céline provocateur, sans aucun doute. Agité, bien sûr. Individualiste et en révolte permanente, itou.

    So what ?

    Prenez Antonin Artaud et ce bon vieux Charles Bukowski (que j’adore). En voici deux autres agités, provocateurs, et cetera. Totalement fêlé pour le premier, le plus souvent complètement bourré pour le second. Tous les deux vivant à la marge des normes établies voire de la société, et parfois au-delà. On peut tenir à leur sujet le même discours que le vôtre au sujet de Céline : « Il suffit de voir ses interviews pour mesurer la capacité qu’il avait à raconter n’importe quoi, à se foutre ouvertement de la gueule du monde, à éructer contre tout et tout le monde »

    Or, eux cognèrent sur tout ce qui passait à leur portée, sans distinction, et on ne les a pas entendus soutenir un régime ou une idéologie. Loin de là. Contrairement à Céline, qui de plus choisissait ses cibles. La provocation et l’agitation ne constituent pas des arguments recevables quand elles sont sélectives.

    Enfin, il y a la personnalité et les actes. Etre la plus déjantée des personnes ou totalement taré ne dégage pas de toute responsabilité, même en justice. Si l’on place en psychiatrie des individus souffrant d’une pathologie les ayant conduit à commettre un crime, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont dédouanés. Il n’y a que leur responsabilité pénale qui est peu ou prou atténuée. Tout malades, donc êtres souffrants qu’ils sont, ils n’en sont pas moins les auteurs d’actes pudiquement qualifiés de dommageables.

    PS : « l’empire du bien », l’ « aptitude au mal » et ce que vous évoquez dans vos réponses aux com’ m’ont fait me rappeler un excellent thriller, la plupart du temps en huis clos, prenant, avec des scènes dures (mieux vaut le préciser), superbement interprété, en particulier par Carrie Ann Moss et Samuel L. Jackson : Unthinkable

    (merci de ne pas tomber dans le jugement hâtif et péremptoire « Ah ! Encore un film avec un vilain terroriste et de bons américains, et cetera ». Les thèmes abordés sont classiques mais l’approche est plus subtile que cela et c’est justement ce qui fait l’intérêt du film.)

    Commentaire par Ferdydurke — 27/01/2011 @ 12:46

  52. @ Véronique

    Dès l’instant où Céline, dans ces écrits, participe à la stigmatisation des Juifs, à une époque où les régimes qui les pourchassent et les exterminent emploient le même ressort de la stigmatisation, il apporte son soutien à ces régimes et à leurs « politiques ». Aujourd’hui, cela se qualifierait probablement en incitation à la haine raciale, religieuse, et cetera. Non ?

    Si j’en crois wikipedia (désolé, Alithia), il a reproché à ses organisateurs l’absence de « Bagatelle pour un massacre » et de « L’école des cadavres » dans l’exposition « Le Juif et la France ».

    Toujours selon wikipedia, « Céline exprime ouvertement son soutien à l’Allemagne nazie. Lorsque celle-ci entre en guerre contre l’Union soviétique, en juin 1941, il déclare : « pour devenir collaborationniste, j’ai pas attendu que la Kommandantur pavoise au Crillon… On n’y pense pas assez à cette protection de la race blanche. C’est maintenant qu’il faut agir, parce que demain il sera trop tard. (…) Doriot s’est comporté comme il l’a toujours fait. C’est un homme… il faut travailler, militer avec Doriot. (…) Cette légion (la L.V.F.) si calomniée, si critiquée, c’est la preuve de la vie. (…) Moi, je vous le dis, la Légion, c’est très bien, c’est tout ce qu’il y a de bien.  »

    Si cela n’est pas l’expression explicite d’un soutien au régime de Vichy et au nazisme, je veux bien me faire curé (en charge des confessions féminines, bien sûr) !

    « Mais arrêtez ce bruit autour de Céline, conclut Constance Debré, l’auteur de « Bagatelles » est devenu l’écrivain des bobos… »

    Oui. C’était déjà le cas bien avant que le terme de « bobo » soit inventé. Comme tout provocateur, transgresseur, Céline, à l’image des Lautréamont, Rimbaud, Artaud, Bukowski, Gainsbourg, et tant d’autres, séduit : Les filles en mouillent leurs culottes et les garçons se prennent pour d’intrépides révoltés…

    Et ?

    Parce qu’il est l’écrivain des bobos, dont la vie est ordonnée au millimètre, qui se plaisent à se croire transgressifs parce qu’ils portent « Bagatelle pour un massacre » bien en vue dans leur poche à côté de leur iphone, il faudrait cesser de parler de Céline l’antisémite et de rappeler l’antisémitisme de Céline ?

    L’argument est faible.

    Commentaire par Ferdydurke — 27/01/2011 @ 13:11

  53. @ Ferdydurke

    Je n’ai pas écrit que Céline n’avait pas soutenu l’idéologie nazie. J’ai écrit que je ne possède pas une connaissance suffisante pour avoir un point de vue fiable et crédible sur la question.

    Après, il y a toute la question de la responsabilité d’un écrivain. Je pense que la responsabilité de Céline est évidemment engagée quand par ses écrits il relaye et banalise une idéologie de stigmatisation, de haine et de mort. Qui plus est, à un moment où rien ne protége ceux qui sont en victimes. On me répondra que « Bagatelles pour un massacre » est publié en 1937 ou 1938 (je ne sais plus). Cependant, il est réédité en 1942 et en 1943.

    L’histoire des bobos: c’est sûrement un peu court, mais je trouve la réflexion de CD très bien vue.

    Après tout, nous avons notre ministre de la Culture qui dit lire et relire Céline, de même que notre président, paraît-il, ne tarit pas d’éloges à son sujet. Nous avons même ses conseillers qui se vantent de lui avoir offert pour un Noël une lettre manuscrite de Céline.

    Ce qui est insupportable est le fait que ces bobos-là estiment que Céline doit être interdit de commémoration, sous-entendu, eux, peuvent faire la différence et glosser des heures et des heures sur Céline, tandis que la société est forcément incapable de faire la différence entre célébration et commémoration et de distinguer l’écrivain antisémite de l’auteur du  » Voyage au bout de la nuit « .

    c’est en ce sens que je pense que CB a parfaitement bien résumé l’hypocrisie officielle.

    Commentaire par Véronique — 27/01/2011 @ 13:47

  54. Ferdy, vous continuez de ne pas tenir compte suffisamment à mon avis du côté provocateur de Céline. Il a tout fait pour devenir un maudit, et notamment embrasser des causes qu’à mon avis il a très vite identifiées comme « maudites ». N’oubliez pas que c’était un homme très cultivé, il avait tout lu ou presque. Il ne faut donc pas le sous-estimer. Le tissu d’âneries immondes contenu dans les pamphlets doit évidemment être condamné. Mais ça n’empêche pas ensuite d’essayer de comprendre un peu plus loin. Personnellement, je ne peux pas imaginer un seconde qu’il ait pu croire aux conneries qu’il écrivait. C’est bien ça d’ailleurs qui dérange les céliniens à mon avis. Comment un type aussi brillant a pu déblatérer de telles horreurs. J’ai cotoyé des fachos à Assas. Même le plus crétin, bac -5 nourri à la bière et à la mytho nazie ne sortait pas de telles débilités caricaturales.C’est donc bien qu’il y a autre chose dans ces pamphlets que l’expression au premier degré d’un antisémitisme aussi virulent que débile.

    Commentaire par laplumedaliocha — 27/01/2011 @ 14:44

  55. « Il a tout fait pour devenir un maudit, et notamment embrasser des causes qu’à mon avis il a très vite identifiées comme « maudites « .

    En même temps, Aliocha, il y a quelque chose de dérangeant dans cette religion d’un Céline maudit et sulfureux. En ce sens aussi il a tout pour plaire aux bobos.

    PS: une correction dans mon post adressé à Ferdydurke
    …eux, peuvent faire la différence et gloser des heures et des heures sur Céline.

    Aliocha : vous n’empêcherez jamais un tripotée de cons de poser leur cul le dimanche sur les chaises du Flore où se sont assis avant eux quelques-unes de nos gloires littéraires en pensant que l’intelligence va les irriguer par capillarité 😉 Qu’est-ce que ça peut faire que Céline plaise aux bobos, franchement ? Depuis que le monde est monde, il y a des gens qui aiment l’art et des gens qui font semblant de l’aimer pour se donner une posture. On n’y peut rien. Et les artistes pris en otage dans cette comédie sociale n’en sont pas responsables.

    Commentaire par Véronique — 27/01/2011 @ 14:52

  56. « Qu’est-ce que ça peut faire que Céline plaise aux bobos, franchement ? »

    Mais rien du tout… sauf que qu’en la personne du ministre de la culture, c’est une icône boboïste qui se pique d’interdire la commémoration de Céline.

    http://www.lexpress.fr/culture/livre/quand-sarkozy-celebrait-celine_954362.html

    Commentaire par Véronique — 27/01/2011 @ 15:13

  57. Aliocha, en com 41.
    Très très belle défense de Céline, empreinte de cet humanisme lucide, modeste et pourtant exigeant où on vous reconnait totalement, Aliocha.

    Commentaire par Tocquevil — 27/01/2011 @ 16:37

  58. En réponse à Véronique comm 50

    sur les faits historiques, bien sûr que si Celine a soutenu, ouvertement, explicitement, le nazisme et l’extermiantion des juifs, et pas Vichy en effet car il reprochait au régime d’être trop bon avec les juifs et de ne pas les exterminer.

    quelques citations :

    « Deux millions de boches campés sur nos territoires pourront jamais être pires, plus ravageurs, plus infamants que tous ces Juifs dont nous crevons. »
    « Je le dis tout franc, comme je le pense, je préférerais douze Hitler plutôt qu’un Blum omnipotent. »
    « Aucune différence, je déclare, entre la paix juive et la paix allemande… Et je préfère la paix allemande n’importe quand. »
    « S’il faut des veaux dans l’Aventure, qu’on saigne les Juifs : c’est mon avis ! Si je les paume avec leurs charades, en train de me pousser sur les lignes, je les buterai tous et sans férir et jusqu’au dernier ! C’est la réciproque de l’Homme ! »
    « Nous n’avons rien à perdre… Les boches au moins, c’est des blancs. »

    Celine reprend tous les thèmes des Protocoles des Sages de Sion (conquête du monde et tout le reste).

    Dans une lettre au Docteur W. Strauss : « Je viens de publier un livre abominablement antisémite, je vous l’envoie. Je suis l’ennemi n°1 des juifs  »

    C’est lui qui le dit.

    Je pense qu’il est inutile de multiplier.

    Voyez aussi le texte de R. Soucy cité en comm 37, ça donne une petite idée de ses proclamations et conceptions.

    Céline interrompt la rédaction de Guignol’s band pour se lancer dans la rédaction de ses pamphlets, qui ont un immense succès.

    C’est pourquoi l’argument de je ne sais quelle « opinion » du Monde est inacceptable qui soutient que :

    Si on devait censurer « les écrivains français conus pour leur antisémitisme, dit-il, il faudrait évoquer Voltaire, Gide, Genet »

    Car c’est faire abstraction du contexte, ce qui change énormément. Ecrire cela sous sous le nazisme a un autre caractère que l’antisémitisme d’un Voltaire ou d’un Genet. Appeler à l’extermination au moment de l’extermination est tout autre chose que l’antisémitisme « ordinaire » , en effet très répandu, mais là on est au moment du passage à l’acte, d’une part.
    D’autre part : dans une époque où l’antisémitisme est lâché, orchestré, encouragé, où on a affaire à un antisémitisme d’Etat, cesser d’écrire de la littérature pour se lancer dans la propgande qui sert une oeuvre d’anéantissement, cela dépasse largement l’antisémitisme « ordinaire » et c’est participer à l’oeuvre d’extermination, à la mesure de ses moyens, càd avec sa plume.

    Du reste si lesdits pamphlets ne sont pas réédités depuis c’est que Celine n’a pas voulu leur réédition, et sa veuve s’y est opposée, comme lui, jusqu’à sa mort.

    Enfin dernier sophisme parmi ces « opinions » des défenseurs de la célébration de Celine : ils crient à la censure.

    Il est triste que les arguments des défenseurs de la célébration de Celine soient de si mauvais arguments, prétendant à une soi-disant censure de l’oeuvre, ignorant l’histoire, minimisant l’importance et la profondeur de son implication, relativisant la participation de Celine à l’extermination : il n’y a pas trempé ses mains, non, il y a trempé sa plume. Et les idées, ça n’est pas rien. Il me semble que le régime nazi était aussi un régime de propagande.

    Et pour finir il aurait fait dans la provocation pour qu’on parle de lui au Flore ! Je rêve ?
    Et tout cela, cette haine et cette loghorrée antisémite, banalisé, minimisé, mesuré à l’aune du « critère » du ridicule en lâchant le terme bobo.

    C’est petit de transformer cette affaire en farce et de chercher à tourner en ridicule le fait que la République n’a pas forcément à contribuer à faire oublier l’histoire (de textes plus jamais réédités depuis et qui jugent l’homme, que presque personne ne connaît et qui ne seraient pas cités dans la célébration, donc) car ce ne serait que les faux intellos bobos qui…

    Il me semblait qu’on parlait d’une célébration officielle de l’Etat français.
    Et on ne s’en tirera pas en résumant la question du talent, du génie même, mis au service de l’immonde, et le gênant de cette conjonction, par une pirouette qui ne fait que peindre cette rencontre en ridicule et pose grotesque d’un Celine qui finalement, ne serait qu’un facétieux et ses lecteurs des snobs risibles.

    Et le moindre des paradoxes n’étant pas que cette célébration officielle de l’Etat fait appel à l’un de ses lecteurs de premier rang Henri Godard qui écrivait : « Céline s’est mis à jamais hors de toute consécration officielle. »

    Commentaire par alithia — 27/01/2011 @ 19:16

  59. @ alitha

    Je n’ai aucune leçon à recevoir de vous. J’ai été la compagne pendant onze ans d’un homme qui, jeune garçon pendant l’Occupation a porté l’étoile jaune, a vu son père arrêté et l’a perdu à tout jamais massacré par les nazis.

    Je suis parfaitement d’accord avec vous pour dire que l’esthétique supposée de l’écriture de Céline dans ses pamphlets ne peut pas être lue et regardée comme une simple figure stylistique sans conséquence.

    Cependant, je pense que la suppression de Céline des  » Célébrations nationales  » est une grave erreur de la part du ministre de la Culture.

    Commentaire par Véronique — 27/01/2011 @ 20:29

  60. Autrement plus pertinent et aigu que ces « opinions », voir Michel Crepu dans Libé qui plaide pour la publication de la totalité de l’oeuvre de Celine pour s’affronter vraiment à ce que disent ses écrits, tous ses écrits

    « Céline n’est pas tantôt abject, tantôt sublime. Il est les deux, d’un même mouvement. On a en même temps la lucidité implacable sur la vérité nihiliste de notre temps et son aveuglement sur cette même vérité nihiliste. […] la volte-face ministérielle, toute préoccupée qu’elle soit d’éviter la polémique, ne fait qu’en alimenter une autre, bien plus forte et décisive. Certes, il est plus facile d’applaudir aux indignations de M. Hessel qui, coiffé de son bonnet phrygien, caracole de télévision en télévision, sa détestation d’Israël sous le bras. Or lire Céline, le lire vraiment à fond, c’est entrer dans l’intelligence de la boîte noire d’un siècle dont nous sommes les héritiers aveugles. Voilà qui pourrait être l’objet d’une commémoration et non d’une absurde célébration nationale. »

    http://www.liberation.fr/livres/01012315886-celine-abject-et-sublime-a-la-fois

    Commentaire par alithia — 27/01/2011 @ 23:06

  61. @ Véronique,

    Il faut comprendre ce que sont les « célébrations nationales ». C’est une sorte de temple civique où on commémore nos fiertés nationales dans le domaine littéraire dans un esprit de célébration de ce qui a fait la grandeur de la France dans le domaine artistique et littéraire.

    Ca vaut ce que ça vaut, mais ça fait partie de cet attirail de rituels que l’Etat a mis en place pour perpétuer l’idée nationale et l’idée de sa construction permanente par de grands hommes. Et ça s’organise aussi autour de l’idée de fierté. Pour faire partie des heureux élus, l’impétrant doit nous avoir laissé une œuvre qui nous remplit du sentiment d’être à la fois fiers de lui et fiers d’être français.

    Ou, si vous préférez: êtes vous prêtes à mettre les cendres de Céline à côté de celle de Victor Hugo au Panthéon? C’est tout simple et ce n’est rien de plus que cela.

    Maintenant je ne vous dis pas que Céline ne mérite pas de figurer parmi les grands auteurs.

    Commentaire par tschok — 28/01/2011 @ 12:57

  62. @ tschok

    Je ne suis pas d’accord avec votre vision qui consiste à dire que l’objet des célébrations nationales serait d’édifier un roman national. La mission la délégation aux célébrations nationales n’est pas de créer des panthéons, ni de produire des images pieuses à l’usage de petits-enfants. Elle est de  » de veiller à la commémoration des événements importants de l’histoire nationale « . Ce n’est pas moi qui le dis, mais le ministère de la Culture lui-même.

    Commentaire par Véronique — 28/01/2011 @ 13:32

  63. Mais Véronique??

    Vous ne trouvez pas que « veiller à la commémoration des événements importants de l’histoire nationale » revient très précisément à édifier un « roman national » (à poursuivre son édification, puisque c’est une œuvre qui s’inscrit dans un continuum)?

    Je ne sais pas quelle est la part de négatif que vous mettez dans une telle expression, mais je suppose qu’il doit y en avoir une puisque vous distinguez la commémoration (positive: elle se rattache à la mémoire) et le roman national (négatif: il se rattache à l’imagerie d’Epinal).

    Il y aurait donc une partie noble, la commémo, très identitaire, et une partie vile, le roman national, plus orientée vers la vente des colifichets.

    Je ne ferais pas une telle distinction dans le cas présent. J’irais voir à l’intérieur de la catégorie commémo ce qui correspond à une identité assumée: pourquoi on assume Zola mais pas Céline? Attention, on ne vire pas Céline de la mémoire, il en fait partie, mais on ne le met pas dans le temple que la Naaation a édifié pour sacrer sa propre mémoire en tant que nation.

    Eh ben je vais vous le dire pourquoi: parce que, s’agissant comme son nom l’indique d’une célébration naaaationale, le contenu de l’œuvre litigieuse n’est pas compatible avec les valeurs de la république. Plus exactement, le caractère de l’œuvre rend difficile son appropriation par les systèmes de représentation mentale de notre belle Naaation républicaine.

    Ce n’est pas le fait que ce type soit un salaud qui nous dérange, non, non, non, du tout. Ce qui rend impossible son assimilation au bloc républicain, qui l’aurait volontiers absorbé tant son prestige littéraire est grand même sur un plan international, c’est le fait que ce type ait craché à la gueule de la république. On ne peut pas embrasser quelqu’un qui nous crache à la gueule (beurk!). Pourtant quand on roule une pelle à quelqu’un, on s’échange les mêmes microbes. Donc c’est pas l’hygiène qui fait la différence. C’est le geste. La république aurait bien aimé l’embrasser, mais c’est lui qui n’a pas voulu.

    Maintenant, comme on est politiquement correct, on a dit: c’est l’hygiène qui fait la différence. Céline est sale car il est antisémite. Donc exit. Tu parles! C’est ni le seul ni le pire.

    Mais le politiquement correct n’explique pas tout: se placer sur le terrain de l’hygiène est une façon symbolique de lui « faire un vent ». La république dit à Céline: « t’as pas voulu me rouler une pelle? Tant pis pour toi, et pis d’abord t’es sale, alors casse toi ».

    Ca va vous sembler surprenant cette histoire d’hygiène. Pourtant, regarder nos académiciens. Quelle est la première impression que vous donnent ces vieillards? Une impression de propreté. Même un Dutour me donnait l’impression d’être propre. Pas vous?

    En revanche, dès que je lis trois lignes de Céline, la saleté me saute au visage.

    Commentaire par tschok — 28/01/2011 @ 14:41

  64. @ tschok

    Je ne cherche pas à jouer sur les mots. Cependant, il me semble toujours utile dans une discussion de savoir de quoi on parle:

    1 – Il n’est dit nulle part dans l’objet des CN que celles-ci devraient être une vitrine des valeurs républicaines

    2 – Ce qui est commémoré ce n’est pas tel ou tel livre de Céline, ni Céline lui-même, mais le cinquantenaire de la mort de Céline.

    La question qui, a mon avis doit, être prioritairement posée:

    En quoi une commémoration du cinquantenaire de la mort de Céline est-elle irréductiblement incompatible avec la mission des Célébrations nationales telles quelles sont définies par le ministère ?

    Commentaire par Véronique — 28/01/2011 @ 15:31

  65. Mince, je corrige:

    …telles qu’elles sont définies par le ministère

    Commentaire par Véronique — 28/01/2011 @ 15:34

  66. C’est une question que nous pourrions fort bien nous poser autour d’une bouteille de champagne en célébrant nationalement le cinquantenaire de la mort de Céline, vous, moi et tous les adorateurs du sale, lors d’une cérémonie privée.

    Mais, le mettre en tête de ce petit défilé du 14 juillet que notre ministère de la culture organise pour tous les grands noms de la littérature ne sera possible que si on en fait une fête communautaire.

    Une fête communautaire permet d’exclure tout ceux qui ne sont pas d’accord. On est entre soi. Une fête nationale oblige au consensus. On est entre nous.

    Vous le voyez où vous le consensus avec Céline? Faire du soi avec Céline, no problem. Faire du nous est visiblement problématique. A partir de là, panthéon, roman national ou célébration nationale, peu importe. Plus de consensus, plus de commémo.

    Reste la bouteille de champagne. Il n’est pas dit qu’on y perde au change.

    Commentaire par tschok — 28/01/2011 @ 16:59

  67. @ tschok

    Pour votre colloque au champagne, ce sera sans moi: Céline ne figure pas dans mon panthéon, ni littéraire, ni personnel.

    Je comprends bien votre idée du consensus et du nous. Seulement, il se trouve que la suppression de Céline des CN ne fait pas non plus consensus.

    Je vous renvoie aux tribunes multiples qui dénoncent par exemple le fait pour un ministre de céder d’un coup d’un seul à l’exigence de Serge Klarsfeld.

    Exemple :

     » Si l’on en croit M. Klarsfeld, Céline est indigne d’être célébré par la République. Mais M. Klarsfeld oublie que cela à déjà été fait. En 2001, c’est la Bibliothèque nationale de France qui a préempté le manuscrit de Voyage au bout de la nuit. Ce sont également de nombreuses institutions publiques ou para-publiques qui accueillent ou favorisent les divers colloques et manifestations consacrés à l’écrivain. Dans ce cas, il faut aller au bout de la logique de M. Klarsfeld. Faut-il alors détruire les manuscrits qui dorment dans les collections publiques ? Faut-il interdire le prochain colloque qui aura lieu à la BPI du Centre Georges Pompidou (établissement public) ? Faut-il interdire à M. Luchini de produire ses lectures de Céline dans des théâtres publics, ou subventionnés par l’État ? Faut-il interdire les textes de Céline dans les manuels scolaires ?  » http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/27/guignol-s-gang_1470674_3232.html

    Ou plus proche, ici, par exemple cette objection d’Aliocha à la décision du ministre :

     » Et je me suis souvenu qu’il fallait à tout prix résister à l’empire du bien, à l’ère hyperfestive, à tout ce qui nous amène à penser de force que le mal est derrière nous. Non, nous ne marchons pas vers le meilleur. « 

    Commentaire par Véronique — 28/01/2011 @ 18:05

  68. @tschock

    Vous avez sans doute raison tschock, c’est pas le fait qu’il soit antisémite qui dérange la Nation et la République -là-dessus on peut encore passer- mais le fait qu’il ait craché sur celles-ci, seule faute impardonnable.

    @Véronique
    Que le manuscrit du Voyage soit à la BN n’a rien à voir avec une célébration nationale.

    Pourquoi insistez-vous par ailleurs pour confondre célébration nationale et possibilité et envie de lire Celine, ou absence de célébration nationale et censure et censure et pourquoi pas destruction des manuscrits ?

    Pourquoi serait-il si nécessaire d’offrir à Celine une célébration nationale ? Pour quelles raisons ?
    Et de plus pour un auteur qui aurait du reste certainement craché sur l’idée de célébration nationale, qui ne peut être davantage aux antipodes de tout ce qu’était Celine ?

    Commentaire par alithia — 28/01/2011 @ 20:19

  69. @ alithia

     » Pourquoi serait-il si nécessaire d’offrir à Celine une célébration nationale ? Pour quelles raisons ?  »

    Mais je ne pense pas avoir écrit quoi que ce soit que laisserait entendre qu’une célébration-commémoration de Céline était absolument nécessaire.

    En revanche, je veux comprendre pourquoi le ministre de la Culture a jugé lui absolument nécessaire de supprimer en 48 heures Céline du programme des célébrations nationales .

     » Que le manuscrit du Voyage soit à la BN n’a rien à voir avec une célébration nationale.  »

    Comment ça !

    L’exigence de Serge Klarsfeld fait valoir l’idée que l’oeuvre de Céline est UNE. La cohérence minimum consisterait alors à supprimer tout ce qui a trait à Céline dans l’ensemble des institutions nationales.

    Par ailleurs, en réalité, quelles sont les traductions concrètes des célébrations nationales, eh bien, par exemple, le colloque de la BPI (institution placée directement sous la tutelle du ministère de la Culture) prochainement consacré à Céline.

    Si Céline est supprimé du catalogue des CN, alors la simple logique devrait conduire à supprimer l’ensemble des manifestations consacrées à Céline sous l’égide d’institutions liées à l’Etat.

     » La Bpi présente certaines caractéristiques qui la distinguent de la majorité des autres bibliothèques publiques :
    établissement public national : ce n’est pas une bibliothèque municipale, mais un établissement public national sous tutelle du ministère chargé de la Culture (c’est une « bibliothèque nationale », comme l’indique le décret qui l’a créée) » (wikipédia)

    http://www.bpi.fr/fr/decouvrir_la_bpi/les_collections/louis_ferdinand_celine/louis_ferdinand_celine.html

    http://www.bpi.fr/fr/la_saison_culturelle/colloques/celine_reprouve_et_classique.html

    Commentaire par Véronique — 29/01/2011 @ 06:51

  70. Si vous ne savez pas que la BN recueille systématiquement tous les manuscrits en français, et que donc le Voyage, le chef-d’oeuvre de Celine, y a évidemment sa place…

    Si vous ne voyez pas de différence entre lire Celine, étudier son oeuvre, organiser des études, des colloques, écrire sur son oeuvre et autres réunions savantes avec, d’autre part une « célébration nationale » et pourquoi pas une panthéonisation, comme déjà suggéré …

    Si vous ne pouvez répondre à la question Pourquoi serait-il si nécessaire d’offrir à Celine une célébration nationale ? Ni pourquoi refus de célébration nationale ne signifie pas brûler ses livres ?

    Commentaire par alithia — 29/01/2011 @ 18:15

  71. Non, alithia, la BN ne préempte pas tous les jours un manuscrit pour 1,851 millions d’euros.

    Le colloque de la BPI est organisé à l’occasion du cinquantenaire de la mort de Céline. http://www.bpi.fr/modules/resources/download/default/La_Saison_culturelle/Documents/plaquette_colloque_Celine.pdf. Il s’inscrit de toute évidence dans le cadre de la politique culturelle du ministère de la Culture.

    Je redis: la simple cohérence devrait tout naturellement conduire le ministère à supprimer ce colloque.

    Commentaire par Véronique — 30/01/2011 @ 08:50

  72. La République a donc décidé de faire « feu sur » la célébration de Céline ?

    Fusiller des morts c’est aussi montrer qu’ils sont bien vivants.

    Sacré Céline !

    Commémoration ? Mouais… différence de degré plus que de nature… j’veux bien !…Mais analyse sémantique… pour enculer les mouches quand même… M. Jean Noël Jeanneney !

    Incontestablement Céline est un écrivain majeur de la première moitié du XXème siècle.

    Chacun devant l’œuvre d’art se démerde comme il peut. Il faut que le souffle passe ou on crève.

    Dans le « Voyage », l’incision pour le souffle a été faite. Mais c’est surtout dans « Mort à crédit » où le style apparaît dans sa perfection.

    Assurément, Céline littéraire est un révolutionnaire !

    Epistolier redoutable (Voir ses correspondances, notamment celles avec Maria Canavaggia), subvertisseur du discours académique et bourgeois, il a cassé la construction classique à subordonnées pour lui substituer la parataxe, juxtaposition de courtes phrases, soit un système syntaxique avec l’avènement des « trois points » qui amène un réarrangement du discours se substituant au point final de la parataxe.

    « Si je retombais dans les « périodes » ! Trois points !… […] Le Jazz a renversé la valse, l’impressionisme a tué le « faux jour », vous écrirez « télégraphique » ou vous écrirez plus du tout. » (Préface à Guignol’s Band.).

    Aposiopèse quand tu nous tiens !

    Sacré Céline !

    Chéri de la gauche antifasciste de Barbusse, de Lévi-Strauss et d’Elie Faure, Céline était irrité quand on parlait de lui comme un génie comique inoffensif, mais en même temps c’est ce qui le protégeait. Il est dans la situation paradoxale que ce n’est qu’à la condition de ne pas le prendre au sérieux qu’on peut le prendre au sérieux.

    « L’antisémitisme est aussi vieux que le monde, et le mien par sa forme outrée, énormément comique, strictement littéraire, n’a jamais persécuté personne. » (Correspondance à Me Mikkelsen, 5 mars 1946).

    C’est comme cela que ses partisans de toujours entendent le verduniser, après une journée de dupes qui dure depuis soixante ans entre une droite l’appréciant (pour son racisme ?) et une certaine gauche pour ce qu’elle croit être sa destruction de la société bourgeoise par la révolution du langage.

    Son agaçante « petite musique », expression qu’il a forgé lors d’un entretien à l’Express du 14 juin 1957, a joué son rêve d’ordre social fondé sur la race, fort de la rationalité souveraine de vastes programmes d’hygiène et réprimant les instincts. Refusant la « Renaissance » et le classicisme, il préconise un retour aux origines celto-germaines de la France du Nord et l’alliance avec l’Allemagne de la race et du sang.

    Entre les deux guerres tout pouvait s’écrire, sur n’importe quel ton. Céline révèle ouvertement un racisme anti-juif, moins choquant alors qu’il ne semble aujourd’hui. Ce qui n’était rien par rapport au nihilisme des idéologies.

    La France entre les deux guerres a connu une liberté d’expression inédite et la IIIème République qu’il haïssait lui laissait alors toute licence pour la calomnier.

    Quand vient alors son tour pour répondre de ses appels au meurtre, que tout est foutu, il a un coup de génie : il s’invente un moi bouffon et irresponsable.

    Moi pamphlétaire ? Allons je déconnais ! Pigez rien à la rigolade ! Jamais été pour les idées, moi, mais pour la musique… sa fameuse petite musique !

    « Cher Maître, je vous en prie, faites que le gouvernement danois nous donne asile le temps que la tourmente s’apaise. » (5 mai 1946)

    Le contexte historique n’est effectivement pas favorable à l’écrivain, qui redoute certaines représailles à cause des pamphlets. Il écrit alors « Guignol’s Band » une espèce de récit un rien détaché, kaléidoscope d’images pénibles, qui se passe à Londres, une fresque faite de personnages interlopes. Sans intérêt ! Une pantomime ! Pitoyable comédie comme le sera la suite de son existence.

    Témoignage écrit de Mikkelsen sur son difficile client :

    « Apparemment il est deux hommes – un grand écrivain et un petit-bourgeois hargneux et envieux. Je ne suis pas assez psychologue pour comprendre comment on peut unir les qualités et les défauts – Mais c’est comme ça…Personnellement je suis comme vous, un peu déçu mais pas trop étonné. Je le connais depuis 5 ans, et je l’ai suivi dans toutes ses phases de désespoir, de lâcheté, d’avarice, d’orgueil, de méchanceté, etc…le registre est long. (A un confrère, Naud ? » (Septembre 1951)

    Vient ensuite la célèbre trilogie persécutée (« D’un château l’autre », « Nord », « Rigodon ») avec laquelle on peut aussi ajouter « Féerie pour une autre fois » et « Normance ». Quand il se tire en Allemagne avec les restes du pétainisme et de la collabo, il en fait un récit pétardier qui transforme le château de Sigmaringen en scène d’une opérette d’Offenbach orchestrée par Méphisto.

    Deuxième acte, il prend la fuite au Danemark à travers une Allemagne pilonnée dans une théâtralisation outrancière expressionniste. Enfin troisième acte, un séjour en prison où il donne de la voix pour mieux crier à l’injustice.

    Sa petite musique s’enfle de manière à ne pas rendre compte. Il avait crié qu’il était un génie, il cria aussi qu’il était persécuté, pour qu’on oublie qu’il avait été du côté des persécuteurs alors que l’Allemagne fume les bonnes manières de ses amis allemands et que ses confrères collabos sont fusillés.

    En 1959, il menace de ne pas livrer « Nord » s’il ne reçoit pas son contrat Pléiade. La chose se fera finalement. Le 4 juin 1959, il peut remercier Nimier :

    « Grâce à vous je suis aux anges d’être dans la Pléiade. Excellent. Comme A. Allais d’être abonné au gaz. Je l’écris à Mondor en même temps que je le tape d’une préface…mais je crois qu’il ne doutera plus si vous avez la grande bonté de lui écrire un petit mot, que c’est bien vrai, que j’en suis… »

    En réalité, Céline petit-bourgeois était une coquette névrosée !

    Aliocha : ça me fait plaisir de vous lire, depuis le temps ! Et vous m’éblouissez, comme toujours 😉

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 01/02/2011 @ 15:37


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