Alors comme ça, l’adaptation de la Comédie musicale Les Misérables a été oscarisée (trois fois) ?
Mazette….Je l’ai vu hier. Et il m’a fallu plusieurs heures pour calmer ma colère. Si c’est ainsi que les américains comprennent Victor Hugo, ils sont priés à l’avenir de s’abstenir. Le film débute par une scène étrange où des forçats remorquent un navire gigantesque tout droit sorti d’un dessin animé. Passons sur le périple de Jean Valjean à la sortie du bagne, il se situe entre le peplum et le film catastrophe. L’épisode de Fantine se déroule dans un pandémonium grimaçant du plus grand effet comique, les personnages sont grotesques, le décor absurde, les scènes chantées arrachent les tympans. En un mot, c’est le retour des morts-vivants en pleine fête d’Halloween interprété par les recalés de la Star Academy. On tente de s’habituer, après tout on a payé pour deux heures trente de « spectacle » et visiblement on va en avoir pour son argent. Film à gros budget, acteurs qui ont beaucoup travaillé, maigri, grossi, appris à chanter, séjourné de longs mois en France, bref, le cinéma américain dans tout son professionnalisme. Il faut croire que les Oscars récompensent parfois l’encre et la copie des cancres du septième art…
Les choses s’améliorent un peu lorsque nous arrivons à Paris. La petite Cosette a le mérite de chanter d’une voix douce, ce qui délasse des hurlements des autres comédiens et de leurs faciès grimaçants. Quant à Thénardier, incarné par le fantastique Sacha Baron-Cohen, il apporte à l’insu du réalisateur un peu de rire et donc de vie dans cette mise en scène où le pompier le plus épais le dispute au larmoyant manié à la truelle. Le soulagement se confirme avec les insurgés, également traités avec emphase, mais le réalisateur semble s’être quelque peu essoufflé, ce qui fait du bien à tout le monde. Cela deviendrait même presque supportable si les représentations de Paris ne suscitaient une sorte de curiosité horrifiée. On se demande d’où sortent ces bâtiments dont on ne reconnait pas même l’architecture. Mettez Rome, Paris et Londres dans un sac, secouez le tout, fabriquez un décor en carton avec les morceaux rassemblés dans le désordre, saturez les couleurs, jouez de la caméra pour donner une impression de gigantisme, délabrez le tout parce que c’est vieux et que c’est la révolution, et vous aurez une idée des décors. Pour qui ne connaîtrait pas l’oeuvre, impossible de comprendre ce qui anime les insurgés ou de voir dans le suicide de Javert autre chose que le mouvement de folie d’un flic neurasthénique. Notez, on est tenté de le suivre pour échapper nous aussi au désastre.
Tout ceci relève du grand guignol. En entendant la salle applaudir à la fin, on se pince. En est-on vraiment arrivé à un tel niveau de vulgarité pour qu’une horreur pareille suscite un quelconque plaisir ? Le film relève du sabotage. Qu’il soit récompensé est une preuve de plus que notre époque manque singulièrement de finesse et de style. Le seul réconfort, c’est de savoir que les critiques étaient mauvaises (à l’exception quand même de Match, Le Parisien, 20 minutes et le JDD). La presse n’est donc pas complètement idiote. A voir pour se faire une idée précise de l’étendue des dégâts. Et pour Sacha Baron-Cohen, décidément génial.