La Plume d'Aliocha

09/11/2014

Cash Investigation donne un coup de pied au cul à la com’

L’émission d’investigation d’Elise Lucet, Cash Investigation, diffusée en prime time sur France 2 était consacrée mardi soir à l’industrie des smartphones. Il n’est pas exagéré de dire qu’elle a fait un tabac. On s’en doutait le soir même en voyant le hashtag de l’émission sur Twitter s’installer au premier rang des sujets d’intérêts des twittos, la confirmation est venue le lendemain matin quand l’émission a annoncé fièrement 3,6 millions de telespectateurs, soit 14,6% de parts d’audience. 

Je ne saurais trop vous recommander de regarder le reportage en replay si vous l’avez manqué. C’est ici.  Du travail des enfants en Chine à l’exploitation de mineurs en Afrique, vous y découvrirez ce que coûte réellement votre smartphone. Et surtout, ce qu’il rapporte à ceux qui le fabriquent : les constructeurs versent moins de 3 euros de salaires pour la construction d’objets vendus plusieurs centaines d’euros….

Mais ce qui est au moins aussi passionnant et nécessaire dans cette émission que le fond de l’enquête, c’est la manière dont les journalistes sur le terrain, en insistant pour poser les questions qui dérangent, dévoilent les rapports entre le monde économique et la presse. Depuis longtemps les communicants ont changé nos interlocuteurs en robots programmés pour développer un argumentaire préparé à l’avance, entièrement factice, le plus souvent creux, toujours univoque. Ils ont pris la main et n’entendent pas qu’on leur dispute leur pouvoir. Depuis le début de ce blog, j’ai consacré beaucoup de billets à ce phénomène car il constitue à mes yeux le virus mortel de l’information. Une maladie dont l’ampleur est, hélas, lourdement sous-estimée.

Politburo

C’est ainsi que l’émission montre les demandes de rendez-vous qui n’obtiennent jamais de réponse. Dans le monde économique – et la chose a tendance à se généraliser – un journaliste ne peut pas espérer joindre en direct un patron d’entreprise, il faut impérativement faire une demande au politburo, pardon, au service de communication. C’est le passage obligé. Problème :  le service communication n’a généralement aucune envie de parler aux journalistes des sujets qui intéressent ces derniers. Il impose ses propres dossiers, pour vendre sa soupe, et se met aux abonnés absents quand on pose d’autres questions. Il m’arrive souvent de penser que si je pouvais m’adresser directement au décideur, il comprendrait peut-être l’intérêt de parler plutôt que de se taire. Mais le communicant lui, pour asseoir son pouvoir et justifier son salaire, décide de la stratégie, choisit les thèmes, les supports et même les journalistes à qui il consent à répondre. Et les journalistes s’inclinent, ils n’ont pas le choix, c’est ça ou l’assurance d’être blacklisté. Autrement dit, le choix – pas cornélien du tout-  entre l’assurance raisonnable de pouvoir suivre l’actualité de l’entreprise et la certitude d’être mis à l’écart et donc de ne pas pouvoir travailler…

La vengeance du patron piégé

Vous ne me croyez pas ? Alors lisez les menaces du patron de Huawei à l’encontre d’Elise Lucet. Extrait d’un article publié sur le site OZAP  :  » Le patron de Huawei a réagi publiquement le lendemain de la diffusion de ce reportage à l’occasion de sa participation aux Assises de l’industrie. François Quentin a expliqué qu’il comptait bien ne pas en rester là avec Elise Lucet. Il a ainsi révélé qu’il avait fait en sorte de « blacklister » la journaliste de France 2 auprès des grands patrons. « J’ai activé tous mes réseaux et Madame Lucet n’aura plus aucun grand patron en interview, sauf ceux qui veulent des sensations extrêmes ou des cours de Media Training ! » a-t-il ainsi déclaré, assurant ne pas avoir reçu les demandes d’interview ». Depuis, il s’est excusé, il y a de quoi. Oublions le terrain de la morale, nous avons tous compris que cet homme-là s’en fout. Ce qui l’ennuie, et son service communication à mon avis plus encore, c’est la bourde magistrale qui consiste en deux phrases à menacer publiquement une journaliste – en plus aussi populaire au moment des faits – , à révéler au grand public la menace permanente de boycott qui pèse sur les médias s’ils n’obéissent pas et, cerise sur le gâteau, à entraîner avec lui le monde économique en prétendant faire jouer ses relations pour interdire à Elise Lucet l’accès à tous les grands patrons. C’est tellement beau, un aveu pareil, qu’on l’embrasserait. Les instants de sincérité dans le monde économique sont si rares…

Le paroxysme de cet insupportable système est montré dans l’émission : ce sont ces grandes messes au cours desquelles telle ou telle marque lance devant un parterre de journalistes le nouveau produit qui va enchanter les technophiles.  Des journalistes qu’on connait depuis longtemps, à qui on a payé le voyage et la chambre d’hôtel, qu’on va régaler de petits-fours et à qui on offrira le téléphone. Ces confrères ne sont pas forcément des mauvais professionnels, ils n’ont pas nécessairement perdu leur sens critique, mais on imagine bien qu’ils ne sont pas au top de l’indépendance. D’ailleurs, ils l’avouent eux-mêmes. Je ne leur jette pas la pierre, ce système vous englue comme une mouette prise dans du mazout. Pour faire autrement, il faut un support qui donne le ton, une équipe qui vous soutient, un rédacteur en chef qui vous défend, sinon, c’est mission impossible. Simplement, ne vous étonnez pas du délire qui s’empare des médias quand Apple au hasard sort un nouveau produit…

Quand Bill Gates montre qu’il se fout de l’esclavage des enfants

Heureusement, Cash Investigation a posé le diagnostique et décidé d’ajuster ses techniques journalistiques à cette nouvelle réalité. C’est ça, la force de l’émission, et le public l’a fort bien compris. Nous voyons donc Elise Lucet interroger les uns et les autres en s’invitant à des conférences, dans des bureaux, des restaurants, bref, partout où on ne l’attend pas, ses documents à la main et une caméra sur les talons. C’est une rupture culturelle violente pour les acteurs économiques habitués au journalisme poli et courtois balisé par leurs services de com’, d’où leurs réactions.  Le patron de Huawei refuse de répondre tant que la journaliste ne lui a pas prouvé son identité, un autre prétend qu’il y avait trop de bruit pour se parler. Mais le meilleur morceau c’est Bill Gates en personne, venu vendre l’une de ses oeuvres caritatives, et qui se moque visiblement comme d’une guigne qu’une marque de portable détenue par Microsoft contienne des composants sortis des mines par des enfants qui parfois meurent dans des éboulements et qu’on laisse pourrir sur place. C’est pas son affaire à milliardaire au grand coeur, il ne joue plus aucun rôle dans la boite, et puis c’est pas le sujet de la conférence. Bref, tous ces grands patrons dont certains n’hésitent pas à brandir des engagements éthiques plus ou moins en toc pour séduire les consommateurs, dès lors qu’ils sont confrontés à l’affreuse réalité ne savent pas, ne peuvent pas commenter, ne demandent même pas de précisions. Ils remontent le menton, braquent le regard sur l’horizon et s’enfuient, protégés dans leur retraite par des attachées de presse ulcérées que des journalistes aient osé poser des questions. Pensez donc, que c’est inconvenant ! So chocking.

Un dernier mot. Je me souviens avoir entendu un jour le philosophe Comte-Sponville lors d’un colloque dire en substance : ne demandons pas à une entreprise de faire de la morale, c’est absurde, son objet c’est faire de l’argent. Demandons-nous plutôt comment faire pour l’obliger à respecter les règles morales. Lors de la diffusion de l’émission mardi, quelques twittos cyniques qui se voulaient plus malins que les autres faisaient observer que c’était au minimum schizophrène et au pire absurde ou hypocrite de saluer une telle émission en pianotant frénétiquement sur son portable. En clair : d’accord, c’est très bien cette enquête, mais ça ne sert à rien. Je crois au contraire que c’est fort utile. L’histoire récente nous enseigne que lorsque les consommateurs se révoltent et décident de boycotter un produit pour des raisons éthiques, ils triomphent.

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26 commentaires »

  1. Ah, ah la morale du moral des ménages, c’est que la notoriété, la marque, domine largement l’info des conditions de production de ses objets magiques de com, étant eux mêmes parfaitement au courant de leurs propres conditions d’exécutants qui…… s’exécutent. Ah mais on nous parlera de niveau de vie après çà, combien peuvent ils consommés, en gros.C’est quoi le cynique….çà coule de source…du chien, dont certains, sans laisses, « libres », sont équipés de colliers électroniques. Eux aussi on les sonne de s’exécuter, c’est machinal chez Dr Folamour.

    Commentaire par georges dubuis — 09/11/2014 @ 17:48

  2. « Compétitivité ! Compétitivité ! », ils n’ont que ce mot-là à la bouche, et tiens ! au hasard… M Hollande à la télé jeudi dernier, la compétitivité de la France était son leitmotiv…
    « Compétitivité ! Compétitivité ! »
    Nous nous voyons comme des joueurs participant à une compétition, pugnaces certes mais pacifiques, fair-play, respectueux des règles du jeu…
    Affreuse méprise !
    Il n’y a pas règles sinon celle-ci : que le plus fort gagne. Nous sommes en guerre !
    Quand il est dit que nous sommes en « guerre économique », cela est pris pour une métaphore signifiant seulement que la compétition est rude. Ce est pas une métaphore, c’est l’expression de la réalité. Nous sommes en guerre ! Guerre d’un niveau type ? Même pas car, toutes les guerres étant l’occasion d’utiliser de nouvelles armes, toutes les guerres pourraient à ce compte-là être dites d’un nouveau type. Les nouvelles armes de la guerre en cours sont économiques et financières. Après sagaies, épées, arcs, mousquetons, fusils, gaz, canons, avions, missiles atome… voici les capitaux, arme de destruction massive s’il en fut.
    Depuis 1971, fin de la convertibilité du dollar et début de la dérégulation financière, le monde est le champ clos d’une guerre de tous contre tous. Guerre sans pitié et, pire, sans fin.
    Étant dans le camp des plus riches, donc des plus forts, nous n’en ressentons que peu les effets (comme la population allemande pendant la dernière guère jusqu’au printemps 44) mais, ailleurs dans le monde, ces effets sont dévastateurs, terrifiants, insoutenables.
    Les défenseurs de cette guerre, qu’ils appellent gentiment « mondialisation », nous assurent qu’elle profite à tous, par le phénomène du « ruissellement ». Au sommet d’une pyramide de verres on fait couler du champagne, il en ruisselle jusque dans les verres du bas… C’est faire bon marché des milliards de personnes non encore atteintes par ce ruissellement et subissant en attendant, du fait de la guerre, travail forcé, famine, exil, affrontements armés, massacres, atrocités en tous genres.
    Le reportage d’Elise Lucet, au fond, à travers une mince fissure ouverte dans le confortable mur de la com’ et du conformisme, donne à voir le champ de bataille. Et, comme tout champ de bataille, il n’est pas beau à voir.
    La seule question qui vaille est : et si nous cherchions les voies de la paix ? Autrement dit, et si nous renoncions à vouloir à tout prix être les premiers (comme l’a répété M. Hollande), les plus riches, les plus forts ? Et si nous sortions de cette soi-disant, et maléfique, compétition ?

    Commentaire par Denis Monod-Broca — 09/11/2014 @ 17:57

  3. Cash Investigation est une émission intéressante et rare. Ce qui me gêne dans son développement et son propos, ce sont ses cibles et justement son côté moraliste un peu trop appuyé (‘morale’ apparaît trois fois dans votre article), défendu par sa patronne à chacune de ses interviews. Mais qui a décidé qu’Elise Lucet et son équipe étaient des références morales? Selon quels critères? Il serait temps que la presse cesse de vouloir donner des leçons de morale à tout le monde, dénoncer à tout prix, et se contente d’informer, ce qui est déjà très bien en soi. Après, aux gens de décider si oui ou non ils veulent condamner/valider le propos. A moins de prendre tous les spectateurs pour des imbéciles à qui il faut expliquer où penser. Entendons-nous bien, je suis pour un retour à l’éthique et la morale dans la société, mais je ne suis pas sûr que là soit la vocation des journalistes.

    Par ailleurs, j’aimerais que cette émission s’attache également à démonter les rouages de la politique, de la gabegie administrative et du secteur public. Ou s’en prenne à l’action syndicale à la française, et pas seulement celle du patronat, même si elle mérite évidemment d’être auscultée de près. Ou à la presse et ses subventions et ses dérives et ses limites et ses erreurs. Là aussi, il y a des détournements et des gâchis d’argent public, énormément. Mais je crois qu’il ne s’agit que d’un rêve (jusqu’ici, tous les sujets ou presque, après trois saisons, ont concerné les dérives du secteur privé).

    PS: « dénoncer » est un mot que j’entends trop souvent ces derniers temps, dans la bouche de tout le monde ou à longueur d’articles ou de tribunes. Il me gêne beaucoup. Dans un pays qui a déjà du mal à se remettre d’un certain passé collaborationniste, je le trouve au mieux déplacé, au pire franchement malsain. On peut évoquer un sujet sans se mettre nécessaire dans la peau du dénonciateur/procureur (hein, Mr Plenel?).

    Commentaire par The Big Bad Wolf — 10/11/2014 @ 07:37

  4. La com’ toute puissante fait des ravages depuis des années dans le monde technologique.

    Les journalistes spécialisés ne se déplacent plus à la présentation d’un nouveau matériel ou logiciel si le transport n’est pas payé, et si ils n’ont pas leur « petit sac » de goodies et appareils électroniques gratuits. Lors de ces présentations, des concours sont organisés, et tel journaliste, ou tel propriétaire d’un site internet influant dans le domaine, repart avec un voyage ou des cadeaux de plusieurs centaines d’euros.

    Dans le monde du jeu vidéo, les éditeurs font signer aux journalistes des NDA (non-disclosure agreement) qui ne sont souvent levés que deux-trois semaines après la sortie du jeu, pour éviter que de mauvaises notes viennent entacher le lancement.

    Les boîtes de com’ qui travaillent dans ce milieu se tournent également vers les youtubeurs influents qui ont désormais plus de poids que les journalistes, avec moins de déontologie parfois : voir l’affaire dite du Doritosgate.

    Je conseille cet article des trublions de CanardPC qui explique à quel point on est dans des habitudes bien ancrées : http://www.canardpc.com/pdf/DoritosHW.pdf

    Commentaire par ORcRys — 10/11/2014 @ 10:56

  5. Je n’ai pas vu le reportage et écris donc ce commentaire sous réserve (d’autant plus que ce n’est pas le sujet principal de votre billet, mais c’est quand même votre introduction et votre conclusion), mais comparer, comme on le fait toujours pour crier au scandale, le prix de vente avec le seul salaire des chtites nouvriers (auquel on ajoute éventuellement le coût des matières premières) est absurde. Surtout pour des marques (Adidas, Apple) dont l’essentiel de la valeur est créé par la R&D, le design et le marketing.
    Bref, il y a souvent un peu de bon sentiment primaire dans cette indignation occidentalo-centrée qui voudrait voir tous les enfants du tiers-monde à l’école et leurs parents à la CGT et aux 35h (#troll).
    A ce titre, un bon billet sur le textile au Bangladesh : http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2013/05/05/la-vraie-tragedie-du-bangladesh.html

    Commentaire par VilCoyote — 10/11/2014 @ 11:12

  6. 4° pouvoir ? Parfois, c’est certain. Mais pas toujours
    Un des problème de la politique est que chacun dans son coin courtise ce pouvoir pour tenter de le circonvenir à son profit. Pour ce qui est des forces de l’argent, c’est encore plus confus …

    Commentaire par remseeks — 10/11/2014 @ 11:29

  7. @vilCoyote : Merci pour l’article, même s’il est terrifiant …

    @ aliocha : je suis quand même bien d’accord avec votre rejet de la com’ : merci de détricoter le système (sans omettre de dire que ce n’est pas un choix des journalistes mais de leur rédaction »

    La question est aussi de savoir pourquoi la « société » (nous) veut se laisser enfumer : au fond, c’est plus confortable, et c’est peut-être la vraie raison du succès de cette comm’
    D’ailleurs, les communicants sont aussi des gens englués dans un système.
    S’il apparaît, ce système, c’est sans doute qu’il répond à un besoin humain profond ….

    a+
    Bigben

    Commentaire par Bigben — 10/11/2014 @ 14:27

  8. « ne demandons pas à une entreprise de faire de la morale, c’est absurde, son objet c’est faire de l’argent. » : ben oui. Mais en fait, il suffirait qu’une des entreprises concernées — Samsung, par exemple — décide tout à coup de respecter strictement les règles, le démontre en long et en large et fasse sa pub là-dessus pour qu’elle rafle toutes les parts de marché. Le temps que les autres fassent de même, bien sûr. Samsung a les moyens, il ne lui manque que la volonté de le faire. Quelqu’un peut-il lui souffler l’idée ?

    parce que, mine de rien, les marchés porteurs (à court et moyen termes) sont les pays émergents, les mêmes pays (ou leurs voisins et les voisins de leurs voisins, ça crée des liens) que ceux où il faut gratter la terre pour gagner trois francs six sous (qui font un demi euro, s’pas) ou se faire enterrer vivant, et je ne suis pas sûr que beaucoup d’africains se presseront de changer leur smartphone après avoir vu l’émission. Ni moi, mais je n’ai pas de smartphone, ni l’envie d’en acquérir un. (Peut-être quand on me proposera un modèle avec écran de 27 pouces, compatible Ubuntu Studio, et qu’on peut plier pour le mettre dans sa poche…)

    et si on en profitait pour donner du travail aux chômeurs, au lieu de faire bosser les enfants ? Vous allez me dire que je suis un idéaliste : ben non, juste un chômeur de longue durée (sourire) [un peu jaune, le sourire, mais un sourire quand même].

    Commentaire par Yves Pouplard — 10/11/2014 @ 18:33

  9. Tant que dénoncer signifie « faire savoir », on peut garder un verbe qui a sa raison d’être puisqu’Albert Camus parle de « dénoncer l’injustice ».
    La délation, par contre, consiste à dénoncer pour des raisons méprisables.
    En ce qui concerne le fonctionnement caché de notre si performant système économique, qui donc va décider de ce qu’il est méprisable ou pas de porter à la connaissance des pigeons que nous sommes, Elise Lucet ou @3 The Big Bad Wolf? Qui brandit la référence morale?
    Oui c’est vrai, c’est aux gens de décider si oui ou non ils veulent « condamner ou valider le propos. » Mais encore faut-il qu’on les mette au courant. C’est le rôle qu’Elise Lucet attribue à son métier de journaliste. A hauteur de ce que j’ai vu de sa précédente émission ( le lobbying du tabac auprès des élus européens) , c’est tout à son honneur de dénoncer quelques crapuleries à la mode bisness.
    Ne nous privons pas des mots utiles sous prétexte que certains les tordent, ne critiquons les journalistes que les jours où on les prend en défaut.
    Merci à madame Lucet, et à son équipe.

    Denis Ducroz

    Commentaire par Denis Ducroz — 10/11/2014 @ 18:45

  10. @ Aliocha :

    On engraisse sur la misère du monde, et après on dépense des milliards pour résorber cette même misère, qu’on a aidé à faire croître auparavant… pas étonnant que le philanthrope soit mal à l’aise à l’écoute de cet exposé.
    Comment ne pas penser à l’ex- facteur de Neuilly, quand il nous assénait « nos vies valent plus que leurs profits » ? Je ne suis pas encarté à la LCR, ni même sympathisant… mais force est de constater que oui, la vie ne pèse pas lourd face aux profits.

    @ VilCoyote :

    « […]marques (Adidas, Apple) dont l’essentiel de la valeur est créé par la R&D, le design et le marketing. »
    Cela exclut-il le versement d’un salaire digne de ce nom, au regard de la marge pharaonique dégagée ? Peut-être que la galette que croquent goulûment les actionnaires a plus de goût avec les miettes ? Vous savez, celles qu’il faut à tout prix éviter de faire tomber de la table, des fois que les gueux y prennent goût.
    On ne sait jamais, avec ces gens-là… 😉

    @ Big Bad Wolf :

    « Mais qui a décidé qu’Elise Lucet et son équipe étaient des références morales? Selon quels critères? »

    Mais où avez-vous lu qu’Elise Lucet étaient citée comme référence morale ? J’ai dû lire le billet en diagonale, je ne le vois nulle part… 😉

    C’est André Comte-Sponville qui en parle, de morale, à deux reprises, par le biais d’une citation (si je ne m’abuse). Aliocha ne l’évoque qu’une fois.

    « je suis pour un retour à l’éthique et la morale dans la société, mais je ne suis pas sûr que là soit la vocation des journalistes. »

    Je ne pense pas que les journalistes se posent en parangons de morale, d’éthique et de vertu. Dans le cas d’Elise Lucet, j’ai juste vu une journaliste mettre (ou tenter de mettre) le nez des industriels dans leur caca, ou si vous préférez, en face de leurs incohérences (chartes déontologiques irréprochables / pratiques industrielles abominables).
    J’ai vu l’émission en question, et je n’ai pas souvenir d’avoir entendu Mme Lucet se poser une seule fois en mère La Vertu… mais bon, peut-être ai-je regardé d’un œil distrait ? 😉

    Commentaire par Zarga — 10/11/2014 @ 19:36

  11. Tiens, je cite Jérôme Leroy, rédacteur en chef culture à « Causeur », qui cite lui-même Léon Bloy dans Le Sang du pauvre : « Tout homme qui possède au-delà de ce qui est indispensable à sa vie matérielle et spirituelle est un millionnaire, par conséquent un débiteur de ceux qui ne possèdent rien. »

    Commentaire par Zarga — 10/11/2014 @ 20:08

  12. C’est terrible, mais comment réagir ou simplement agir après un tel reportage, à part verser une larme sur sa joue ou laisser couler une goutte de sueur froide dans le dos à chaque fois qu’on pose son smartphone sur son oreille en pensant à la vie (ou la mort) de ces misérables qui sont en début de la chaîne de production ?…

    Les grands patrons, les « politburos », les responsables de com’, les puissants, les stars de la mondialisation, même s’ils sont vexés d’avoir été piégés à chaud par une charmante et piquante Elyse Lucet qui leur met le doigt là où ça les démange un peu quand ils y pensent, se remettent finalement assez bien et assez vite de leur faux pas de communication. (Il leur suffit de fumer un bon cigare à 1000 $ en regardant l’action montante en bourse de leur entreprise, de penser à leur prime exceptionnelle du mois dernier ou à leur futur retraite chapeau, …).

    Le pire dans tout ça, c’est qu’en plus les communicants sont suffisamment malins pour transformer ce buzz médiatique négatif en point de popularité positif, comme les traders font de l’argent sur une faillite, ou un radiateur fait maintenant du chaud avec du froid.

    Aujourd’hui la Morale ne paye pas. En revanche, le Cynisme est une valeur sûre et un argument presque porteur pour vendre un produit hight-tech, un peu comme les paquets de cigarettes qui arborent ostensiblement le message « Fumer Tue » et dont les ventes continuent à croître… Je ne serais d’ailleurs pas surpris que les ventes d’un smart-phone montent en flèche s’il affichait au dos une inscription du nombre d’africains et d’enfant morts pour sa fabrication !

    Cela n’enlève rien à la qualité du reportage d’Elyse Lucet, mais je m’interroge sur les conséquences autres que la simple et éphémère culpabilisation des consommateurs que nous sommes en bout de chaîne, et j’ai peu d’espoir que ce reportage change nos réflexes d’achat et nous dissuade de nous jeter sur la prochaine version du smart-phone annoncée. (Tiens, ça me fait penser que le mien date un peu et que j’ai peut-être la possibilité d’avoir le dernier modèle gratos si je resigne pour un forfait de 24 mois …)

    En revanche, n’en déplaise aux détracteurs des journalistes utilisant des méthodes de barbouzes (peu morales d’ailleurs, mais on ne prend pas une mouche avec du vinaigre), mais leurs pratiques ont une réelle efficacité car elle révèle, dénonce et monte les loups contre eux-mêmes.

    Regardez ces reportages de journalistes qui ont réussi à révéler des affaires où des loups se sont mis d’accord en secret autour d’une table : le résultat est bien plus efficace et amusant : les loups se bouffent la queue ! (Ex. l’affaire Jouyet-Fillon, Bettencourt, Sarko-Buisson, etc…)

    Finalement, l’arme la plus efficace du journaliste pour espérer faire changer les choses, c’est peut-être le dictaphone !

    Commentaire par Oeil-du-sage — 10/11/2014 @ 20:30

  13. @ Denis Ducroz: je n’ai pas dit qu’Elise Lucet avait tort de nous donner à voir ce qu’elle nous donne à voir. Qu’elle s’attaque au secteur privé ne me pose pas de problème. Qu’elle ne s’attaque qu’au secteur privé quand la moitié de l’économie française passe par le secteur public oui, là, ça m’en pose un.

    @ Zarga: je suis Elise Lucet depuis longtemps, j’écoute ses interviews ou les lis. Je ne me suis pas contenté d’un ou deux numéro de Cash Investigation pour me faire une idée sur elle et sa croisade journalistique. Libre à vous d’en faire autant pour vous faire votre propre opinion, je ne suis pas là pour penser à votre place. En revanche, j’ai aussi le droit de penser librement. Quant à la citation de Comte-Sponville, elle est utilisée pour soutenir le propos sur les entreprises et la morale, dans un paragraphe où l’émission est présentée comme utile. Elle vient donc conclure la contribution d’Aliocha sur le terrain de la morale. D’où ma remarque.

    PS: @Zarga et si vous ne pensez pas que Plenel et sa bande, par exemple, très largement soutenus dans la profession, se posent en parangons de vertu, de morale et d’éthique, alors je vais avoir du mal à vous convaincre que j’ai raison (sourire).

    Commentaire par The Big Bad Wolf — 11/11/2014 @ 08:13

  14. Je suis étonnée que les gens découvrent que d’autres font des boulots difficiles et dangereux pour qu’ils puissent profiter des progrès.
    Ainsi autrefois , (et les Allemands y reviennent, )on subissait les coups de grisou pour ramener le charbon de la mine, les petits ramoneurs restaient coincés dans les cheminées et mes cousins travaillaient à la ferme en rentrant de l’école primaire, l’un d’eux a eu d’ailleurs un accident de travail,à 11ans.
    Peut-être qu’il vaut mieux pour certains enfants asiatiques travailler durement qu’être vendus à la
    prostitution .
    Oui le monde est cruel , oui les grandes multi -nationales aveugles écrasent tout pour augmenter leur profit et oui notre société moderne est vouée aux bénéfices constants et à la consommation , tous nous en profitons et personne ne peut s’en passer . Dés que vous vous levez le matin ça commence et il y a toujours quelqu’un en bas et en haut de la chaîne.

    Alors ne gaspillons pas,ne gâchons rien et essayons de ne pas tomber dans le piège du gadget toujours plus neuf et toujours plus.riche.

    Pour savoir qui est fautif … c’est chacun de nous tout simplement dès le jour où nous arrivons dans ce monde ; et du haut en bas de l’échelle nous sommes solidaires .
    Madame Lucet attire notre attention sur des sujets démagogiques qui blâment les grandes industries à la recherche de profits , c’est touJours vendeur …elle pourrait tout aussi bien faire une émission sur la grande misère de l’agriciulture en France face aux industriels de l’élevage ou sur l’eploitation des travailleurs sans papiers dans les usines à confection du Sentier .. Son travail reste le scoop et sa victoire l’audimat.

    Commentaire par Scaramouche — 11/11/2014 @ 13:32

  15. @ Big Bad Wolf :

    Pour ce qui est d’Edwy Plenel, nous avons là un cas un peu à part dans le monde des journalistes (me semble-t-il).
    Je ne partage pas votre sentiment quant au « large soutien » dont il bénéficierait au sein de la profession (cf les récents déboires de Médiapart avec le Fisc : je ne me souviens pas avoir entendu un concert de soutien unanime…).
    Pour ce qui est d’Elise Lucet, je ne la suis pas avec la même assiduité que vous, ce qui explique sans doute mon manque d’acuité.
    Et je tiens à vous rassurer : je vous délie séance tenante de votre devoir de penser pour moi !
    😉

    Commentaire par Zarga — 11/11/2014 @ 23:21

  16. Les journalistes ont leurs convictions et opinions politiques qui (comme pour chacun de nous)penchent vers un parti qu’ils défendent . Monsieur Plenel comme madame Lucet n’ont pas plus le monopole du coeur que celui de la parfaite objectivité. Ils sont tous élèves de la communication et sortis des mêmes écoles de manipulation.
    L’éthique journalistique à l’ancienne a vécu.

    Commentaire par Scaramouche — 12/11/2014 @ 13:45

  17. « je vais avoir du mal à vous convaincre que j’ai raison (sourire). »

    C’est mon avis, et je le partage ! 😉

    Commentaire par Zarga — 12/11/2014 @ 21:11

  18. Voyant ce qu’on voit comme résultat achevé, je n’ai rien contre le travail des enfants, na.
    PS L’ Edwy Plenel est juste un agent de diffusion du renseignement, version numérique du Canard Déchaîné mais sous contrôle.

    Commentaire par georges dubuis — 12/11/2014 @ 21:43

  19. @ Big Bad Wolf :

    « Qu’elle ne s’attaque qu’au secteur privé quand la moitié de l’économie française passe par le secteur public oui, là, ça m’en pose un.  »

    Que vous souhaitiez élargir le cadre de l’image, c’est très bien. Mais en l’occurrence, il s’agit surtout d’une enquête concernant des acteurs internationaux. On sort du cadre franco-français, avec cet exemple précis.

    Je ne sais pas si établir une hiérarchie dans la dégueulasserie a un sens, mais pour ma part, je suis autrement plus scandalisé par le travail des enfants (au mépris de leurs vies) que par le gaspillage qui a lieu dans la fonction publique française.

    Je ne dis pas non plus que la chose soit inintéressante (l’histoire du rabotage des quais de gares m’a fait hurler !), mais voir que concrètement, on s’emploie à toute force à ce que la main droite qui amasse ignore par quel chemin la main gauche rapporte, ça me sidère.

    Commentaire par Zarga — 15/11/2014 @ 00:32

  20. @ Zarga : Vous me cherchez (sourire)? L’émission a, dans son son ADN, pour but de s’attaquer entre autres, « au détournement d’argent public ». Elle ne le fait que du point de vue du privé. Moi qui crois en des choses dépassées comme l’intégrité, l’impartialité et l’honnêteté intellectuelle – qui crois surtout que leur disparition (en particulier chez les élites intello-politico-médiatiques qui n’ont que ces mots à la bouche pour attaquer leurs ‘adversaires’) est en train de nous tuer en tant que société – j’ai du mal à réconcilier ce déséquilibre avec le discours de vérité et de probité tenu par la patronne de l’émission et son producteur, Paul Moreira. Un discours nécessaire lorsqu’on se permet d’attaquer la vérité et la probité des autres. Sinon on est très mal placé pour prétendre les exposer et l’on revient à ma première intervention: qui a décidé que les gens de Cash Investigations étaient des références morales? C’est un premier point.

    Second point: les petits enfants qui bossent à l’autre bout du monde, c’est effectivement plus vendeur. Mais c’est aussi une avanie bien française que d’aller s’occuper de (ne pas) résoudre les problèmes lointains, des autres (avez-vous revendu votre téléphone mobile? Jeté votre ordinateur portable? Engagé une action quelconque contre ces sociétés? Constaté un rejet massif de ces produits par vos voisins?), plutôt que de s’occuper des siens, ici.

    Enfin, troisième point, revenons à Plenel. Au risque de passer pour un monomaniaque, je n’ai pas vu/lu/entendu un seul journaliste faire la moindre remarque lorsqu’il a écrit au Procureur de la République de Paris, se transformant en auxiliaire de justice. Quand j’en ai parlé à des amis de la profession, ils ont tous éludé, botté en touche, et ils travaillent pour des organes concurrents. D’un point de vue déontologique, ce courrier était discutable, mais d’un point de vue intellectuel et philosophique, il l’était plus encore, même en s’abritant derrière Camus (ce n’est pas vous qui l’avez fait, je sais). Quand le magazine du Monde a consacré un long dossier à M. Edwy, la journaliste qui l’a rédigé avait sa langue tellement enfoncée dans son fondement que s’en était indécent. Lui et sa bande sont invités et très rarement contredits par leurs confrères – voire encensés – sur de très nombreux plateaux télé et radio. J’en conviens, le Canard Enchaîné ne les aime pas, mais ils lui font de la concurrence, ceci explique peut-être cela. Et, pour cette histoire fiscale, le silence général peut s’interpréter dans l’autre sens: aucun organe de presse n’a crié au scandale lorsque Plenel a abusivement détourné un article de loi au profit de son journal. Enfin, par comparaison, quand le journaliste de France TV dont j’ai oublié le nom a sorti l’histoire du Mur des Cons du Syndicat de la magistrature (je sais, il y avait Sarko et des mecs de droite dessus, ça justifie tout – Mais quid de M. Escarfail, également épinglé?), non seulement il a été présenté par ledit syndicat comme un social-traître sans que personne ne prenne sa défense, mais il a été attaqué par des syndicats de journalistes et mis à pied sans que, là encore, personne ne le soutienne dans la profession. Son information, sur la très grande partialité politique, revancharde et affichée d’une frange non négligeable de la magistrature était-elle inutile pour le public qui, un jour, peut se retrouver confronté à un adhérent de ce syndicat dans le cadre d’un procès? Plenel est quand même très largement soutenu, ne vous en déplaise.

    Commentaire par epeire — 15/11/2014 @ 08:24

  21. Je ne vous cherche pas, ni vous ni personne ! Je ne suis pas dans une logique de confrontation (au sens d’affrontement) mais dans une démarche d’échange, pouvant amener une « prospérité mutuelle » de l’esprit.

    Ceci dit, je pense que le large soutien dont M. Plenel bénéficierait au sein de la profession, selon vous, tient plus d’une impression que d’une réalité. C’est un avis personnel, je ne dispose d’aucun élément concret, objectif, me permettant de le présenter comme fait mesurable et dûment mesuré.
    C’est une sentiment diffus, qui m’est inspiré par certains silences gênés des confrères, par certains commentaires sarcastiques, lus ici et là, au lendemain du cri de vierge outragée qu’a poussé M. Plenel en apprenant les chicaneries que lui faisait le Fisc.

    Concernant Clément Weill-Raynal (puisque c’est de lui qu’il s’agit, pour la révélation du Mur des Cons), j’ai moi aussi été plus que surpris par la réaction des syndicats à son endroit.
    Mais ça fait longtemps que les syndicats me navrent, et la complaisance dont ils font preuve, dans leur état de fossilisation avancée, ne plaide pas en leur faveur.
    A leur propos, j’attendais beaucoup du procès de M. Gautier-Sauvagnac, maître ès lubrification-des-relations-sociales… Las ! l’omerta a une fois de plus prévalue.
    Les arguments des deux parties m’ont également convaincus, ce qui, vous l’avouerez, n’aide pas à trancher. La politisation des juges est une tarte à la crème, que de nombreux acteurs publics utilisent pour tenter de disqualifier une institution qui peut leur chercher noise, et entraver on ne sait quelle marche (forcément triomphale !) en avant.
    Peut-être vos activités vous exposent en public ? Alors je comprends certaines de vos inquiétudes.
    En ce qui me concerne, je ne pense pas avoir jamais à craindre quelque orientation politique que ce soit de quelque magistrat que ce soit. J’aimerais qu’on dépense autant de salive et d’énergie à dénoncer (et réparer) le manque criant de moyens dont souffre la Justice… ça aiderait plus sûrement à pacifier les rapports entre justiciables et magistrats que tous les procès en sorcellerie auxquels on assiste régulièrement.

    Le numéro de Cash Investigation qui est à l’origine du billet d’Aliocha m’a beaucoup intéressé, car il a abordé par la bande tout un tas de sujets méritant à eux seuls une (plusieurs ?) enquêtes. En vrac : la connivence des journalistes, chouchoutés de façon incroyable par les fabricants de téléphones portables, la com’ qui a émasculé les industriels au point de devenir leur unique truchement pour toute parole publique, le profit pour unique horizon, indépassable…

    Je reconnais volontiers ne pas avoir jeté à la poubelle ni téléphone portable, ni ordinateur après avoir vu ce reportage. Je pense à l’effet papillon, et me dit qu’on ne sais jamais vraiment ce que donnera la plus petite des graines que l’on sème.

    Commentaire par Zarga — 15/11/2014 @ 12:19

  22. @ epeire

    Certes, l’opinion publique espère toujours une « justice neutre ».

    Sauf qu’il faut éviter de confondre volontairement ou non deux notions très différentes : l’impartialité et la neutralité.

    Alors que la première est une nécessité, la seconde est un mythe dangereux.

    Prétendre que les juges doivent être neutres, c’est leur dénier de penser. Entre la loi et le cas particulier, il y a pourtant un interstice, qui est rempli par le juge avec sa conscience, ses valeurs, ses opinions, ses affects même, qu’on le veuille ou non.

    Le juge est là pour ça, pour être humain, ce qu’il est de toute façon ! Il faut arrêter de vouloir le neutraliser !

    L’impartialité est une notion différente et essentielle. Elle suppose que le juge n’est pas d’intérêt à la solution du problème concret qui lui est posé, qu’il ne préjuge pas, qu’il ne s’enferme pas dans le prêt-à-juger, qu’il se méfie de lui-même. L’impartialité doit être protégée par une déontologie, mais aussi par des garanties objectives, comme la collégialité, malheureusement souvent mise à mal par le pouvoir politique.

    La question est alors de repenser ce qu’on appelle une « impartialité objective », car on en vient alors doucement et sûrement au nom de l’importance de l’apparence, à construire une figure impossible du juge.

    En effet, certains pensent par exemple qu’il est gênant que trois femmes jugent un homme prévenu d’agression sexuelle…Et trois hommes, ce serait gênant ? Et, un ancien député UMP, non ? On a vu des magistrats mis en cause parce qu’ils avaient un patronyme juif…De même, à en croire certains, un membre du SM serait par définition partial quand on sait que ce syndicat est minoritaire alors que l’USM classée à droite représente 60% des magistrats !

    Au surplus, surtout lorsque l’on sait aussi que la plupart des magistrats sortent des facultés de droit qui ne sont pas vraiment des repaires de gauchistes.

    Faut-il être un homme ou une femme pour juger un homme ou une femme ? Faut-il être de droite ou de gauche pour juger une personne de droite ou de gauche ? Faut-il être blanc ou noir pour juger un blanc ou un noir ? Etc. Ces questions sont évidemment absurdes, mais l’idéologie neutraliste y conduit tout droit.

    Et pour reprendre, en substance, la réflexion d’un magistrat sur des libres propos tirés, précisément, du « Mur des cons » selon lui : « Deux écueils doivent être impérativement évités. D’abord, nier l’humanité du juge et ainsi le dépolitiser, au sens fort, faire comme s’il était une coquille vide. Ensuite, réduire l’exercice du métier de magistrat à des considérations politiciennes. La vérité complexe de ce métier, c’est qu’il est en prise directe avec des questions très politiques mais que, dans le même temps, la matière judiciaire est irréductiblement concrète, particulière. Nous avons besoin de juges humains, voilà tout. Le reste est du bavardage stratégique destiné à affaiblir l’autorité judiciaire. »

    Je précise que je ne suis pas magistrat !

    Commentaire par Le Chevalier Bayard — 15/11/2014 @ 17:28

  23. Avez-vous regardé le reportage sur l’histoire du Capitalisme sur Arte ?
    C’est assez édifiant et tente de montrer comment on est tombé dans l’individualisme forcené…

    Commentaire par Michael — 18/11/2014 @ 21:53

  24. Bien sûr, Aliocha, vous avez raison : ils sont énervants et contre-productifs, ces communicants professionnels. Ceci dit ils ont, eux et ceux qui les emploient, une certaine excuse : la capacité sans limite du journaliste moyen à simplifier abusivement des propos et à les sortir de leur contexte les rend absolument terrifiants. Surtout s’ils ont une thèse.

    Je n’ai pas de sympathie particulière pour Bill Gates ni pour l’industrie du smartphone, mais imaginez-vous à sa place : non à sa place de milliardaire mais à sa place de profiteur indirect d’un système d’exploitation des pauvres. Un journaliste armé d’une caméra vient vous voir, vous Aliocha ou moi Qoheleth, et vous dit « et alors ça ne vous dérange pas plus que ça que l’ordinateur sur lequelle vous êtes en train de taper votre texte ait été fabriqué avec les larmes et le sang de petits enfants exploités ? »

    Je ne sais pas vous, mais moi je fais comme Bill : je décampe, braquant le regard sur l’horizon. Oui, le journaliste m’aurait mis en face d’une vraie question sur moi-même, et oui il serait intéressant que je puisse y répondre, mais il me faudrait y réfléchir pas mal, me remettre les idées en ordre. Comme aux écrits du bac : « vous avez deux heures ». Attendre une réaction directe, caméra à l’épaule, c’est déloyal. Ce n’est pas une interview, c’est un piège ; le journaliste suinte de malveillance et sait qu’il n’y a pas de bonne réponse à sa question. Donc il n’y a pas de bonne façon de réagir sauf à avoir une réponse construite toute prête, et encore : celle-ci serait probablement « trop compliquée pour le public » et le journaliste la couperait au montage.

    Je précise tout de suite que je n’ai pas la télévision et présente donc probablement une caricature injuste du travail de Mme Lucet, j’en suis conscient ; je veux juste souligner ce que le mot « journaliste » évoque pour le genre de gens qu’elle a tenté d’aborder.

    Et voilà le cercle vicieux : journalistes manichéens avides d’une façon tranchée de présenter le monde, gens « exposés » (patrons etc.) terrorisés par l’espèce, armée de communicants s’assurant que toute information qui sort est totalement lisse et sans aucun intérêt, journaliste frustré redoublant d’agressivité dans ses méthodes, et ça continue.

    Les torts me semblent être des deux côtés. Côté journalistes, franchement et même si c’est loin d’être une généralité, on manque énormément de culture et de sens de l’équilibre. Votre blog regorge de contre-exemples réconfortants, mais aussi d’exemples flagrants. Personne n’a envie d’être filmé en train de répondre à ce genre de gens. Par contre les « décideurs » et autres personnes publiques de tous poils ont un vrai problème pour faire face à la réalité, et ne se rendent en particulier pas compte que les professionnels de la communication, auxquels ils donnent tant de pouvoir sur leur image, n’ont d’autre critère que d’arrondir tous les angles, ce qui, je vous suit tout à fait là-dessus, peut être mortel.

    Commentaire par Qoheleth — 20/11/2014 @ 00:21

  25. Je suis assez partagé sur cette émission. La mise en scène me gène un peu : Madame Lucet arrachant la vérité cachée par les grands méchants industriels. A vrai dire, les conditions dans lesquelles sont fabriqués les smartphones ne sont pas une surprise. Je ne fréquente pas les milieux autorisés, je ne suis pas l’actualité avec assiduité, pourtant je n’ignorais pas que les smartphones sont fabriqués par des enfants et dans des conditions mettant en jeu la santé ou la vie de ses salariés ainsi que l’environnement. Je crois même qu’il y a plus de 5 ans un reportage avait diffusé sur Arte à propos de région dévastée en Amérique Latine et devenue inhabitable en raison de l’exploitation du lithium. Donc après avoir vu le reportage, j’ai tout de même qu’il s’agit d’enfoncer des portes ouvertes tout en faisant énormément de bruit.

    On peut toutefois admettre l’intérêt de délivrer ces informations dans une émission populaire, et de faire ainsi entrer d’une manière évidente ces questions dans le débat public. Cependant je reste surpris par la naïveté de mes concitoyens. Comment pensaient-ils qu’étaient fabriqués leurs tablettes et smartphones ? On peut effectivement critiquer les grands méchants industriels, et il y a de quoi faire, mais j’ai hélas l’impression que cela permet surtout aux téléspectateurs – consommateurs de se dédouaner de leur propre responsabilité. Lorsque l’on voit les équipements de chacun en matière d’écran, de tablette, d’ordinateur, de smartphone il y a quelque chose d’indécent, d’autant plus si on compare la plus-valu apportée par ces équipements par rapport à leurs coûts sociaux et environnementaux. Et cette façon de Mme Lucet de désigner des coupables, en les maltraitant un peu pour satisfaire les penchants sadiques des téléspectateurs – consommateurs frustrés, participe à cette déresponsabilisation.

    Commentaire par Seb. — 28/12/2014 @ 20:28

  26. Oui Seb, fabriqué des coupables et leur en remettre une couche, tout une propagande sado maso, mine de rien.

    Commentaire par georges dubuis — 29/12/2014 @ 00:37


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