Ah ! Comme nous aurions dû nous méfier au moment de l’affaire DSK ! Souvenez-vous, à droite comme à gauche tout le monde a pensé à peu près la même chose : bon sang, en pleine crise nous avions besoin des compétences économiques de cet homme-là et voilà qu’une sombre affaire de sexe vient le griller politiquement, c’est pas de pot. En fait, la sinistre mésaventure était prémonitoire. Avec le recul, il faut bien se rendre à l’évidence, le sexe n’est pas la petite faiblesse qui a perdu DSK, mais l’obsession de la majorité en général. Entre nous, voilà quand même bientôt deux ans qu’on ne parle absolument que de cela. A croire que la crise économique a totalement disparu.
Novembre 2012 – Avril 2013 : le mariage pour tous
Souvenez-vous. Tout a commencé avec le mariage pour tous. Mine de rien, le sujet a fait la Une des médias de novembre 2012, date du dépôt du projet de loi à l’assemblée jusqu’à son adoption en avril 2013, et même un peu après car la Manif’ pour tous a refusé de poser les drapeaux et d’admettre sa défaite. Durant toute cette période, certains vous diront qu’on a parlé d’égalité, en effet, celle du fond du caleçon. En février dernier, il y a eu un pic avec deux sujets sexuels à la une : tandis que le mariage pour tous continuait sa chaotique avancée, l’ouvrage de Marcela Iacub décrivant sa liaison avec DSK tentait de lui voler la vedette dans une pantalonnade politico-porcine pompeusement dénommée « littérature » dans les bistrots de St Germain-des-Prés. Certes, entre décembre 2012 et mars 2013, Jérôme Cahuzac a eu le bon goût de nous rappeler qu’il n’y avait pas que le cul dans la vie, que le fric ça comptait aussi, même au sein de la gauche morale tendance Savonarole. Ensuite, les choses se sont tassées un peu. Enfin, pas tout à fait puisque entre septembre et décembre 2013, la France s’est passionnée pour….mais si réfléchissez…Vous y êtes ? Le projet du gouvernement de pénaliser les clients des prostituées. D’où le Manifeste des salauds et tout le cirque, les sujets cul ayant en France une forte puissance polémique. Et puis fin décembre, alors qu’on apprenait avec horreur entre la dinde de Noël et les pétards du Nouvel An, que finalement la promesse d’inverser la courbe du chômage ne serait pas tenue et qu’aucun sujet cul ne venait tempérer médiatiquement les effets calamiteux de cette nouvelle extra-sexuelle, une indignation aussi légitime qu’opportune s’est emparée du ministre de l’Intérieur à l’encontre des spectacles de Dieudonné. Ouf, grâce à cela, on a fini l’année sur une note très à gauche dans l’esprit, mais au-dessus du caleçon, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Entre nous, il y avait pourtant des annonces de projet de loi à faire : débaptiser la position du missionnaire au nom de la laïcité, obliger les couples hétérosexuels à inverser les rôles au lit régulièrement et à en rendre compte sous forme de déclaration administrative annuelle au nom de l’égalité, poser le principe constitutionnel une fellation = un cunnilingus et plus généralement engager le vaste chantier de l’étude du genre des mots pour s’assurer que tous les termes à connotation négative ou bien liés à l’enfant seront désormais masculins ou neutre et non plus féminins. Sans compter toutes les autres idées qui ne me viennent pas là à l’instant, mais dont je ne doute pas qu’elles surgiront dans l’esprit de quelque association sexuellement obsédée.
10 janvier : l’annonce de la liaison
Hélas, dès le 10 janvier, le sexe roi s’imposait de nouveau en Une des médias alors que Closer étalait sous nous yeux incrédules les chaussures parfaitement cirées d’un passager de scooter casqué dont on nous disait qu’elles révélaient sans l’ombre d’un doute l’existence d’une liaison de notre président avec une actrice. La chose nous a occupés jusqu’à aujourd’hui. Il faut dire que d’un point de vue médiatique, c’est une manne. Le sexe, c’est vendeur. Et comme depuis le départ il s’agit de sexe politique lié à des causes nobles ou bien à des enjeux sensibles, la presse sérieuse peut en profiter comme sa consoeur des chiottes, le papier comme la TV et bien moins que le web. On a tout eu, l’aveu tacite, l’hospitalisation de la femme trahie, l’enquête sur l’heureuse élue, la répudiation, la fuite en Inde, le retour, les confidences en Une moins d’une semaine après la rupture, l’annonce d’un livre, le glosage à l’infini sur la première dame, son absence de statut, le protocole, la sécurité, l’hypothèse d’une présidence célibataire (oui, le socialiste trousse mais il n’épouse pas, c’est ce qui le distingue en mieux du type de droite), les ex, et même une polémique sur la marque du scooter. Personne n’a osé aborder la question des préservatifs et c’est dommage, il y avait là un beau sujet : la France dispose d’un savoir-faire exceptionnel en la matière, dit-on. Et puis qu’adviendrait-il si notre président chopait un petit embarras par là ? Voilà qui ferait désordre sur les bulletins de santé…
Fin janvier : des sex toys à la crèche
Mais comme déjà cette affaire s’essoufflait un peu, nous avons eu droit en fin de semaine à un nouveau scandale sexuel. Des parents affolés par une rumeur selon laquelle on enseignait la masturbation en maternelle sur fond de théorie du genre ont retiré leurs enfants des écoles. La théorie du genre, c’est un peu comme le monstre du Loch Ness ou le Yéti, certains ont vu la chose, de sorte qu’on en parle, mais personne n’a la preuve formelle que ça existe. Sauf les socialistes qui ont commencé par en parler benoitement sur fond de mariage pour tous, avant de découvrir que ce qui les faisait rêver n’enthousiasmait pas forcément tous les français avec autant de force, et de se mettre à en nier l’existence avec une vigueur parfaitement priapique. Mais me direz-vous, tout ceci n’était qu’une intox orchestrée par des extrémistes. En effet. Qu’on se rassure, il n’y a pas de sex toy dans les paniers de jouets d’éveil des classes de maternelle. On ne prête qu’aux riches. Si les extrémistes attaquent ce gouvernement sur le cul, c’est qu’ils ont détecté son point G qui se trouve être aussi son point faible. En toile de fond, n’oublions pas les régulières interventions des Femen qui sortent seins nus par tous les temps et ont même choisi récemment de renforcer leur combat en urinant devant les caméras. Ce n’est pas la faute du gouvernement, m’objectera-t-on. Non, à ceci près que notre président laisse un artiste s’inspirer de l’égérie du mouvement Femen pour dessiner la Marianne de nos timbres.
La solution miracle
Le cul, vous dis-je, voilà le fil rouge de la politique de la France actuellement, ce qui occupe notre gouvernement nuit et jour et passionne les médias sans discontinuer depuis mai 2012. Je laisse à des esprits plus éclairés que le mien le soin de décrypter ce que cela signifie politiquement. Pour ma part, le sexe érigé en projet collectif, ça me laisse rêveuse. Et encore, si face à la crise il s’agissait de faire « bander la France », pour reprendre la formule d’un vieux chanteur de droite, je dirais pourquoi pas ? Mais je doute que ce soit l’objectif, trop macho dans l’approche. D’ailleurs, je regrette de l’avoir seulement évoqué, cela suffit à vous attirer les rodomontades d’Osez le féminisme sur le fait que le clitoris est plus long que le pénis et patati et patata. On dit que chez les singes Bonobo le sexe est un outil de paix sociale. Sans doute est-ce plutôt de ce côté qu’il convient de chercher. A l’évidence, pour notre gouvernement, la solution à la crise ou plutôt au problème que soulève son impuissance face à la crise, c’est le cul. Le cul distrait, le cul console. Mieux, il valorise. J’ai souvenir d’avoir entendu sur un plateau de Mots Croisés un grand intellectuel dire que l’aventure Gayet servait François Hollande car elle révélait une vigueur insoupçonnée chez cet homme habituellement décrit comme hésitant, voire franchement mou par ses détracteurs… Hourra, le président est dur ! Il est urgent de prévenir le FMI, la France a un projet pour sortir la planète de la crise : le cul. Il suffisait d’y penser. Entre nous, la presse étrangère n’a pas fini de rigoler.