Samedi 26 mars 2011. Une femme, Eman Al-Obeidi, entre à l’hotel Lixos à Tripoli où réside la presse internationale. Elle appelle les journalistes à l’aide. Ouvrant ses vêtements, elle montre ses blessures et assure avoir été violée pendant deux jours par les soldats de Kadhafi. Les journalistes se mettent à filmer, tentent de la protéger, mais les services de sécurité de l’hôtel s’emparent de la jeune femme et la jettent dehors. Elle est folle dit l’un d’entre eux. Ivre assure un autre. Folle ou ivre ? Peut-être les deux. Voilà une affaire qui montre toute la difficulté du journalisme. Pour les journalistes occidentaux présents, que l’on tient enfermés dans l’hotel, cette irruption fortuite est une occasion inattendue de s’extraire des discours officiels et des parcours obligés. Son récit est crédible, ses blessures cohérentes avec ses accusations, mais dit-elle pour autant la vérité ?
Un homme affirmant qu’il est son cousin dit qu’elle a été arrêtée parce qu’elle vient de Benghazi. Sa propre soeur en revanche prétend qu’elle est folle. Les habitants de Benghazi la soutiennent.Les forces de l’ordre maintiennent qu’elle est dérangée. Qui croire ? La tentation est forte de se ranger derrière cette victime providentielle qui pourrait même devenir une icône de la situation en Libye. Surtout pour des médias occidentaux en mal d’information sur la situation réelle du pays et de sa population. Le monde.fr met bien en lumière la complexité du sujet. Il faut lire un article sur Magharebia pour apprendre qu’elle serait avocate et surtout rompre avec le conditionnel méfiant que je viens d’utiliser comme tous mes confrères qui ont relayé l’information en France. D’après Le Point, elle a été relachée.
Si elle est réellement victime, ces doutes sont tout bonnement insoutenables. Si elle ment, alors on peut songer qu’après tout d’autres ont pu vivre ce qu’elle décrit, et qu’à défaut d’être vraie, son histoire est emblématique de la souffrance d’un peuple sous la domination d’un tyran au crépuscule de son règne. C’est une liberté que pourrait s’offrir un romancier, un politique, voire quelque philosophe parisien médiatique, mais pas un journaliste. En l’état, la seule vérité journalistique est celle-ci : le samedi 26 mars 2011 une femme est entrée dans l’hotel Lixos à Tripoli. Montrant ses blessures, elle a raconté en sanglotant (je n’étais pas présente, donc sous toutes réserves) qu’elle avait été violée durant deux jours par des soldats de Kadhafi.
La Vérité est un songe inaccessible que les journalistes ne cessent de poursuivre…
Mise à jour 31 mars, 21h13 : Amnesty International prend la défense d’Eman Al-Obeidi.
La Vérité, ce songe inaccessible
Samedi 26 mars 2011. Une femme, Eman Al-Obeidi, entre à l’hotel Lixos à Tripoli où réside la presse internationale. Elle appelle les journalistes à l’aide. Ouvrant ses vêtements, elle montre ses blessures et assure avoir été violée pendant deux jours par les soldats de Kadhafi. Les journalistes se mettent à filmer, tentent de la protéger, mais les services de sécurité de l’hôtel s’emparent de la jeune femme et la jettent dehors. Elle est folle dit l’un d’entre eux. Ivre assure un autre. Folle ou ivre ? Peut-être les deux. Voilà une affaire qui montre toute la difficulté du journalisme. Pour les journalistes occidentaux présents, que l’on tient enfermés dans l’hotel, cette irruption fortuite est une occasion inattendue de s’extraire des discours officiels et des parcours obligés. Son récit est crédible, ses blessures cohérentes avec ses accusations, mais dit-elle pour autant la vérité ?
Un homme affirmant qu’il est son cousin dit qu’elle a été arrêtée parce qu’elle vient de Benghazi. Sa propre soeur en revanche prétend qu’elle est folle. Les habitants de Benghazi la soutiennent.Les forces de l’ordre maintiennent qu’elle est dérangée. Qui croire ? La tentation est forte de se ranger derrière cette victime providentielle qui pourrait même devenir une icône de la situation en Libye. Surtout pour des médias occidentaux en mal d’information sur la situation réelle du pays et de sa population. Le monde.fr met bien en lumière la complexité du sujet. Il faut lire un article sur Magharebia pour apprendre qu’elle serait avocate et surtout rompre avec le conditionnel méfiant que je viens d’utiliser comme tous mes confrères qui ont relayé l’information en France. D’après Le Point, elle a été relachée.
Si elle est réellement victime, ces doutes sont tout bonnement insoutenables. Si elle ment, alors on peut songer qu’après tout d’autres ont pu vivre ce qu’elle décrit, et qu’à défaut d’être vraie, son histoire est emblématique de la souffrance d’un peuple sous la domination d’un tyran au crépuscule de son règne. C’est une liberté que pourrait s’offrir un romancier, un politique, voire quelque philosophe parisien médiatique, mais pas un journaliste. En l’état, la seule vérité journalistique est celle-ci : le samedi 26 mars 2011 une femme est entrée dans l’hotel Lixos à Tripoli. Montrant ses blessures, elle a raconté en sanglotant (je n’étais pas présente, donc sous toutes réserves) qu’elle avait été violée durant deux jours par des soldats de Kadhafi.
La Vérité est un songe inaccessible que les journalistes ne cessent de poursuivre…
Mise à jour 31 mars, 21h13 : Amnesty International prend la défense d’Eman Al-Obeidi.