Par une curieuse association d’idées dont il a le secret, le dessinateur de ce blog a décidé de s’en prendre aux burqas et à la vague de froid. Sans doute le manque de soleil pèse-t-il sur son âme de créatif… Plus sérieusement, j’ai lu récemment sur le sujet (la burqa, pas la neige bien sûr) deux billets qui m’ont également convaincue dans deux sens différents, et même soyons clair, opposés. Hugues Serraf revendique la liberté de s’habiller comme on veut, y compris de se déguiser en fantôme. C’est ici. Elisabeth Levy pour sa part stigmatise la « débandade » de notre cher gouvernement (savoureuse ambiguïté du vocabulaire en l’espèce !) et réfute la soi-disant impossibilité juridique d’interdire la burqa. Pour mémoire, nous avions eu ici même un passionnant débat sur le sujet grâce au témoignage de DAZahid que je salue (commentaire 40 et suivants sous le billet). Et me voici donc au milieu du gué, tiraillée entre la sacro-sainte liberté de s’habiller d’un côté (tiens, il faudrait l’inscrire dans la Constitution celle-là) et, de l’autre, la dignité de la femme, la défense de la laïcité et la lutte contre l’extrémisme. Je ne sais, pas, je ne sais plus où se situe la liberté dans ce débat. Du coup, et pour ne pas être toute seule à me torturer ainsi, je vous propose, un peu cruellement je l’avoue, de les lire tous les deux. Bon week-end !
30/01/2010
28/01/2010
27/01/2010
Haïti ou les raisons de l’oubli
J’ai beaucoup lu sur Internet ces derniers temps, à propos d’Haïti, que certains pays oubliés de tous n’intéressaient les médias qu’en cas de catastrophe. C’est une question en effet fondamentale, mais qu’on ne peut pas évacuer d’un énième coup de gueule contre « ces charognards de journalistes ». C’est pourquoi, je vous recommande l’excellent travail d’analyse sur le sujet réalisé par Marc Mentre, journaliste depuis 30 ans et responsable de la filière Journalisme à l’Ecole des métiers de l’information-Cfd, sur son blog Mediatrend. Erreurs, starification de certains journalistes, mais aussi dévouement de certains autres, témoignages sur l’horreur de la situation, angle de traitement de l’information, tout est passé au crible. C’est intelligent, documenté et passionnant à lire.
Mise à jour 15h06 : Ayant observé que les lecteurs cliquaient assez rarement sur un lien si l’auteur du billet ne prenait pas le temps de citer un extrait du document susceptible de donner envie de le lire, je reproduis donc un paragraphe de l’article parce que, franchement, il mérite le déplacement :
« Une fois sur place, il faut travailler. Les conditions sont extraordinairement éprouvantes. Jean-Claude Delaloye, de La Tribune de Génève raconte:
“En treize ans de journalisme, j’en ai vu des horreurs, des pays en crise et de la détresse. Rien ne pouvait pourtant me préparer à ce que j’ai vécu en Haïti. Je n’avais jamais pleuré pendant une interview, mais la vision de Shandley André, 13 ans, sur son lit dans la cour de l’hôpital général de Port-au-Prince à quelques mètres des corps abandonnés dans la boue, a été trop forte. L’enfant souffrant de multiples fractures et en attente d’une greffe de peau sur le crâne ne pouvait même plus crier sa douleur.”
Il explique “ce malaise d’avoir du être spectateur alors qu’il aurait fallu être acteur.” Il ajoute: “En Haïti, il n’était toutefois pas possible de regarder sans rien faire. Des journalistes ont participé à des sauvetages de victimes, lu des histoires à des enfants blessés, étreint des rescapés, aidé des infirmiers.” [lire Sans Blessures apparentes de Jean-Paul Mari, grand reporter au Nouvel Observateur, qui était d’ailleurs à Haïti]
26/01/2010
Au théâtre hier soir
Je me demandais quel débriefing vous proposer sur l’émission d’hier soir – il y avait tant à dire -, lorsqu’Arnaud a laissé ce commentaire sous le précédent billet :
« Moi j’ai bien aimé l’émission. Ca nous change des interviews habituelles sans intérêt.
Sérieux… je regarde régulièrement les interviews/débats sur les chaînes infos, et c’est de plus en plus insupportable. Les journalistes se foutent complètement du fond de l’info; tout ce qu’ils veulent c’est des petites phrases, pousser leur interlocuteur à dire du mal d’un autre, de préférence de son propre camp (spécialité de Bourdin par exemple).
Il n’y a plus de journalistes. Il ne reste que des éditorialistes qu’on paye pour qu’ils donnent leur avis, comme au coin d’un zinc ».
Cher Arnaud, autant vous le dire tout de suite, j’ai aimé aussi. Et tant pis si ça m’oblige à revenir en partie sur les craintes que je formulais ici même avant le début de l’émission. Les citoyens choisis pour interviewer le Président s’en sont plutôt bien sortis. Mention spéciale à la productrice de lait et au syndicaliste dont le franc-parler m’a fait rêver, un instant de déraison, que nous les journalistes soyons un jour capables de les égaler. L’organisation du plateau, les interventions de Jean-Pierre Pernaut, tout ça était correctement réglé de sorte que nous avons échappé à la catastrophe que j’anticipais. Toutefois, si l’opération de com’ ne fut pas ridicule comme on pouvait le craindre, elle eut cependant lieu et elle fut même magistralement orchestrée. Je ne doute pas que les détracteurs viscéraux de Nicolas Sarkozy continueront de le haïr, peut-être plus encore d’ailleurs aujourd’hui qu’hier. Mais pour tous les autres, les déçus, les hésitants, les pas sûrs d’eux, il a fort bien joué.
Ce caractère plaisant serait dû selon vous au fait qu’on avait remplacé les journalistes par des citoyens ? Je suis encore d’accord. C’est ensuite, que je ne vous suis plus. Sans doute parce que nos visions respectives de ce que doit être une interview présidentielle divergent. Ce n’est pas parce que le spectacle a été plaisant qu’il a été bon, démocratiquement s’entend. Oh, ne craignez rien, je ne vous servirai pas ici le couplet du journaliste-gardien de la démocratie, les précédentes interviews ont montré qu’en pratique, sur le terrain présidentiel, il n’en n’était rien. Il faut croire que c’est l’une des nos nombreuses spécificités françaises : on ne sait pas, ou on ne peut pas, interviewer sérieusement nos monarques. Pas plus Giscard que Mitterrand ou Chirac d’ailleurs, ça ne marche jamais. C’est toujours orchestré et donc creux, faux, décevant, quand ça ne devient pas onctueux et servile.
La force de l’émission d’hier fut de corriger cette impression de fausseté en introduisant un élément de vérité : les vrais gens. Dehors ! les journalistes cherchant, comme vous dites, la petite phrase, la vacherie sur l’adversaire et se moquant du fond. A leur place, de vrais gens avec de vrais problèmes qui ont apporté une touche indéniable d’authenticité. Ah ! La magie de la com’. Avec quel art est-elle capable de faire passer des mirages pour la réalité. Du coup le président apparut également sincère, attentif, compréhensif, et surtout empathique. Traire les vaches ? Il admire, lui même ne saurait pas le faire. Délocaliser ? Une honte ! Vivre avec 400 euros de retraite ? Insupportable. Mais il est là, et tout ce qu’il n’a pas déjà résolu, il va le résoudre.
Je vous accorde que, pour qui ne le déteste pas, et il se trouve que ne le déteste pas, il a été bon. Mais franchement, c’est quand même plus facile de compatir à la souffrance d’un chômeur que de s’expliquer face à des journalistes sur la manière dont on va résoudre le chômage, non ? Le problème, c’est que la politique ne saurait se réduire à un spectacle plaisant à regarder. Or, c’est cela que nous a servi TF1, un spectacle où l’information s’est trouvée totalement absorbée par la comédie. Vous avez vu une pièce de théâtre, rien d’autre. Avec un comédien professionnel rompu à l’art de l’improvisation rhétorique, face à des amateurs aussi sincères qu’inoffensifs. Une sorte de Star’Ac politique. Entre nous, je ne jurerais pas que le Président n’était pas sincère. Il est possible que cette mascarade ait été plus proche de la réalité que les caricatures de lui que nous servent régulièrement ses détracteurs de l’intelligentsia parisienne. Mais là n’est pas la question. Si on plebiscite cette politique spectacle, on risque un jour de le payer très cher.
De fait, même loupées, je trouve que les interviews présidentielles par des journalistes ont le mérite de fixer des limites aux errances de la communication. Paradoxalement, elles sont plus authentiques que ce que vous avez vu hier.
Au fait, avez-vous regardé le poignet du Président ? Il avait troqué sa Rolex contre ce qui m’a semblé être une Swatch. Il est vrai qu’au théâtre, les accessoires, ça compte…
Mise à jour du 29 janvier : C’est un commentaire (n°19) sous ce billet repris chez Marianne 2 qui a attiré mon attention. L’auteur indique que la montre est une Patek Philippe et a été offerte au président par son épouse. Vérification faite, ce n’est pas une Swatch en effet, maintenant, ne connaissant rien aux montres, je vous laisse vérifier par vous-mêmes avec cet aggrandissement. En attendant, et même s’il s’agit bien d’une montre plus discrète que la Rolex rendue célèbre par Séguéla, je retire ma conclusion et présente mes excuses aux lecteurs de ce blog pour cette insinuation dénuée de fondement.
25/01/2010
Nicolas Sarkozy et les « vraies gens »
Ah! Qu’elle va être belle notre grande soirée politique sur Tf1 ce soir. Une interview de Nicolas Sarkozy au Journal de 20h par la très pugnace Laurence Ferrari, suivie d’un débat avec des vrais de vraies gens orchestré par le journaliste préféré des français, Jean-Pierre Pernaut. Il ne manque plus qu’une rencontre avec Casimir en clôture de cérémonie pour que le tableau soit complet. Ou bien tenez, un épisode de « Bonne nuit les petits », ça serait pas mal, non ?
Cette pitrerie médiatique aura eu au moins le mérite de rafraîchir la mémoire de mes confrères qui, même à Libé, rappellent ce matin en coeur que l’Elysée a toujours choisi ses journalistes et ses formats d’émission. En ce sens, Nicolas Sarkozy ne fait que poursuivre la tradition. Dès lors, j’ai du mal à départager dans cette affaire ce qui relève, dans les protestations outagées, du Sarko-bashing primaire, de ce qui pourrait témoigner d’une évolution des attentes de la société à l’égard d’une plus grande indépendance des médias. Pour ce qui me concerne, je ne vois pas au nom de quoi le fait que l’Elysée ait toujours fonctionné ainsi justifierait que la tradition perdure. Ce d’autant plus que Nicolas Sarkozy devait être, selon ses dires, le président de la rupture avec les vieilles crispations françaises. Voilà qui peut être entendu de deux manières. Comme une libération des anciennes pesanteurs ou comme une émancipation du respect d’un certain nombre de valeurs fondamentales et de pudeurs justifiées. J’ai peur que nous ne soyons trop souvent dans la deuxième hypothèse.
Toujours est-il que face à l’échec relatif des exercices précédents, 1 journaliste, deux journalistes, plusieurs journalistes, à l’Elysée puis sur un plateau de télévision, à Paris mais aussi à New-York, nous voici désormais sur le terrain béni de la France profonde (Pernaut) et des « vraies gens » (une dizaine, sélectionnés parmi les témoins interviewés dans les reportages de TF1, dont un patron de PME, un chomeur, un habitant des banlieues etc.). L’intérêt des « vraies gens », par rapport aux journalistes, c’est qu’ils ont de vrais problèmes, dans la vraie vie. C’est aussi qu’ils sont forcément plus indépendants que ces affreux journalistes à la solde du pouvoir, ces coquins tous copains. La faiblesse de l’exercice, car il y a quand même une, c’est que ça risque d’être difficile pour les « vraies gens » de supporter la pression du plateau de télé, des millions de spectateurs, de la présence du Président de la République et de sa redoutable rhétorique. Allez essayer d’être offensif dans un contexte pareil ! C’est un peu comme proposer à un cavalier débutant de participer à un concours de saut d’obstacle international.
On verra bien le résultat. Mais il me semble que tout ceci fleure le populisme et démontre au passage que la démission des médias ne nuit pas seulement à leur santé économique… Sous prétexte de laisser la parole aux français, nous renions notre savoir-faire et, partant notre raison d’être, nous réduisons aussi insidieusement la politique à une gestion à la petite semaine et à courte vue des problèmes individuels ou catégoriels des français. Plus de souffle, plus de vision, plus de grands débats idéologiques ni de destin commun, mais l’illusion que la politique nationale n’a d’autre vocation que la résolution immédiate des difficultés de chacun. Pendant ce temps, la politique, la vraie, se déroule à Bruxelles et dans les organismes internationaux, où se jouent le destin des peuples sous la pression des lobbys. La plus infime décision relève de l’exploit et entraîne surtout des effets de levier phénoménaux dont les conséquences plus ou moins opportunes se font sentir durant des années, voire des décennies. Mais ça, bien sûr, c’est au-dessus du niveau d’entendement de la ménagère de moins de 50 ans chère aux annonceurs. Et c’est également très loin des préoccupations des électeurs à l’approche des régionales. Où l’on voit que la télévision et les politiques ont ceci de commun, c’est qu’ils partagent la même vision erronée – méprisante ? – du public.
Et ça ne va visiblement pas en s’arrangeant.
21/01/2010
Quel silence !
Comme je l’avais subodoré, la rentrée journalistique est très chargée, d’où mon silence.
Rien que dans ma spécialité, je dénombre une dizaine de cérémonies de voeux en deux semaines (Cour de cassation, Cour d’appel, TGI, Chancellerie, Conseil de la concurrence, Autorité des marchés financiers, Tribunal de commerce, avocats etc..), auxquelles s’ajoutent les habituels colloques et conférences de presse. A chaque fois, cela représente deux heures « dehors » et environ 4 heures ensuite d’écriture, si l’information recueillie le mérite.
Je dois à la transparence de vous avouer que ces manifestations de voeux sont suivies de cocktails. Nous y voilà, songerez-vous, halte au copinage entre les médias et les puissants ! Haro sur ces journalistes qu’on achète avec des petits fours ! Entre nous, les journalistes qui pratiquent le copinage n’ont pas besoin des cocktails pour cela, déjeûners et dîners privés font bien mieux l’affaire. Pour les autres – l’immense majorité – , ces aimables sauteries sont l’occasion d’évoquer l’actualité, de nouer des contacts, de recueillir des confidences et de comprendre le dessous des cartes. C’est étonnant à quel point les gens sont détendus lorsqu’ils ont un verre à la main ! Loin des bureaux et des salles de conférence, les esprits s’assouplissent et les langues se délient. Ce sont donc des rencontres particulièrement utiles pour la presse, même si elles sont diététiquement très incorrectes, comme s’obstine à me le montrer chaque soir cet objet du diable que l’on nomme pèse-personne.
Plus sérieusement, ce marathon de mondanités frénétiques m’a inspiré quelques réflexions sur l’avenir du métier à l’aune du développement des relations virtuelles. Sans m’appesantir sur l’horripilante querelle entre journalistes et blogueurs, je lis parfois chez les uns et les autres des analyses partiellement erronées de l’actualité qui illustrent à mon sens les limites du travail sur écran. Quand je dis « erronées » j’entends des erreurs d’interprétation ou encore des procès d’intention injustes ou mal dirigés qui témoignent, quand on connaît le sujet traité, de la trop grande distance entre le sujet et son auteur. Cela ne vaut d’ailleurs pas que pour les blogueurs. Je redoute le moment où grâce ou à cause des nouveaux moyens de communication, les journalistes ne sortiront plus de leurs rédactions. On peut déjà en observer ici et là les prémisses prémices. Or, être témoin direct des événements est la seule façon de comprendre réellement ce qui se passe et de pouvoir en rendre compte. D’ailleurs, quand les blogueurs rencontrent leurs interlocuteurs, vous observerez que leur ton change du tout au tout et que leurs analyses s’expriment de manière beaucoup plus modérée. Parce qu’ils ont été achetés, séduits, influencés ? Certains, peut-être. C’est un métier de trouver la bonne distance, en plus d’être une exigence éthique quand on prétend informer le public. Mais plus généralement, parce que lorsqu’on est en prise directe avec les faits et les acteurs de l’actualité, on saisit très vite que la réalité n’est ni blanche ni noire, mais perdue quelque part au milieu d’une gamme infinie de gris. Ce qui incite à l’humilité dans les jugements et à la retenue dans les écrits. Au passage, voici qui soulève la passionnante question de l’influence des évolutions techniques sur la manière dont on représente et dont on se représente le monde, selon qu’on l’observe en direct ou par écran interposé.
Allons, j’y retourne. A très vite, comme on dit !
18/01/2010
Un scoop à tout prix ?
Claude Guéant, comme chacun sait secrétaire général de l’Elysée, évoquait hier la situation des 2 journalistes français enlevés en Afghanistan sur Europe 1.
A cette occasion, @si relève cette intéressante déclaration :
« C’est vrai que Nicolas Sarkozy, à plusieurs reprises, a dit que cette imprudence était vraiment coupable, parce qu’ils avaient été très clairement mis en garde, il leur avait été très clairement demandé de ne pas s’aventurer ainsi parce qu’il y a des risques (…) Ils font courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées qui, du reste, sont détournées de leurs missions principales. Je crois que, quand même, le scoop ne doit pas être recherché à tout prix«
Les reporters de guerre ne cherchent pas le scoop, mais simplement l’information, une information particulièrement stratégique sur ce type de sujet et donc exceptionnellement verrouillée. Mais bien sûr, on peut toujours se contenter des reportages réalisés par l’armée elle-même et disponibles clefs en mains sur le site du ministère de la défense. Vous verrez comme la guerre en Afghanistan y est belle, euh pardon, comme le dispositif français en Afghanistan est remarquable.
419,3 millions de subventions pour la presse écrite
On me pose ici souvent la question des subventions à la presse écrite. Je me suis plongée hier dans les débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2010. Il en ressort que les subventions à la presse pour l’année en cours s’élèvent à 419,3 millions, ventilés comme suit :
– 200 719 000 d’aides à la diffusion, dont 111 millions d’aides au transport postal, 5,8 millions de réduction de tarif de transport SNCF, 1,9 millions d’aide à la diffusion internationale, 70 millions d’aide au portage et 12 millions d’exonérations de charges patronales pour les porteurs.
– 11,9 millions d’aide au pluralisme, c’est-à-dire d’aide aux titres à faibles ressources publicitaires comme l’Humanité par exemple.
– 93 millions d’aides à la modernisation, dont les 20 millions dont on a beaucoup parlé aux éditeurs de presse sur Internet,
– 113 millions d’abonnement de l’Etat à l’AFP, parce que ce n’est pas anodin pour un pays d’avoir sa propre agence de presse d’un point de vue international.
En dehors de la presse écrite, voici les autres subventions aux médias :
Soutien à l’expression radiophonique locale : 26 millions
Financement de l’audiovisuel : 488 millions
Action audiovisuelle extérieure : 233 millions.
Lors de son intervention au Sénat, Frédéric Mitterand a présenté ainsi les subventions à la presse écrite :
« Avec un budget total de 419,3 millions d’euros, le projet de loi de finances permet de confirmer et de consolider les mesures exceptionnelles de soutien décidées à l’issue des états généraux de la presse écrite. L’État témoigne ainsi de sa détermination à accompagner dans ses mutations un secteur qui est, avec votre assemblée, l’un des grands creusets du débat démocratique. Il ne contribue pas à aggraver la crise de la presse, bien au contraire.
L’ambition du Gouvernement se décline en deux objectifs essentiels : accompagner résolument le secteur dans sa modernisation et le renouvellement de son modèle économique face à la révolution numérique ; soutenir le développement de la diffusion de la presse et conforter les conditions de son pluralisme et de son indépendance.
Pour ce qui concerne le premier de ces objectifs, l’État doit accompagner les efforts de modernisation du secteur et conforter sa situation économique, ce qui est le meilleur garant de son indépendance. C’est pourquoi nous soutenons en priorité les initiatives structurantes et innovantes, en assurant, sur le long terme, les conditions du développement de la presse écrite sous toutes ses formes, qu’elle soit payante ou gratuite, imprimée ou numérique.
Les crédits dédiés à la presse écrite serviront prioritairement à appuyer les efforts engagés par le secteur pour moderniser ses structures et ses modes de fonctionnement, dans le cadre d’une démarche de contractualisation permettant de définir précisément des objectifs quantifiés et des indicateurs d’efficience associés ». (extrait du compte-rendu de la discussion au Sénat sur le volet du projet de loi de finances consacré aux médias dont le lien est mentionné ci-dessous).
Pour ceux que les documents ardus n’effraient pas, je recommande la lecture du rapport de la commission des finances du Sénat dans le cadre de l’examen parlementaire du budget média ici, ainsi que le compte-rendu des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. Au-delà des on-dit et des procès d’intention divers et variés, il est toujours utile d’aller à la source pour comprendre ce qui se passe réellement. En ce sens, les débats parlementaires représentent une mine d’informations particulièrement fiables et didactiques. Par ailleurs, ils offrent un éclairage précieux sur les vrais enjeux d’un débat à travers les interventions des parlementaires de différentes sensibilités politiques. Et pour ceux qui s’interrogent sur la pertinence de ces subventions, Paul Morel, professeur de journalisme, apporte dans cet article de Mediatrend un éclairage utile.
Mise à jour du 19 janvier : Khazan fait observer à juste titre que je n’évoque ici que les aides directes. Ce sont elles qui constituent en effet le budget médias 2010 tel qu’il est présenté par le gouvernement et voté par le Parlement. Les aides indirectes sont évoquées ci-dessous dans les commentaires. Il s’agit du manque à gagner lié à la TVA réduite et des réductions de tarif postal.
15/01/2010
Cette presse que l’on foule aux pieds
Quelques mots sur la défection spectaculaire hier de Vincent Peillon lors du débat organisé sur France 2 par Arlette Chabot avec Eric Besson et Marine Le Pen.
Il fut un temps où les responsables politiques faisaient des pieds et des mains pour s’exprimer dans les médias et tout particulièrement à la télévision. Et puis le rapport de force a basculé. Ils sont devenus, eux et d’autres d’ailleurs, les maîtres de la relation médiatique, choisissant le support, le timing et même les journalistes, dictant leurs conditions, acceptant qu’untel soit invité, refusant en revanche un autre, j’en passe et des meilleurs. Dans cet exercice, Nicolas Sarkozy est bien entendu passé maître comme en témoignent ses fameuses interviews qui ne sont rien d’autre que des mises en scène de monologues. Mais il n’est pas le seul. Publics ou privés, les acteurs de l’actualité ont de plus en plus l’habitude de signifier leur mépris à l’égard d’une presse qui ne les impressionne plus guère, briefés qu’ils sont par leurs services de com’ sur la manière d’en jouer. Le temps n’est plus où la presse était le seul moyen de communiquer avec le public. Elle est désormais inscrite dans des plans de com’ plus larges et sommée de remplir sa fonction dans les conditions les plus satisfaisantes non plus pour elle et donc pour le public qu’elle représente, mais pour celui qui prétend en user.
Le comportement de Vincent Peillon n’est qu’une illustration parmi d’autres de cette instrumentalisation de la presse. Il est simplement un peu plus inédit, mais il ne manquera sans doute pas de faire jurisprudence. On peut en tenir les médias pour responsables et je pense en effet que nous avons une part de responsabilité dans le phénomène. Nous avons sans doute péché par manque de vigilance et d’esprit de corps. Dans un pays libre comme le nôtre, on ne met pas les journalistes en prison, on ne les tue pas, on se contente juste d’embaucher des bataillons d’experts pour apprendre à les manipuler, voire à les neutraliser. La menace est diffuse, imperceptible la plupart du temps, mais aussi dangereuse ou presque pour la liberté de la presse que les geoles des dictatures. Il suffit de comparer les moyens à disposition de la communication et ceux de la presse pour comprendre que le combat est en train de devenir terriblement inégal. Surtout lorsque, comme ici, l’ultime verrou de la politesse et du respect des engagements saute.
Profession : chroniqueur judiciaire
Didier Specq est chroniqueur judiciaire au quotidien Nord Eclair depuis 20 ans. Il est une figure du Palais de justice de Lille. Certains d’entre vous le connaissent pour avoir lu ses commentaires chez Eolas ou sur ce blog. Comme nous avions parlé récemment de la chronique judiciaire à l’occasion de la parution des Grands procès du Monde, j’ai eu envie de l’interroger pour en savoir un peu plus sur le métier. Il m’a fait le plaisir d’accepter, voici donc le compte-rendu de notre discussion. Vous verrez que Didier Specq est assez sévère avec le traitement actuel des affaires judiciaires, dénonçant le manque de connaissance du terrain de certains de ses confrères qui contribue, à ses yeux, aux grands emballements médiatiques comme celui que nous avons connu dans l’affaire Outreau.
Aliocha : Comment êtes-vous devenu chroniqueur judiciaire ?
Didier Specq : J’ai commencé le journalisme en qualité de correspondant de Libération en 1975 à Lille, c’était la grande époque à Libé. Je couvrais toute l’actualité de la région et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser de près à la justice. Il faut dire que les magistrats venaient de créer le Syndicat de la magistrature, un syndicat de gauche dont tous les membres ou presque étaient nommés, à titre de rétorsion, dans le Nord et plus particulièrement à Béthune. Ces juges instruisaient les affaires différemment des magistrats classiques. J’ai commencé à saisir que d’une manière générale, les juges étaient influencés par l’actualité, par les effets générationnels aussi, mais finalement pas tant que ça par les clivages politiques. C’était intéressant de voir que des juges de gauche pouvaient être plus sévères avec les délinquants que des juges plus conservateurs, simplement parce que ces derniers croyaient peut-être davantage à la réhabilitation. De même, dans les affaires de pédophilie, on voit bien que les juges plus âgés et censés plus conservateurs sont aussi moins durs, peut-être parce qu’ils sont plus attentifs à la preuve et moins sensibles aux effets de mode. Ensuite, je suis passé au Matin du Nord qui était une émanation du Matin de Paris puis à Nord Matin, un titre du groupe Hersant, et enfin à Nord Eclair, il y a 20 ans, où cette fois j’ai été embauché comme chroniqueur judiciaire.
Quelle place occupe la chronique judiciaire dans la presse quotidienne régionale ?
Disons qu’elle passe après la politique, l’économie et la culture, mais qu’elle est sans doute plus estimée que les faits divers ou les informations locales. Comme les journalistes judiciaires acquièrent une spécialité de fait, dans un domaine très spécifique, qui nécessite des contacts, une connaissance de l’univers judiciaire etc. on les laisse faire, ce d’autant plus que les journalistes ne se battent pas pour ce genre de postes.
Pourquoi à votre avis la chronique judiciaire fait-elle si peu d’émules ?
Parce que ce n’est pas là qu’est le pouvoir en région. Et les journalistes aiment bien être proches du pouvoir. En province, il existe de petites baronnies, qui se renouvellent très peu. A Lille, les responsables par exemple du PS sont les mêmes qu’il y a 20 ans, ils sont juste un peu plus âgés. A l’inverse, le monde judiciaire se renouvelle, les juges bougent. Quant aux avocats, ils travaillent beaucoup et sont, comme les magistrats, un peu en marge des cercles du pouvoir.
Comment travaillez-vous au quotidien ?
J’ai une page réservée dans Nord Eclair, que j’alimente tous les jours et qui contient environ 5500 signes soit 4 ou 5 papiers avec un dessin d’illustration et le plus souvent une petite interview d’avocat. Nous sommes deux chroniqueurs judiciaires à avoir notre bureau au Palais de Lille, celui de la Voix du Nord et moi. Je passe donc ma journée au palais jusqu’aux alentours de 21h30, le temps d’assister aux audiences et ensuite d’écrire mes articles. Le journal boucle à minuit. Généralement, j’évoque 4 ou 5 affaires importantes qui ont été examinées dans la journée.
Dans une ville comme Lille, vous êtes amené à parler de gens que vous croisez dans la rue, cette proximité n’est-elle pas gênante ? N’avez-vous pas peur de représailles par exemple si un article déplait aux personnes mises en cause ?
Cela surprend les jeunes journalistes, mais je précise toujours l’identité complète des personnes condamnées à des peines de prison ferme. Pour les sursis, je m’en tiens au prénom. Evidemment quand il s’agit d’atteintes sexuelles sur mineurs, je ne donne pas le nom des parents, car cela reviendrait à porter atteinte à l’anonymat des victimes. Un jour j’avais été remplacé par un jeune confrère qui n’avait pas voulu préciser le nom d’un dealer. J’ai dû lui expliquer que c’était important de le dire aux lecteurs parce qu’il avait peut-être vendu de la drogue dans le square à côté de chez eux et qu’ils seraient soulagés de le savoir en prison. Dans la presse nationale, on donne rarement des détails précis comme le nom de la rue où une personne a été arrêtée ou la description détaillée d’un véhicule, mais dans la presse quotidienne régionale, ce sont des détails importants, car les lecteurs savent de quoi on parle exactement, c’est leur rue, leur quartier, leur voisin de palier. Jusqu’à présent, je n’ai jamais connu d’incident grave, quelques menaces, des engueulades qui durent 5 minutes, rien de plus.
Pensez-vous que la chronique judiciaire a évolué depuis que vous avez commencé à la pratiquer ? Par exemple, si vous deviez aujourd’hui chroniquer le procès Petiot, diriez-vous comme le journaliste du Monde à l’époque qu’il a « un faciès de batracien » ?
Bien sûr qu’elle a évolué, en même temps que la société. Je crois que nous sommes devenus plus neutres dans notre manière d’écrire. Dans les années 70, on ne se gênait pas pour surenchérir, mais c’était aussi l’époque ou un couple non marié était qualifié de « faux ménage » et où les psychiatres disaient encore que l’homosexualité était une maladie. Les mentalités ont évolué et la chronique judiciaire aussi, nous sommes sans doute plus respectueux de la présomption d’innocence et, plus généralement, des droits des personnes.
Vous avez fait partie des très rares journalistes qui, lors de l’affaire Outreau, ont osé émettre des doutes sur la culpabilité des accusés, pourquoi ?
Je n’ai pas couvert cette affaire, elle intéressait d’autres journalistes de la rédaction, je les ai laissé faire. Et puis très vite j’ai été ecoeuré par la tournure médiatique que prenait le dossier. Il est évident qu’il y avait un effet de mode autour de la pédophilie et que celui-ci était en train de fabriquer un consensus autour de l’idée qu’il fallait condamner, même en l’absence de preuves. Très vite, j’ai eu du mal à croire que des gens de 40,50,60 ans se révèlent soudainement être des pédophiles alors qu’ils n’avaient pas de casier et qu’à part la parole des enfants, aucun élément, si petit soit-il, ne venait conforter la thèse de l’accusation. C’est particulièrement vrai pour le curé, le chauffeur de taxi ou encore l’huissier. Il n’y avait pas le plus petit éléments matériel, pas même une collection de photos d’enfants qui, à défaut de prouver leur culpabilité, aurait constitué un élément matériel appuyant les témoignages des enfants. Rien. Je l’ai écrit, mais cela n’a intéressé personne à l’époque.
Cela pose la question du rôle du journaliste. Doit-il croire sur parole les policiers, les juges, les avocats ? Doit-il enquêter lui-même ?
Il m’arrive d’enquêter mais il ne faut pas se leurrer, les informations qu’on recueille sont très parcellaires. Disons qu’il faut écouter les uns et les autres et savoir cultiver le doute. En 1998 par exemple, une affaire a fait grand bruit, on l’a appelée « l’affaire de la maison maudite ». Il s’agissait d’une jeune femme, violée par ses frères, qui auraient ensuite tué ses enfants à la naissance. Le parquet parlait d’au moins 4 nourrissons assassinés. Les avocats contestaient ce chiffre. Et il se trouve que quelques semaines plus tard, un médecin a conclu que cette jeune femme n’avait jamais été enceinte ! Voilà pourquoi le chroniqueur judiciaire doit apprendre à cultiver le doute et mettre en garde ses lecteurs contre les jugements à la va-vite. Voyez l’affaire Florence Cassez, plusieurs journalistes ont pris fait et cause pour elle au motif que la justice mexicaine serait forcément nulle et partiale. Au nom de quoi ? Le Mexique est un grand pays, si sa justice estime qu’il y a lieu à poursuites, on ne peut pas traiter cette décision par le mépris. Je ne dis pas qu’elle est coupable ou innocente, je n’en sais rien, simplement il faut laisser la justice suivre son cours et ne pas condamner la justice mexicaine, juste parce que c’est un pays qui prétend juger une de nos compatriotes. Je trouve qu’aujourd’hui, les journalistes vont trop vite, que leurs informations sont insuffisamment sourcées, qu’ils ne sont plus assez sur le terrain et surtout qu’ils tentent de faire entrer l’actualité dans un moule, dans un cliché qui correspond à ce qu’ils croient savoir du public, dans les sujets à la mode.
Dans un très beau billet, Benedicte Desforges, l’auteur du blog Police etc., lance un cri de colère contre l’indifférence des médias à l’égard de la mort d’un de ses collègues. Pensez-vous que cela ait un rapport avec cette volonté des journalistes de faire entrer l’actualité dans un moule ?
Evidemment. La mort d’un policier ne fait malheureusement pas partie des sujets à la mode. Par ailleurs, c’est un thème fortement connoté Front National, par conséquent les médias n’en parlent pas. Le grand sujet en ce moment, ce sont les femmes battues. Vous observerez que lorsqu’on a lancé le sujet, on nous disait qu’une femme mourait sous les coups de son mari tous les 4 jours, aujourd’hui on nous dit tous les 2 jours et demi. D’où viennent ces chiffres ? Il faut bien qu’il y ait des faits divers, des femmes retrouvées mortes, des enquêtes pour déterminer les causes de la mort, des coupables arrêtés. Je devrais donc voir ce type d’affaires aux Assises de Douai, or il n’y en a quasiment pas. Je ne dis pas que ça n’existe pas et encore moins que ce n’est pas un sujet grave, j’observe simplement que c’est un sujet dans l’air du temps, qui plait aux médias et sur lequel on entend tout et n’importe quoi. Je n’ai pas le sentiment personnellement que les relations entre hommes et femmes se caractérisent par une violence généralisée. Or, c’est bien l’impression que donne ce battage médiatique.
Les affaires judiciaires mettent souvent en scène des drames humains. N’est-ce pas difficile à vivre pour le chroniqueur judiciaire d’être ainsi le témoin régulier des « pathologies » de la société ?
Je suppose que les médecins sont heureux d’aller tous les matins exercer à l’hôpital, et pourtant ils sont confrontés à la maladie et à la mort, pourquoi le chroniqueur judiciaire ne serait-il pas heureux d’aller au palais ? Vous savez, c’est un lieu où se déroulent des drames certes, mais où l’on rit aussi beaucoup. En plus la communauté judiciaire est assez brillante, vivante, intéressante, le palais est un endroit que j’aime beaucoup.
Le président du Tribunal de grande instance de Paris, Jacques Degrandi, a consacré son discours de rentrée il y a quelques jours aux rapports entre la justice et les médias, estimant qu’il fallait introduire davantage d’éthique pas seulement chez les journalistes mais aussi chez les juges et les avocats. Ses déclarations ont donné lieu à un article incendiaire sur Rue89. Qu’en pensez-vous ?
Je crois en effet qu’il y a un vrai problème dans la manière dont les médias traitent l’actualité judiciaire. Les journalistes débarquent pour une affaire médiatique, ils ne s’intéressent à rien d’autre et parfois, ils passent à côté du plus important. Prenons l’affaire de Lille plage par exemple. C’est un jeune homme un peu zinzin qui a agressé sexuellement un enfant de 7 ans. Il ne s’est rien passé de très grave mais ça a attiré l’attention des médias friands d’affaires pédophiles. Le même jour, dans la chambre du tribunal qui traite des crimes sexuels, il y avait plusieurs curés en soutane. Il s’agissait d’une affaire également de pédophilie mettant en cause des prêtres intégristes. Elle était autrement plus importante que l’affaire de Lille Plage, mais aucun journaliste venu sur place ne s’y est intéressé. Le procureur, qui a une vue d’ensemble des dossiers, aurait bien voulu relativiser l’importance de l’affaire Lille Plage mais il ne pouvait pas, il risquait qu’on ne retienne de ses réquisitions qu’une phrase donnant le sentiment que la pédophilie n’était pas grave aux yeux du parquet de Lille. On voit au passage l’influence que peut avoir la présence des journalistes sur le déroulement des débats eux-mêmes. Voyez l’affaire de l’enlèvement du petit Enis par Francis Evrard. Evidemment que c’est un problème de prescrire du viagra à un délinquant sexuel récidiviste. Mais il se trouve que, là encore, l’enfant n’a pas subi de sévices importants. Par conséquent, la surmédiatisation de l’affaire risque de faire bien plus de ravages que l’enlèvement. Etonnamment, personne n’a demandé le huis clos qui est pourtant de droit dans ce type d’affaires. Pas plus d’ailleurs que le huis clos n’a été réclamé dans l’affaire Outreau. Tout le monde voulait donner à ce procès un retentissement médiatique maximum. Le procureur a même fait visiter aux journalistes les installations qui leur étaient dédiées au tribunal de Saint Omer avant les débats, comme s’il se réjouissait à l’avance de préparer « un grand procès » !
Vous évoquez « les journalistes », comme si le chroniqueur judiciaire était différent de ses confrères. Pourtant, vous êtes aussi un journaliste ?
Bien sûr. Quand j’évoque les journalistes, je veux parler des généralistes qui débarquent quelque part, ne connaissent pas le contexte, et ne cherchent pas à le connaître, ce qui entraine un effet moutonnier et fabrique des emballements médiatiques comme celui auquel on a assisté à Outreau. Le chroniqueur judiciaire sait conserver ses distances, il apprend à douter mais aussi à relativiser à force d’observer tous les jours le fonctionnement de la justice, ce qui n’est pas le cas des journalistes non spécialisés qui débarquent pour un seul dossier. Ceux-là ont des avis à l’emporte-pièce sur tout, la main de Thierry Henry, l’innocence de Florence Cassez. Ils cherchent surtout la photo sur les marches du palais et ne s’intéressent à rien d’autre. L’essentiel dans ce métier, c’est le terrain, il faut y aller, et faire l’effort de le connaître et de le comprendre. Or, j’ai peur que ce soit de moins en moins le cas aujourd’hui.
Comment imaginez-vous l’avenir de la chronique judiciaire ?
Elle s’est étiolée ces dernières années, mais je pense que la presse, et en particulier la presse quotidienne régionale, va y revenir. C’est un lieu d’analyse du réel très important, un peu comme un conseil municipal, on y prend la température de la société.