L’aventure de Bakchich qui lance aujourd’hui un hebdomadaire satirique papier me réjouit. C’est en effet une nouvelle étape importante dans l’épopée de la presse qui montre que le papier et le web ne sont pas les frères ennemis qu’on décrit, mais plutôt des partenaires qui doivent encore inventer leur destin commun. Rappelons que Bakchich a été créé en mai 2006. Le site espérait alors parvenir à l’équilibre en six mois. Ce ne fut malheureusement pas le cas. Bakchich dépense en effet 50 000 euros par mois tandis que les recettes publicitaires plafonnent à 6 000 euros et les abonnements à 14 000 euros. Faites le compte ! C’est léger pour un site qui se vante de compter 430 000 visiteurs uniques. Il était donc urgent que le site parte à la conquête de nouveaux lecteurs.
Dans une interview accordée à 20 minutes, le directeur de Bakchich, Nicolas Beau, explique :
« L’hebdo sera composé d’enquêtes exclusives. Les abonnés actuels du site pourront continuer à télécharger le pdf du journal jusqu’à la fin de leur abonnement. Quant au site, il se recentrera sur l’actualité chaude et les vidéos. Les « off » resteront payants (1 euro par article). Les internautes sont prêts à payer pour ces infos pointues et ce système, qui nous rapporte 10.000 euros par mois, constitue la principale ressource du site. Enfin, nous étudions la possibilité d’une nouvelle formule, avec une refonte du site, dans les prochains mois ».
Tiens, tiens, les articles payants rapportent plus que la pub. Intéressant. Quand je pense qu’il y a quelques mois encore, tout le monde ne jurait que par le gratuit financé par la pub…Sans compter les croque-morts qui se bousculaient pour enterrer le papier !
Voyez également ici la présentation de la nouvelle offre par Bakchich.
Tiré à 100 000 exemplaires, le premier numéro est en vente aujourd’hui au prix de 1,80 euros. La rédaction vise un objectif de 25 000 exemplaires par semaine pour être à l’équilibre. Pour Nicolas Beau, le papier, quelque soit la crise qu’il traverse, demeure donc potentiellement plus rentable que le web. Mais ce n’est pas tout. Le papier serait aussi mieux adapté à certaines formes de journalisme. Le directeur du journal a fait un peu froncer le nez de l’équipe d’Arrêt sur images en déclarant dans cette interview :
« Internet propose des contenus plus ludiques et beaucoup de vidéos, mais il y est difficile d’intéresser le lecteur comme sur le papier. Il n’y pas de place pour l’enquête journalistique, car l’info en ligne demande surtout de la réactivité. Ceci est dû, selon moi, à la culture de la gratuité sur Internet ».
Voilà qui ouvre une belle réflexion sur la répartition des contenus entre les supports selon les qualités et les défauts de chacun. Je comprends l’émoi d’@si qui a fait le pari du pure player payant et qui parvient à en vivre, quand il lit que l’enquête n’aurait pas sa place sur le web. Cela étant, @si occupe une niche, la critique des médias, qui justifie sans doute ce modèle, ce qui n’est pas le cas des autres. D’ailleurs, Edwy Plenel chez Mediapart attend les investisseurs qui lui permettront lui aussi de sortir un hebdo ou un mensuel papier.
Joyeuse ambiance
Si les coulisses du journal vous intéressent, allez donc voir cette sympathique vidéo qui raconte le bouclage du premier numéro de Bakchich. Autant vous le dire tout de suite, toutes les rédactions ne sont pas aussi joyeuses que celle-ci, loin de là, mais ce document rend bien compte en revanche de l’esprit de la presse. Vous comprendrez peut-être pourquoi ce métier a une fâcheuse tendance, malgré tous ses défauts, à rendre raide dingue amoureux….
Mais ce journal, me direz-vous, il est bon ou pas ?
Pour être franche, je ne suis pas une accro de la presse satirique. Je lis peu le Canard, et moins encore Charlie ou Siné hebdo. Je doute donc que mon avis puisse être pertinent sur le sujet. Toujours est-il que j’ai quand même filé chez mon marchand de journaux pour voir la bête et vous raconter (j’aurais pas dû, j’ai été prise d’une frénésie d’achat, 30 euros de presse, vous imaginez ça ?), bref, j’ai eu du mal à le trouver. Logiquement, il aurait dû se trouver à côté du Canard et de ses canetons. Pas du tout, il était tout coincé le pauvre dans le gourbis des inclassables, c’est-à-dire des fanzines confidentiels. Dommage. En marketing de presse, on sait à quel point l’emplacement chez le marchand est important. Bakchich devrait faire gaffe sur ce coup. Finalement, j’ai mis la main dessus. Alors ?!….vous écriez-vous, tyranniques lecteurs. Alors, il a adopté le même format que Siné (plus petit donc que Charlie et moitié moins grand que le Canard, à peu de chose près). Il compte 20 pages en quadri, illustrées par des dessinateurs et quelques photos (dont 4 pages intitulées joyeusement « Bab el Oueb », fournies par Vendredi, sur le meilleur du Net) et traite de tous les sujets, de la politique internationale à la culture. Il y a même un horoscope politique assez drôle en Der où chaque signe astral est l’occasion de prédire l’avenir de nos dirigeants favoris (Sarko, Fillon, Ségo). Bakchich a poussé la précision journalistique jusqu’à se rencarder sur leurs vrais signes à nos politiques (j’ai vérifié). Pour le reste, à vous de me dire. N’étant pas du tout le coeur de cible ni même sa frange, je me garderais bien de donner un avis.