Mets ta cravate et prépare toi à demander pardon. Ainsi pourrait-on résumer aujourd’hui, les mesures prophylactiques qui devraient désormais nous éviter de futurs psychodrames webesco-médiatiques liés à des dérapages verbaux. @si relève en effet une brève dans Le Figaro qui nous apprend que Nicolas Sarkozy aurait conseillé à Hortefeux de garder sa cravate à l’avenir pour tenir en espect les militants. Notre président qui donne des conseils d’élégance politique, avouons que c’est piquant. Philippe Bilger sera sans doute tenté d’ajouter « et jette ton chewing gum » tandis que les internautes s’écriront en coeur « et évite l’humour de mauvais goût, les grossiéretés ainsi que la pub sauvage pour les karchers ». De son côté, sans doute inspiré par le buzz Hortefeux, le patron de France Télécom vient de s’excuser moins de 24h après avoir eu la maladresse de parler de « mode du suicide », phrase qu’il attribue à une pratique trop intensive de la langue anglaise. Question excuses, je ne suis pas sûre qu’il soit mieux conseillé qu’Hortefeux…
Bref, nous voici tranquillisés, on ne dira donc plus n’importe quoi en public. Le dérapage verbal, c’est comme la cigarette et les tenues décontractées, uniquement chez soi. Enfin pour l’instant, car au train où vont les choses…Entre nous, elle est amusante cette société qui s’aseptise. Plus de cagoules dans les manifs, plus de fumeurs dans les bureaux ou même en affiche, plus de ministre en chemise ouverte, plus de blagues douteuses. D’ailleurs à ce sujet, Guillon a signé la pétition contre Hortefeux de Charlie hebdo, à croire qu’il a peur que le ministre lui fasse concurrence. Et hop, tout le monde avec un masque H1N1 et interdit de le trouer pour laisser passer une clope évidemment, plus d’alcool aux repas, même pas le vin et ses légendaires antioxydants, rien que des légumes et des fruits à gogo. Tout le monde chez le médecin régulièrement pour contrôler ceci ou cela. Et tâchez de descendre du métro deux stations avant, s’il vous plait, faut faire du sport, quoiqu’en dise ce bon vieux Churchill. Les anglais viennent même de trouver une nouvelle idée, ils veulent interdire le port des talons hauts au travail. Oui. Parait que c’est mauvais pour le dos. L’histoire ne dit pas si l’interdiction touchera également les cabarets, mais ça pourrait être drôle des filles nues en baskettes. Allons, je ne conteste pas sur le fond cette interminable liste d’injonctions destinée à nous sauver d’une liste toute aussi interminable de malheurs. J’ ai juste le blues le matin au réveil quand, entre deux infos sinistres sur l’état de notre monde, on m’explique que je vais sans doute mourir du tabac, de l’alcool, du manque de sport, de la malbouffe, à supposer bien sûr que je ne sois pas emportée avant par le H1N1. Même le joyeux monde de la pub télévisée est désormais gâché par les messages de santé du gouvernement.
Et le pire, c’est qu’avec la vidéosurveillance dans les lieux publics, on a désormais les moyens techniques de surveiller les fumeurs récalcitrants, les lecteurs de Tintin au Congo, ceux qui se mettent les doigts dans le nez, les obsédés qui regardent les fesses des filles, ceux qui trichent au jeu du « descends deux stations avant, c’est bon pour coooooorps », les ivrognes qui chavirent entre le bistrot et le dodo, les racistes qui jettent de vilains regards aux burqas, les salariés qui ne sont pas à l’heure au bureau, les gamins qui glandent au lieu d’être à l’école…Vous verrez, bientôt nous serons tous des citoyens modèles gouvernés par des politiques modèles. Serons-nous plus heureux ? J’ai des doutes. Surtout si on ne peut s’acheter ni Rolex, ni Béème pour se consoler de manger du chou-fleur à l’eau.