Puisque l’affaire Hortefeux continue de « buzzer » autrement dit de patauger dans l’hystérie la plus délirante, un mot quand même sur ce dossier dont je ne voulais pas parler.
Il n’ y a pas un tribunal, excepté visiblement le grand tribunal du web, qui se risquerait à condamner un homme pour une parole inaudible et à moitié incompréhensible.
Il ne devrait pas y avoir un seul journaliste pour livrer en pâture au public un ministre sur la foi de cette seule vidéo. Ce n’est pas être à la solde du pouvoir que d’estimer qu’un document n’est pas suffisamment probant pour être diffusé. C’est être simplement responsable. C’est éviter de jeter un homme aux chiens sur la base d’une fumeuse présomption, fut-elle infiniment appétissante.
De même, il ne devrait pas y avoir un seul politique pour appeler à la démission un membre du gouvernement sur la base d’une interprétation aussi contestable d’un propos aussi obscur.
Il ne devrait pas non plus y avoir une seule voix pour oser affirmer qu’il s’agit d’une déclaration raciste, tant le doute est évident pour qui l’écoute de bonne foi.
Seulement voilà, la meute médiatique, excitée par les internautes, alimente le buzz, cette gigantesque cacophonie du vide, sûre de son bon droit et toute gonflée de l’importance de sa supposée vigilance démocratique. L’occasion est si belle : un gouvernement qui a bon dos, une noble cause, un pseudo-document objectif, une parole ambigüe et le tour est joué. Je ne vois dans tout cela que procès d’intention, suppositions, présomptions, interprétations, supputations autrement dit tout sauf des faits.
Parce qu’il est ministre de l’intérieur, parce qu’il est sarkozyste, parce que la scène se déroule dans ce grand pandémonium qu’est nécessairement une réunion de l’UMP, parce qu’il y a un « arabe » dans l’affaire, parce qu’on plaisante, alors forcément ce propos qu’on ne comprend pas doit être raciste. Il ne peut en être autrement. Et la rumeur enfle, et le doute devient certitude et l’indignation s’auto-alimente. Songez donc, la vidéo a été vue par des milliers d’internautes, c’est bien qu’il se passe quelque chose. Et chaque clic est comme une nouvelle preuve que oui, assurément, Hortefeux est raciste.
Mon esprit de juriste frissonne face à cette sinistre parodie de procès.
D’un point de vue journalistique, je ne puis que renouveler les craintes que j’exprimais récemment sur l’évolution du métier. Il ne faudrait pas qu’à trop vouloir s’adapter à ce nouvel univers qu’est le web, la presse oublie les règles de base du journalisme. Il me semble au contraire que c’est en les réaffirmant, en opposant systématiquement les faits vérifiés aux rumeurs et autre buzz que nous démontrerons notre utilité. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. C’est pourquoi, bien que je sois en désaccord avec le Monde, je me garderais bien de le jeter aux chiens.
A lire l’interview du sociologue des médias Dominique Wolton. Le texte n’est pas de bonne qualité, il s’agit d’une retranscription mot à mot par le JDD d’un entretien sur RTL.