Allons bon, je surfais joyeusement sur @si entre la rédaction de deux articles, et voici que je tombe sur cet article qui évoque un billet de Slate, lequel accuse les journalistes de racisme à l’égard de Rachida Dati. Il parle même de « fantasme eroticolonial ». Je vais donc lire la chose, l’esprit déjà en surchauffe et là, entre nous, j’aurais titré ce billet « les bras m’en tombent » si je n’avais déjà utilisé ce titre récemment. Car voici que resurgit notre bonne vieille accusation de racisme à l’encontre des journalistes qui critiquent Rachida Dati. Je l’avais déjà entendue il y a quelques mois dans la bouche de Jacques Attali. C’est si facile. Bref, tout le monde a eu vent du fait que la ministre aurait oublié de rendre les robes Dior qu’on lui avait prêtées. Vrai, pas vrai, je n’en sais fichtre rien. La journaliste qui écrit sur Slate non plus. Ce qui ne l’empêche pas d’évoquer une attaque dictée par le racisme avec une assurance qui me laisse coite. Eh oui, les journalistes seraient misogynes, jaloux et racistes, d’où ces atroces médisances répandues dans des articles et des livres. Ils estimeraient qu’elle a le droit de réussir mais surtout pas de s’afficher en robe Dior.
Un simple suivi des articles de presse sur Rachida Dati depuis qu’elle est en fonctions suffit à invalider la thèse de la jalousie raciste. Je le sais puisque l’adoration que lui vouaient précisément mes confrères jusqu’à l’autome dernier avait motivé l’un des premiers billets de ce blog. Dans l’article que j’évoquais alors, on parlait de son « sourire de diamant » et de sa « splendide robe grège ». On s’émouvait de sa grossesse, de sa beauté, de son courage, on la trouvait même d’une fragilité émouvante. C’était en septembre dans Le Point (je n’ai pas trouvé les fameux articles en ligne, mais la présentation du dossier en lien vous donne le ton). Même Gala n’aurait pas osé dégouliner ainsi d’adoration. On sait se tenir à Gala, on a l’adjectif sous contrôle, on préfère dégouliner en photo.
Que s’est-il passé alors pour que le vent tourne ? Eh bien peu à peu mes confrères journalistes politiques ont commencé à observer les choses d’un peu plus près et surtout, surtout, à oser dire ce qu’ils savaient puisque la ministre, dit-on, n’était plus en cour.
Racisme, me dit-on ! Ah bon, et ce racisme aurait jailli d’un coup ? Très intéressant. On a découvert un an et demi après son entrée en fonctions que la ministre était fille d’immigrés et on a découvert aussi à ce moment-là qu’elle s’habillait en Dior ? Et c’est encore à ce moment-là que les mêmes journalistes qui l’avaient adulée, ont viré soudainement au racisme et à la jalousie ?
Allons, soyons sérieux 5 minutes. Le problème, car il y en a un, est ailleurs. Certains de mes confrères ont été séduits, précisément par la belle histoire de la princesse immigrée en robe Dior, et ils (elles) ont été embarqué(e)s dans un mythe qu’ils (elles) n’ont plus été en mesure ensuite de défaire. Ainsi va la presse, elle adule puis change d’avis, elle fait et défait les réputations.
C’est exactement la même chose qui est en train d’arriver à Ingrid Bétancourt. Parlera-t-on là encore de racisme ? Mais lequel ? Un confrère me confiait il y a quelques semaines : « nous savions depuis longtemps qu’Ingrid Bétancourt était un personnage plus complexe que celui qu’on présentait, mais on ne démolit pas un mythe, surtout si ce mythe est otage ». Je confirme. Une de mes amies a fait Sciences Po avec elle et s’énerve depuis des années de lire des articles très éloignés de ce qu’elle a observé elle-même à l’époque et appris depuis. Rachida Dati a séduit tout le monde, moi comprise, et puis chemin faisant, les langues se sont déliées, à force de fouiller, on a trouvé des éléments nuançant le portrait initial. Il a suffi ensuite que le Chef de l’Etat donne le sentiment de ne plus la soutenir pour que la presse balance ce qu’elle savait. Le procédé n’est pas très élégant, je vous l’accorde, mais il est malheureusement classique. Je ne vois là pas plus de racisme à l’égard de Rachida Dati que je n’avais aperçu d’antisémitisme dans le livre de Péan sur Kouchner. En revanche, j’aperçois fort bien l’intérêt d’une telle défense. Quand le mot « racisme » est lancé tout est dit et il n’y a plus de critique possible. Fermez le ban.