Vous êtes tous au courant du scandale qui agite actuellement le pays des Chtis. La Voix du Nord a reproduit les propos d’un haut magistrat sur les affaires de pédophilie, donnant le sentiment que le Nord était coutumier des soirées pédophiles. Je n’entends pas entrer dans le fond du dossier, je ne le connais pas. En revanche, il y a ici matière à vous expliquer un aspect délicat du métier de journaliste : la reproduction des propos de nos interlocuteurs. Je vous propose donc de comparer la version publiée par La Voix du Nord avec celle rectifiée par le magistrat et rapportée par l’AFP :
Dans la Voix du Nord :
« Nous connaissions ces soirées habituelles, à Boulogne ou à Avesnes-sur-Helpe (deux communes de la région Nord-Pas-de-Calais). Des soirées bières où on invite les voisins, on boit beaucoup, on joue aux cartes ou au jeu de l’oie, et où le gagnant peut choisir une petite fille, avec l’accord des parents ».
L’auteur précise à l’AFP les termes exacts de sa déclaration :
Aujourd’hui conseiller à la Cour de Cassation, il a expliqué avoir parlé de « quelques procédures dans lesquelles des mineurs apparaissaient avoir été abusés sexuellement par des adultes faisant partie d’un cercle plus large que le cercle familial, au cours de soirées alcoolisées, après projection de films à caractère pornographique ».
Les soirées habituelles dans deux communes deviennent « quelques procédures » , « on invite les voisins » est transformé en « un cercle plus large que le cercle familial », la « bière » n’est plus qu’un alcool indéterminé, le jeu de l’oie devient film pornographique et l’abus sexuel vient préciser ce qu’on n’osait imaginer en lisant « où le gagnant peut choisir une petite fille ». Au fond, nous passons du registre de la discussion à celui, plus châtié, de la déclaration officielle en langage juridique. Le propos est plus nuancé, mais le message reste le même.
Ces paroles auraient été prononcées le 3 février lors d’une audience disciplinaire de Fabrice Burgaud. Le journaliste a-t-il « traduit » les déclarations du magistrat ou bien ce-dernier s’est-il laissé entraîner dans le feu de la conversation ? Toujours est-il que je n’aperçois qu’une différence notable entre la citation de la Voix du Nord et la citation rectifiée : les « quelques procédures » qui corrigent en effet judicieusement « les soirées habituelles » et la regrettable impression de généralité qu’on pouvait en tirer.
Allons donc vérifier en lisant l’article original ce qui s’est passé réellement, c’est ici. Que découvre-t-on ? Que le journal a dénoncé délibérément les positions jugées extrémistes et caricaturales du magistrat. Voilà qui est plus clair. Vous observerez au passage la nécessité de toujours aller à la source. Je n’analyserai pas plus avant, simplement j’ai tendance à penser que les journalistes ont reproduit fidèlement la déclaration puisque c’est le coeur de l’article. Sauf à démontrer une volonté de nuire au magistrat ou une déformation par la source si le journaliste n’était pas témoin direct, voir une sortie du contexte transformant totalement les propos.
Ce qui est intéressant ici à titre plus général, c’est que cet exemple illustre à merveille les précautions que prennent ceux qui nous parlent, celles que l’on utilise généralement quand on écrit, et les risques que nous évitons grâce à cette prudence. Car si le magistrat avait dit d’entrée de jeu qu’il avait en tête quelques exemples de dossiers de pédophilie survenus dans cette région sans donner l’impression qu’ils lui étaient spécifiques et en plus qu’ils étaient habituels, il n’y aurait eu aucune polémique. En l’espèce, je trouve les propos tenus regrettables, mais c’est l’occasion de vous montrer une tendance générale à l’aseptisation des interviews, citations et informations pour éviter justement les polémiques et les attaques diverses et variées, voire les procès. Est-ce un bien ou un mal ? Difficile de trancher, cela s’évalue au cas par cas. Disons qu’à trop vouloir éviter de choquer, on finit vite par ne plus informer.
Mise à jour du 12 février – je reproduis ici un communiqué de l’association de la presse judiciaire publié le 10 février : « Les journalistes de l’Association de la presse judiciaire qui ont assisté à la comparution de Fabrice Burgaud devant le Conseil supérieur de la magistrature, affirment avoir entendu, de la bouche de Didier Beauvais, et noté, exactement les mêmes mots que ceux qu’Eric Dussart a retranscrits dans « La voix du Nord ».
Ils ont parfaitement saisi et le sens et le contexte dans lequel ils ont été tenus, contexte d’une manière générale propice au révisionnisme judiciaire. L’APJ exprime son plein soutien à Eric Dussart, journaliste scrupuleux et expérimenté, et dénonce le faux procès qui lui est intenté ».
Cherchez les différences
Vous êtes tous au courant du scandale qui agite actuellement le pays des Chtis. La Voix du Nord a reproduit les propos d’un haut magistrat sur les affaires de pédophilie, donnant le sentiment que le Nord était coutumier des soirées pédophiles. Je n’entends pas entrer dans le fond du dossier, je ne le connais pas. En revanche, il y a ici matière à vous expliquer un aspect délicat du métier de journaliste : la reproduction des propos de nos interlocuteurs. Je vous propose donc de comparer la version publiée par La Voix du Nord avec celle rectifiée par le magistrat et rapportée par l’AFP :
Dans la Voix du Nord :
« Nous connaissions ces soirées habituelles, à Boulogne ou à Avesnes-sur-Helpe (deux communes de la région Nord-Pas-de-Calais). Des soirées bières où on invite les voisins, on boit beaucoup, on joue aux cartes ou au jeu de l’oie, et où le gagnant peut choisir une petite fille, avec l’accord des parents ».
L’auteur précise à l’AFP les termes exacts de sa déclaration :
Aujourd’hui conseiller à la Cour de Cassation, il a expliqué avoir parlé de « quelques procédures dans lesquelles des mineurs apparaissaient avoir été abusés sexuellement par des adultes faisant partie d’un cercle plus large que le cercle familial, au cours de soirées alcoolisées, après projection de films à caractère pornographique ».
Les soirées habituelles dans deux communes deviennent « quelques procédures » , « on invite les voisins » est transformé en « un cercle plus large que le cercle familial », la « bière » n’est plus qu’un alcool indéterminé, le jeu de l’oie devient film pornographique et l’abus sexuel vient préciser ce qu’on n’osait imaginer en lisant « où le gagnant peut choisir une petite fille ». Au fond, nous passons du registre de la discussion à celui, plus châtié, de la déclaration officielle en langage juridique. Le propos est plus nuancé, mais le message reste le même.
Ces paroles auraient été prononcées le 3 février lors d’une audience disciplinaire de Fabrice Burgaud. Le journaliste a-t-il « traduit » les déclarations du magistrat ou bien ce-dernier s’est-il laissé entraîner dans le feu de la conversation ? Toujours est-il que je n’aperçois qu’une différence notable entre la citation de la Voix du Nord et la citation rectifiée : les « quelques procédures » qui corrigent en effet judicieusement « les soirées habituelles » et la regrettable impression de généralité qu’on pouvait en tirer.
Allons donc vérifier en lisant l’article original ce qui s’est passé réellement, c’est ici. Que découvre-t-on ? Que le journal a dénoncé délibérément les positions jugées extrémistes et caricaturales du magistrat. Voilà qui est plus clair. Vous observerez au passage la nécessité de toujours aller à la source. Je n’analyserai pas plus avant, simplement j’ai tendance à penser que les journalistes ont reproduit fidèlement la déclaration puisque c’est le coeur de l’article. Sauf à démontrer une volonté de nuire au magistrat ou une déformation par la source si le journaliste n’était pas témoin direct, voir une sortie du contexte transformant totalement les propos.
Ce qui est intéressant ici à titre plus général, c’est que cet exemple illustre à merveille les précautions que prennent ceux qui nous parlent, celles que l’on utilise généralement quand on écrit, et les risques que nous évitons grâce à cette prudence. Car si le magistrat avait dit d’entrée de jeu qu’il avait en tête quelques exemples de dossiers de pédophilie survenus dans cette région sans donner l’impression qu’ils lui étaient spécifiques et en plus qu’ils étaient habituels, il n’y aurait eu aucune polémique. En l’espèce, je trouve les propos tenus regrettables, mais c’est l’occasion de vous montrer une tendance générale à l’aseptisation des interviews, citations et informations pour éviter justement les polémiques et les attaques diverses et variées, voire les procès. Est-ce un bien ou un mal ? Difficile de trancher, cela s’évalue au cas par cas. Disons qu’à trop vouloir éviter de choquer, on finit vite par ne plus informer.
Mise à jour du 12 février – je reproduis ici un communiqué de l’association de la presse judiciaire publié le 10 février : « Les journalistes de l’Association de la presse judiciaire qui ont assisté à la comparution de Fabrice Burgaud devant le Conseil supérieur de la magistrature, affirment avoir entendu, de la bouche de Didier Beauvais, et noté, exactement les mêmes mots que ceux qu’Eric Dussart a retranscrits dans « La voix du Nord ».
Ils ont parfaitement saisi et le sens et le contexte dans lequel ils ont été tenus, contexte d’une manière générale propice au révisionnisme judiciaire. L’APJ exprime son plein soutien à Eric Dussart, journaliste scrupuleux et expérimenté, et dénonce le faux procès qui lui est intenté ».