Le Medef vient de publier ses recommandations sur la rémunération des dirigeants, ce qui vise notamment les parachutes dorés http://www.medef.fr/medias/files/131584_FICHIER_0.pdf. Magnifique ! Voici que l’économie se moralise, que l’on revient enfin à la raison. Croit-on. Car en France, le gouvernement d’entreprise, ou gouvernance, c’est-à-dire les règles de bonne conduite dans les entreprises, se fonde sur….le volontariat. Eh oui ! D’ailleurs, le MEDEF précise fièrement que toutes ces belles propositions obéiront au bon vieux principe du « comply or explain ». Traduction : soit vous vous conformez aux règles, soit vous êtes tenus d’expliquer à vos actionnaires, aux journalistes, aux analystes et au régulateur, bref au public, pourquoi vous y avez dérogé. Ce qui signifie donc que vous pouvez y déroger. Et encore, c’est un progrès. En fait, cette règle du « comply or explain » appliquée à la gouvernance a été introduite par Bruxelles et sera obligatoire, grâce à la loi du 3 juillet 2008, dans les prochains rapports annuels qui sortiront au printemps 2009. Jusque là, le principe était celui du volontariat total et dispensé de justifications. La société appliquait les bonnes pratiques, tant mieux, elle ne les appliquait pas, tant pis. Il fallait que les lecteurs soient attentifs et dégourdis pour s’en apercevoir et la seule conséquence qu’ils pouvaient en tirer c’était de vendre leurs actions s’ils n’étaient pas d’accord avec les us et coutumes de la société concernée.
D’aimables recommandations
Le tactique du volontariat s’est avérée si efficace que lorsque Daniel Bouton, président de la Société Générale, a sorti en 2002 son rapport sur la gouvernance en France, il a en grande partie recommandé d’appliquer les règles fixées par son prédécesseur Marc Viénot, ancien président de la Société Générale et lui aussi grand théoricien du gouvernement d’entreprise. Eh oui, c’est une tradition en France de confier la définition des règles de gouvernance aux présidents de la Société Générale. Ne me demandez pas pourquoi, je l’ignore. Bref, Bouton 1 paru en septembre 2002 recommandait d’appliquer Viénot 1, sorti en 1995 et son indispensable suite, Viénot 2, sorti en 1999. C’est dire comme Viénot 1 et 2 avaient été mis en oeuvre avec enthousiasme dès lors que la grande nouveauté en 2002 consistait à rappeler qu’on avait déjà tout dit en 1995. Oui, sauf que personne n’avait rien entendu et que les bonnes pratiques étaient restées lettre morte ! Le volontariat vous dis-je.
La peur du gendarme ?
Enfin, grâce à l’Europe, on peut espérer à l’avenir un peu plus de transparence et de responsabilisation : désormais il faudra appliquer les règles et, à défaut, expliquer pourquoi on ne le fait pas. Mais la sanction me direz-vous. Eh bien, comment vous dire….il n’y en a pas. Pourquoi, il en faudrait à votre avis ? Je vous taquine. La sanction sera la pression de l’actionnaire insatisfait (hypothétique, sauf si Colette Neuville s’en mêle), l’éventuel courroux de la presse (n’y comptez pas trop), la réprobation des pairs (je vous interdis de rire), le coup de baton du gendarme boursier. Voilà qui est plus sérieux comme argument, mais en l’absence de sanction, l’AMF ne pourra pas faire grand chose de plus contre le récalcitrant que de lui dire que ce qu’il fait est mal. La plupart du temps, ça marche, mais il faut s’attendre aussi à ce que cela tourne dans certains cas extrêmes au gendarme de Guignol.
Un monde idéal
Je vous avoue être partagée. Dans un monde idéal, la transparence, le jugement des pairs, la critique de la presse, la peur du gendarme boursier, ce sont de sérieux contre-pouvoirs. Seulement voilà, je ne suis pas certaine qu’ils fonctionnent de manière optimale en France. Dans un monde idéal, l’auto-régulation est défendable, c’est même une responsabilisation souhaitable des acteurs. Dans un monde idéal, il faut, autant que faire se peut, éviter de légiférer dans tous les sens et de multiplier les contraintes pesant sur les acteurs économiques. Après tout, si vous et moi n’apprécions que modérément les contraintes administratives, il n’y a pas de raisons que les sociétés cotées apprécient davantage. Mais voyez-vous, tout en pensant cela, et depuis longtemps, je ne puis m’empêcher de songer aussi qu’il est peut-être temps de passer à des contraintes un peu plus fortes, dans ce domaine comme dans d’autres. Il me tarde que le système se moralise et je suis un peu lasse d’attendre le bon vouloir des conseils d’administration….