La Plume d'Aliocha

06/10/2008

Parachutes dorés : comply or explain !

Filed under: Eclairage — laplumedaliocha @ 23:58

Le Medef vient de publier ses recommandations sur la rémunération des dirigeants, ce qui vise notamment les parachutes dorés http://www.medef.fr/medias/files/131584_FICHIER_0.pdf. Magnifique ! Voici que l’économie se moralise, que l’on revient enfin à la raison. Croit-on. Car en France, le gouvernement d’entreprise, ou gouvernance, c’est-à-dire les règles de bonne conduite dans les entreprises,  se fonde sur….le volontariat. Eh oui ! D’ailleurs, le MEDEF précise fièrement que toutes ces belles propositions obéiront au bon vieux principe du « comply or explain ». Traduction : soit vous vous conformez aux règles, soit vous êtes tenus d’expliquer à vos actionnaires, aux journalistes, aux analystes et au régulateur, bref au public, pourquoi vous y avez dérogé. Ce qui signifie donc que vous pouvez y déroger. Et encore, c’est un progrès. En fait, cette règle du « comply or explain » appliquée à la gouvernance a été introduite par Bruxelles et sera obligatoire, grâce à la loi du 3 juillet 2008, dans les prochains rapports annuels qui sortiront au printemps 2009. Jusque là, le principe était celui du volontariat total et dispensé de justifications. La société appliquait les bonnes pratiques, tant mieux, elle ne les appliquait pas, tant pis. Il fallait que les lecteurs soient attentifs et dégourdis pour s’en apercevoir et la seule conséquence qu’ils pouvaient en tirer c’était de vendre leurs actions s’ils n’étaient pas d’accord avec les us et coutumes de la société concernée.

D’aimables recommandations

Le tactique du volontariat s’est avérée si efficace que lorsque Daniel Bouton, président de la Société Générale,  a sorti en 2002 son rapport sur la gouvernance en France, il a en grande partie recommandé d’appliquer les règles fixées par son prédécesseur Marc Viénot, ancien président de la Société Générale et lui aussi grand théoricien du gouvernement d’entreprise. Eh oui, c’est une tradition en France de confier la définition des règles de gouvernance aux présidents de la Société Générale. Ne me demandez pas pourquoi, je l’ignore. Bref, Bouton 1 paru en septembre 2002 recommandait d’appliquer Viénot 1, sorti en 1995 et son indispensable suite, Viénot 2, sorti en 1999. C’est dire comme Viénot 1 et 2 avaient été  mis en oeuvre avec enthousiasme dès lors que la grande nouveauté en 2002 consistait à rappeler qu’on avait déjà tout dit en 1995. Oui, sauf que personne n’avait rien entendu et que les bonnes pratiques étaient restées lettre morte ! Le volontariat vous dis-je.

La peur du gendarme ?

Enfin, grâce à l’Europe, on peut espérer à l’avenir un peu plus de transparence et de responsabilisation : désormais il faudra appliquer les règles et, à défaut, expliquer pourquoi on ne le fait pas. Mais la sanction me direz-vous. Eh bien, comment vous dire….il n’y en a pas. Pourquoi, il en faudrait à votre avis ? Je vous taquine. La sanction sera la pression de l’actionnaire insatisfait (hypothétique, sauf si Colette Neuville s’en mêle), l’éventuel courroux de la presse (n’y comptez pas trop), la réprobation des pairs (je vous interdis de rire), le coup de baton du gendarme boursier. Voilà qui est plus sérieux comme argument, mais en l’absence de sanction, l’AMF ne pourra pas faire grand chose de plus contre le récalcitrant que de lui dire que ce qu’il fait est mal. La plupart du temps, ça marche, mais il faut s’attendre aussi à ce que cela tourne dans certains cas extrêmes au gendarme de Guignol.

Un monde idéal

Je vous avoue être partagée. Dans un monde idéal, la transparence, le jugement des pairs, la critique de la presse, la peur du gendarme  boursier, ce sont de sérieux contre-pouvoirs. Seulement voilà, je ne suis pas certaine qu’ils fonctionnent de manière optimale en France. Dans un monde idéal,  l’auto-régulation est défendable, c’est même une responsabilisation souhaitable des acteurs. Dans un monde idéal, il faut, autant que faire se peut, éviter de légiférer dans tous les sens et de multiplier les contraintes pesant sur les acteurs économiques. Après tout, si vous et moi n’apprécions que modérément les contraintes administratives, il n’y a pas de raisons que les sociétés cotées apprécient davantage. Mais voyez-vous, tout en pensant cela, et depuis longtemps, je ne puis m’empêcher de songer aussi qu’il est peut-être temps de passer à des contraintes un peu plus fortes, dans ce domaine comme dans d’autres. Il me tarde que le système se moralise et je suis un peu lasse d’attendre le bon vouloir des conseils d’administration….

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La crise financière ou le bon sens mis en échec

Filed under: Coup de griffe — laplumedaliocha @ 09:49

Capital sur M6 était consacré hier à la crise financière. A la fin de l’un des reportages, un banquier s’est exprimé. Il s’agit d’Olivier Pastré. Ce professeur d’économie né en 1950 cumule les titres et fonctions honorifiques. Il est membre du cercle des économistes, il a dirigé plusieurs banques, publié un rapport en 2006 sur les enjeux économiques et sociaux du système bancaire. Il est aussi membre du conseil scientifique de l’autorité des marchés financiers. Il a publié enfin il y a quelques mois « le roman vrai de la crise financière » que je n’ai pas lu mais dont on dit qu’il analyse brillamment la crise. Bref, M6 ne pouvait solliciter de meilleur expert.

Or, qu’a répondu Olivier Pastré à la question sur la responsabilité des banques dans la crise ? Eh bien qu’il ne fallait pas chercher de coupables, que tout le monde était responsable, du ménage américain qui a voulu acheter une maison qu’il savait ne pas pouvoir payer, à l’organisme de crédit qui a prêté à ce ménage etc. Je vous avoue que sa déclaration m’a fait bondir. Comment, la crise serait donc aussi la faute du ménage américain qui vient de se faire expulser de sa maison ? La crise serait en fait notre faute à tous ? Et même la mienne ? Désolée Monsieur l’expert mais je ne suis pas d’accord. Dire cela, c’est considérer que le système a failli de lui-même, que tous ceux qui l’on fait fonctionner ont participé à sa chute, et qu’ainsi plus personne n’est responsable puisque tout le monde l’est. C’est peut-être exact au vu de certaines théories économiques, mais il y a une chose qui me dérange dans ce discours : je ne vois pas comment on va changer le système, faire en sorte de le sécuriser, corriger durablement ce qui a dysfonctionné si on prétend que ce qui est arrivé n’est la faute de personne.

Si on ne change pas les mentalités et notamment cette fâcheuse tendance des financiers et en particulier des banquiers à croire qu’ils détiennent la vérité et à se défendre bec et ongles dès qu’on veut encadrer leur activité. Ah! Je sais, le bon sens n’a pas sa place dans le discours des grands financiers de ce monde, le bon sens c’est l’intelligence du peuple, c’est son seul et dérisoire diplôme n’est-ce pas ? Eh bien je le revendique moi, ce bon sens et je vais même vous dire mieux. Plus j’observe la crise financière, plus j’ai la conviction que c’est une crise du bon sens. Car tout ce que l’on découvre depuis des mois est une insulte au bon sens. La tritrisation ayant joyeusement brouillé les cartes du risque puis l’ayant disséminé dans tous les établissements financiers du monde, les banques dont la régulation repose sur la gestion du risque et qui sont toujours incapables de mesurer aujourd’hui leur exposition au risque, l’effet pousse au crime de la rémunération des traders que beaucoup dénonçaient, la technicité des produits financiers qui est telle que les administrateurs des banques ne sont même plus en mesure de les comprendre, l’ampleur présumée des pertes, j’en passe.  Et surtout, surtout, la capacité à nier l’évidence en évoquant une responsabilité globale et diffuse. J’ai vu ici et là que l’on comparait la propagation des subprimes dans l’économie mondiale à un virus. Je n’aime pas cette image car elle tend à assimiler le système économique à un organisme vivant qui serait sujet à la maladie, c’est-à-dire à une certaine forme de fatalité. Et voici que resurgit le spectre de la déresponsabilisation.  Au demeurant, je vous avoue avoir du mal à réconcilier une telle analyse avec les discours que j’entends depuis des années sur la sécurité du système, l’admirable sophistication de ses produits, l’incroyable technicité de son fonctionnement.

Je ne crains pas de dire que vous m’avez bluffée, Messieurs les experts de la finance. Mais aujourd’hui c’est fini, je ne marche plus. Je vais m’accrocher désormais à mon bon sens, ne vous en déplaise. J’en connais les dangers du bon sens. Je sais avec quelle facilité il peut égarer, je sais les faux sens et même les contre-sens qu’il porte en germe. Rassurez-vous, la prochaine fois que nous serons l’un en face de l’autre vous et moi, je ne m’épargnerais ni la réflexion, ni l’étude approfondie de mon dossier, mais voyez-vous, je ne ferai plus taire mon bon sens. Car finalement, je le trouve aujourd’hui, malgré toute ses faiblesses, beaucoup plus fiable que votre science soi-disant infaillible et vos brillantes théories.

 

Mise à jour 18h : Nous vivons des moments historiques ! Le CAC 40 vient de clôturer en baisse de 9,04%. C’est la plus forte baisse de l’indice parisien depuis le 19 octobre 1987 (-9,64%), elle a même dépassé celle du 11 septembre 2001 (-7,39%). Pour mémoire, le CAC vivait également un record jamais enregistré le 19 septembre dernier en bondissant de 9,27% en une seule séance. Quant aux indices américains, rappelons que le Dow Jones avait perdu 6,88% le 29 septembre et le Nasdaq 9,14% .

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