La Plume d'Aliocha

05/10/2008

Aimez-vous Match ?

Filed under: Coup de griffe — laplumedaliocha @ 12:07

Paris Match lance cette semaine sa nouvelle formule. Je vous avoue éprouver des sentiments partagés. Mais reprenons du début. A quoi sert une nouvelle formule, ou, plus exactement, une nouvelle maquette  ? Un journal, c’est d’abord une charte rédactionnelle, c’est-à-dire la traduction d’un concept en pratique. Par exemple, je décide de lancer un hebdomadaire d’information générale. Très bien, mais concrètement, il va ressembler à quoi ? Il y aura quel type d’informations, elles seront organisées comment, selon quelle hiérarchie, sous quel forme ? C’est la charte rédactionnelle qui va le définir et structurer l’idée de départ, lui donner corps en organisant le traitement de l’information, les rubriques etc. Une fois qu’on a conçu un projet concret détaillé, on le confie entre les mains d’un directeur artistique. A lui de trouver la forme esthétique qui va traduire l’esprit, c’est-à-dire la mise en page,  le code couleur, la typographie, l’utilisation des illustrations etc…C’est la personnalité en quelque sorte du journal. Ce qui vous permet de reconnaître du premier coup d’oeil un article du Monde, du Figaro ou de Libération rien qu’à son aspect. Mais une maquette, c’est comme tout, ça vieillit. Alors il faut lui donner un petit coup de jeune environ tous les 5 ans. L’exercice est plus difficile qu’il n’y parait.  Car il s’agit d’attirer de nouveaux lecteurs sans perdre ceux qu’on a déjà. Moderniser sans trahir l’esprit, améliorer sans briser les repères. 

Marre de la brévitude !

Cela étant précisé, voyons donc ce qui a changé dans Match. D’abord la couv’ comme on dit dans notre jargon. Ils ont ajouté une colonne rouge verticale qui contient l’essentiel du sommaire alors que celui-ci autrefois était fondu dans la photo. Pourquoi pas. Certains trouvent que cela fait un peu trop presse professionnelle. Personnellement, j’aime bien la dynamique. Et à l’intérieur ? Première nouveauté, on tombe tout de suite sur le sommaire. Souvenez-vous, avant il fallait attendre la 40ème page environ pour savoir ce que le journal proposait. Les pages d’actualité qui précédaient prenaient des allures de mise en bouche. Désormais, on entre directement dans le menu. C’est l’une des idées-force d’une maquette, il faut qu’elle soit claire et facilite l’entrée dans le journal. D’ailleurs, il y a un deuxième sommaire un peu plus loin pour entrer dans le coeur de Match, c’est-à-dire les reportages. Deuxième nouveauté, la présentation des articles. Les phrases d’exergue par exemple, c’est-à-dire celles qu’on extrait du texte pour les mettre en valeur et attirer l’attention du lecteur, ces phrases ne sont plus encadrées entre deux traits (ou filets) mais s’inscrivent sur fond rouge. Et puis on a intégré des lettrines en milieu d’article. La lettrine, c’est la première lettre de l’article qui est en grand format. Généralement, c’est la seule, ici il y a en a une ou deux de plus en tête de paragraphe. Toujours dans l’esprit de rythmer la lecture. Mais la plus importante innovation, c’est que les articles sont plus aérés et plus courts. Comparez, vous verrez. Les marges sont plus importantes, les interlignes aussi. Il y a plus de « blanc ». Voilà qui ne me surprend guère. Depuis des années, une idée rôde dans les rédactions, plus qu’une idée, une conviction : si les lecteurs n’achètent plus la presse, c’est qu’ils n’ont plus le temps de lire, alors il faut faire court, ajouter des illustrations et réduire le texte. Entre nous, si on continue comme ça, on va finir dans la bande dessinée. Songez donc, en douze ans de métier, j’ai vu la taille moyenne des articles raccourcir d’environ un quart ! Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je ne suis pas convaincue par  cette démarche. Il me semble en tant que lectrice qu’on a toujours le temps de lire jusqu’au bout un article intéressant. Et il me semble aussi que si les lecteurs n’achètent plus la presse, c’est que les articles ne sont plus intéressants ou en tout cas pas autant qu’on le rêverait, mais ce n’est que mon avis. Bref, moi qui trouvais encore dans Match de très longs reportages et qui aimais ces pavés un peu indigestes, me voilà condamnée, là comme ailleurs, à la « brévitude ». L’autre défaut de cette nouvelle maquette à mon sens, c’est de ne plus distinguer très bien les articles de la publicité.  N’y voyez pas une intention délibérée, c’est plutôt une maladresse, l’obsession de la clarté qui finit par rapprocher la présentation des articles de celle des publicités.  

Le « marronnier » Sarkozy

Au fond, je l’aime bien cette maquette. Mais il y a une chose qui me choque, c’est le choix éditorial qui accompagne son lancement. Vous pensez bien que le premier numéro d’une nouvelle formule est toujours particulièrement soigné, tant sur la forme que sur le fond. Il faut que les lecteurs habituels adhèrent au changement, il faut aussi en séduire de nouveaux. Dans ces conditions, le choix de la Une est fondamental. Or, qu’a fait Match à votre avis ? Il a opté pour Nicolas et Carla bien sûr ! La martingale gagnante, la recette miracle pour booster les ventes. Un seul des deux, c’est déjà la fortune mais pensez donc, les deux, c’est la cagnotte à l’Euromillion !  Ce choix me dérange pour deux raisons. D’abord on finit par fatiguer à force de voir le couple présidentiel faire la Une de la presse. Dans notre jargon, on appelle ça un « marronnier ». Il y avait déjà le salaire des cadres, les francs-maçons, le prix de l’immobilier, le palmarès des hôpitaux, mais entre ces sujets convenus et vendeurs, on pouvait respirer et aborder d’autres dossiers. C’était la belle époque, désormais, il n’y a plus que le nouveau marronnier Sarkozy s’intercalant avec les marronniers historiques. C’est lassant. Mais il y a pire. Je n’ai toujours pas digéré le limogeage d’Alain Genestar. Rappelez-vous, c’était le directeur de la rédaction de Match jusqu’à ce qu’il publie en 2006 une photo de Cecilia Sarkozy en compagnie de Richard Atias.  Dans son livre intitulé « L’expulsion », il raconte la colère de Nicolas Sarkozy et son éviction. Que Match choisisse le couple présidentiel comme sujet de Une pour sa nouvelle formule, c’est lourd comme symbole, vous ne trouvez pas ? J’y vois une forme d’allégeance, une volonté de se faire définitivement pardonner l’audace de son ancien directeur qui me fait frissonner. Mais, me direz-vous Match, c’est « le poids des mots, le choc des photos ». Un journal qu’on lit contraint et forcé chez le coiffeur. Le summum du racolage en matière de presse. Allons, ce n’est pas faux, mais il y a de très bons papiers dans Match et de vrais grands reportages, comme on n’en trouve presque plus aujourd’hui. Moi, je lis Match, ou plutôt je le lisais avant le départ de Genestar. Depuis, il m’agace. La confiance est rompue entre lui et moi et ce n’est pas le choix rédactionnel de la nouvelle formule qui va améliorer la situation. En fait, je crois que je le rachèterai dès qu’il cessera de parler de notre couple présidentiel. Chiche ?

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