Ainsi va l’actualité, parfois elle énerve. J’écoutais ce matin François Rebsamen, fraichement élu sénateur, interviewé par Laurent Bazin. Ce-dernier lui demande s’il ne serait pas temps en France de pratiquer l’union sacrée face à la crise, comme le font les américains. Et que croyez-vous que l’interviewé répondit ? Allons, je vous aide, c’est un homme politique français appartenant pour l’instant à l’opposition. Oui, vous y êtes. Il a rétorqué en substance, et sans surprise, que l’agitation du gouvernement autour de la crise n’était qu’une manière de dissimuler son incompétence à gérer les problèmes des français. Et le sénateur de préciser que les banques de détail n’étaient pas touchées. Ah bon ? Moi il me semblait qu’elles avaient passé de drôles de dépréciations, mais bon. Un grand penseur contemporain me confiait il y a peu que les français ne savaient pas débattre, que nous nous en tenions à des discussions abstraites, universalistes et bien pensantes au lieu d’avoir l’humilité d’observer la réalité. Comme il a raison. J’y ajouterais cependant l’idéologie qui perturbe tout, l’idéologie qui pousse à considérer que l’adversaire a forcément tort puisqu’il n’est pas de votre camp. Ce qui met fin à toute discussion. Les politiques se rendent-ils compte à quel point cette rhétorique est usée, lassante ? Je crains maheureusement que non.
Quelques minutes plus tard, j’entends que François Fillon a décidé de puiser dans le livret A pour remettre la finance à flots. Que c’est beau, on se croirait dans du Balzac. Je ne sais pas pourquoi mais cette annonce m’a rappelé la Cousine Bette. Vous vous souvenez ? L’un de ses neveux, joueur, buveur et coureur de jupons invétéré lui vole ses économies sous son matelas à la fin du roman. La pauvre femme qui jouait la même martingale à la loterie depuis 20 ans ne peut acheter son ticket ce jour-là, et, forcément, c’est le jour qu’avait choisi le sort pour faire sortir sa combinaison. Où est le rapport me direz-vous ? Disons que c’est un peu la fable de la cigale et de la fourmi, en plus cruel. Bref, aller puiser dans ce que les français ont de plus cher, leur petit bas de laine à 4% soigneusement mis à l’abri par le gentil petit écureuil pour réparer les bévues d’une tripotée de sur-diplômés qui ont dérapé sur les montages piégés de leurs camarades d’Outre-Atlantique, c’est tout de même piquant ! Sans compter que, si je ne m’abuse les fonds récoltés au titre du livret A servent en principe à financer les HLM ? Sacré clin d’oeil, vous ne trouvez pas ? Combien de fois ai-je entendu d’éminents financiers se plaindre que les français n’avaient aucune culture économique, qu’ils économisaient trop et n’investissaient pas assez, notamment sur les marchés. Entre nous, l’actualité nous donne plutôt raison ces dernières années, il faut le reconnaître. Vous voyez Messieurs les financiers que nos petites économies finalement on a bien fait de les garder ? Tout ceci me fait penser à une scène maintes fois vue dans des films de série B où un enfant brise sa tirelire et vient apporter dans sa menotte tremblante, le sourire aux lèvres, ses petites économies à l’adulte qui pleure parce qu’il a des problèmes d’argent. Voilà Messieurs les grands banquiers, les traders, et autres génies en costume rayé et voiture de sport, on va casser notre petit cochon de porcelaine et vous donner nos sous. Ces économies ridicules que vous avez tant méprisées, vous les seigneurs internationaux de la Haute Finance. C’est pas beau la solidarité ?
Correctif du 3/10/2008 : Carol vient de me faire observer avec raison que le roman de Balzac que je cite est La Rabouilleuse et non pas la Cousine Bette. Toutes mes excuses pour cette confusion et merci à Carol d’avoir rétabli la vérité.