La Plume d'Aliocha

30/09/2008

Rions un peu…..

Filed under: Dessins de presse — laplumedaliocha @ 16:26

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Crise financière : l’orage éclate enfin !

Filed under: Eclairage — laplumedaliocha @ 10:13

Il était temps. Temps que la vérité éclate. Ce matin, ça y est. A la suite du refus de la chambre des représentants américains de voter le plan Paulson, le Dow Jones a perdu 6,98% et le Nasdaq 9,14%. On prononce enfin le mot terrible de krach et certains avancent que celui de 1987 n’est plus une référence dès lors que la chute de Wall Street hier est plus grave que celle d’il y a 20 ans. Les américains se rendent-ils compte qu’à refuser de réparer les bévues de la finance mondiale, ils risquent d’y laisser leurs retraites, leurs avoirs et même pour certains, leurs emplois ? Je l’ignore. Le gouverneur de la Banque de France tente de rassurer les épargnants français en avançant que notre système bancaire est un des plus sûrs du monde. Eric Woerth surenchérit.  Ils ont raison, raison de dire cela car savez-vous ce qui tient encore la finance debout ? Le sang froid des épargnants, ce sang froid précisément qui a fait si cruellement défaut aux professionnels de la finance. Que la panique s’empare d’eux, c’est-à-dire de nous, et je ne donne pas cher de l’avenir du système. Tandis que l’orage éclate, je me souviens des enquêtes que j’ai réalisées en octobre 2007. A l’époque, j’interrogeais les experts de tout poil pour essayer d’en savoir plus sur cette crise. Les discours étaient rassurants. Bien sûr, tous m’avouaient qu’ils avaient interrompu leurs vacances en plein coeur de l’été, qu’ils s’étaient rendus en urgence à Paris ou à Bruxelles pour tenir des réunions de crise, que l’inquiétude était forte, mais justement me disait-on, nous avons travaillé, étudié, et conclu que le système français n’était pas en danger. Ben voyons ! Dans les mois qui ont suivi, on a commencé à comprendre que ce n’était pas le cas. Ces experts m’auraient-ils menti ? Possible. Je crois surtout qu’ils se sont mentis à eux-mêmes, qu’ils n’ont pas voulu croire à ce qu’ils voyaient. C’est tout le problème dans ce genre de situation quand vous êtes journaliste. Il faut interroger celui qui sait, mais précisément, celui qui sait est partie prenante de la situation. Il est techniquement compétent, mais son objectivité et son indépendance d’esprit sont sujettes à caution.  Je me souviens pourtant qu’un de mes amis m’avait confié dès l’automne 2007 « je suis très inquiet ». Il a 60 ans, c’est un commissaire aux comptes issu de l’un de ces cabinets mondiaux qui auditent les plus grands groupes de la planète. Il n’est ni énarque, ni polytechnicien, il n’appartient pas à la catégorie des princes de la finance, il n’avait aucun outil pour mesurer mieux qu’un autre l’étendue et la gravité de la crise. Ou plutôt si, un outil bien connu dans la marine, l’expérience. On dit chez les marins que rien ne remplace la science d’un vieux loup de mer, que tous les indicateurs météorologiques peuvent être au vert, si un homme expérimenté dit qu’il ne faut pas sortir, dans la marine, on ne sort pas. Cet ami, c’est mon vieux loup de mer à moi. Il a du flair, une bonne connaissance du milieu économique et du bon sens.  Je l’ai cru, j’ai continué de chercher mais j’obtenais toujours les mêmes réponses : tout est sous contrôle. Tandis que le CAC 40 ouvre en baisse, j’éprouve ce matin un étrange soulagement. Celui qu’apportent les premiers coups de tonnerre à la fin d’une journée orageuse. Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas d’un sentiment de vengeance vis à vis de ceux qui nous ont mené là  pas plus que que d’une revanche intellectuelle à l’égard de tous ceux qui se sont trompés dans leurs analyses. Non, c’est juste que je trouve salvateur que la vérité éclate enfin.  Suivez bien ce qui va se passerà partir d’aujourd’hui. C’est maintenant que les masques tombent.

27/09/2008

Les talons aiguille de Rachida

Filed under: Comment ça marche ? — laplumedaliocha @ 17:08

Puisque je vous ai promis la transparence, je vous emmène avec moi en conférence de presse. Nous allons à la Chancellerie pour la présentation du projet de budget de la justice. Prenez un carnet, vérifiez que votre stylo marche, c’est parti !  

C’est vendredi après-midi, il est 16 heures, nous voici au Ministère, avouez qu’il est beau cet hôtel particulier de la Place Vendôme. Sur la gauche sous le porche, l’exercice obligatoire de présentation de la carte de presse. Le garde, sympathique, note les noms et les heures d’arrivée ainsi que le journal qui nous envoie.  Passons le portillon de sécurité, c’est à gauche, juste là. Joli n’est-ce pas l’escalier qui mène aux salons de réception ?  Une poignée de mes confrères est déjà là. Le journaliste du Point bavarde avec le directeur de la communication, deux ou trois autres commentent l’actualité, une star de la presse écrite dont le nom m’échappe s’ennuie, debout dans un coin. On vient de nous remettre le dossier de presse. Je choisis une chaise et me plonge dans la chose. D’abord, le communiqué avec les chiffres : 6,6 milliards, c’est 177 millions de plus que l’an dernier. Pas énorme, il est vrai que la période n’est guère favorable à l’augmentation de la dépense publique. Les priorités pour l’an prochain ? La récidive, la carte judiciaire, la délinquance des mineurs, l’indemnisation des victimes. Bon. Deuxième document, en couleur, l’allocation du budget poste par poste, le tout agrémenté de quelques jolies images de tribunaux. Ah! qu’elle est belle notre justice vue des services de communication du ministère. Troisième document, le discours que va prononcer la ministre devant nous d’ici quelques minutes. J’écoute sans en avoir l’air les discussions à côté de moi. Un de mes confrères interpelle le dir’com par son prénom : « alors Guillaume, y’a quoi dans le budget cette année » ? « Tu verras », répond celui-ci aussi souriant qu’elliptique. 

La conférence de presse, donc…..

Le crépitement des appareils photos annonce l’arrivée de Rachida Dati. Impossible de la voir, elle est masquée par un troupeau de photographes qui se contorsionnent et se marchent dessus. La ministre plaisante : « vous savez, je serai pareille dans une demie-heure ». « Tiens » me dis-je, « elle est plus détendue qu’à l’ordinaire ». Aucun d’entre nous ne se lève à son arrivée, c’est une coutume dans la presse que de rester assis, la marque de notre neutralité, nous n’applaudissons pas non plus, pour la même raison.  Au fait, vous êtes prêts, c’est le moment de sortir le carnet et le crayon, le travail commence. Son sourire est de bonne augure, je me dis que l’exercice cette année sera peut-être moins ennuyeux que l’an dernier, qu’elle a pris un peu d’assurance et de bouteille. Las, dès les premiers mots, ses traits se figent et je devine à son ton monocorde que le discours sera lu sans passion et sans rien changer du début jusqu’à la fin. Un de mes copains se penche vers moi, « tu sais, on m’a confirmé ce matin le nom du père, c’est X ». En fait, il s’en fiche à peu près autant que moi, il n’appartient pas à la presse people, c’est juste qu’on s’ennuie, alors on bavarde. Je la détaille tandis qu’elle poursuit la lecture de son intervention : pantalon de cuir noir, pull Lacoste noir et des chaussures, mes amis si vous saviez, des chaussures dites à « plateforme », c’est-à-dire affublées d’une semelle de 3 centimètres et de talons aiguille, à vue de nez, d’au moins dix centimètres mais ça pourrait être douze, le bas de son pantalon m’empêche de me rendre bien compte. Je salue intérieurement la performance, elle a conservé la ligne, mes lectrices seront d’accord avec moi : il faut être drôlement mince pour porter un pantalon de cuir, a fortiori quand on est enceinte…..Une légère inflexion dans le ton du discours me tire de mes méditations, tiens, elle sort un peu de l’écrit pour appuyer la nécessité de créer des pôles familiaux dans les tribunaux qui éviteront que les dossiers soient morcelés, cloisonnés entre plusieurs juges. Elle a l’air d’accord avec celui qui lui a écrit son texte.

Silence pesant.

En 15 minutes, la présentation est achevée. C’est le moment des questions. Un silence lourd s’abat sur la pièce. Toujours difficile la première question, mais là, visiblement ça coince. Enfin une main se lève, l’un de mes confrères veut en savoir plus sur la fermeture anticipée de tribunaux. Elle s’explique brièvement. Le silence retombe. Les conseillers qui l’entourent s’agitent sur leurs chaises, mal à l’aise. Je me penche vers mon copain : « pas terrible l’ambiance ». « Normal me répond-il, elle est tellement froide ».  Un autre main se lève, nouvelle demande de précision, cette fois sur les recrutements. Elle répond par quelques phrases précises qui semblent satisfaire mon confrère.   Troisième question, une journaliste espagnole l’interroge sur le terrorisme basque. Elle commente un peu. Le silence retombe, lourd, désagréable, inhabituel. Une voix au fond de la salle nous indique que la séance est levée puisqu’il n’y a plus de questions. Je quitte la Chancellerie, il est 16h45. Tout ceci ne méritera pas plus qu’un papier succint informant les lecteurs que le budget augmente, que la justice sera le seul ministère à bénéficier de créations d’emplois en 2009, que les priorités sont celles que j’ai évoquées plus haut. J’ai rendu mon papier, rien de ce que je vous décrits ici n’y figure. Mais au fait, qu’en pensez-vous lecteurs ? Aimeriez-vous savoir ce que je vous raconte ici ou pensez-vous plus judicieux que nous nous en tenions à notre habitude de livrer l’information tout simplement ? Votre avis m’intéresse.

Debriefing.

Voyons maintenant ce que vous me diriez en rentrant à la rédaction si vous aviez assisté avec moi à cette conférence de presse. « C’est toujours aussi ennuyeux ce genre d’exercice ? ». Non, heureusement, cela dépend de la personnalité de celui que l’on a en face de nous, de l’intérêt du sujet, de l’actualité plus ou moins chaude. Mais déjà, amis lecteurs, vous vous indignez : « et la situation des prisons, et la réforme de la carte judiciaire, et la loi sur la récidive tant décriée par Eolas, et »…..Oui, je sais tout cela, vous avez raison, il y avait plein de questions à poser. Pourquoi personne ne l’a fait ? 

Tentative d’explication.

Le premier garde des sceaux que j’ai connu s’appelait Jacques Toubon. Il y a eu ensuite Elisabeth Guigou, Marylise Lebranchu, Dominique Perben et enfin Pascal Clément. Tous avaient l’habitude de nous convoquer en conférence de presse plusieurs fois par an. Pour le budget bien sûr, mais aussi à chaque grande réforme. Les journalistes se déplaçaient en nombre, le ministre présentait son projet avec conviction, les questions pleuvaient. Avec Rachida Dati, les choses ne se passent pas du tout ainsi. La première fois que nous l’avons vue, nous journalistes, c’était à son installation, puis il y a eu en septembre 2007 la première conférence sur le budget. Ensuite plus rien jusqu’à aujourd’hui. Ou plutôt si, quelques rencontres informelles avec des journalistes privilégiés dont je ne fais pas partie car je ne copine jamais avec le pouvoir, je tiens trop à mon indépendance de jugement. Et puis surtout, il y a eu les points presse hebdomadaires de son directeur de la communication, Guillaume Didier. Il est bien ce garçon, jeune dynamique, courtois, efficace, précis. Sans rire, c’est un des meilleurs communiquants que je connaisse. En plus, techniquement il a du fond et je le crois honnête intellectuellement. Rien à redire. Seulement voilà, il est si bien que lorsque les journalistes rencontrent la ministre, soit ils n’ont pas de question car on leur a déjà tout expliqué, soit ils préfèrent encore appeler plus tard le dir’com qui est devenu leur copain. Vous commencez à saisir la manoeuvre ? Habile n’est-ce pas ? Tout est fait pour que la ministre n’ait pas à s’expliquer devant la presse ou le moins possible. C’est une première à ma connaissance que l’on confie tant de responsabilités à un directeur de communication. Il y a plusieurs explications possibles. Peut-être que la ministre n’aime pas être sous le feu des questions de la presse. Ou peut-être, comme le pensent certains, qu’elle ne fait que porter la politique décidée directement de l’Elysée. Je n’ai pas de réponse à cette question. Quoiqu’il en soit, cet exemple vous montre l’emprise grandissante de la communication dans notre métier. Elle atteint ici son paroxysme. Jusque là, les pros de la communication briefaient les politiques pour leur expliquer comment se comporter avec les médias. Ils préparaient les rencontres,  réparaient les bévues, entretenaient les relations avec les journalistes, les renseignaient, apportaient des précisions. Ici ce sont eux qui parlent. Autre temps, autres moeurs. Le plus drôle, c’est que les conférences de Guillaume Didier sont très courues et qu’avec lui, les questions fusent.

Un dernier mot. Vous vous demandez sans doute pourquoi j’ai choisi ce titre. Un peu de découragement que je soigne par la dérision….

26/09/2008

Mince Augustissime boude !

Filed under: Coup de chapeau ! — laplumedaliocha @ 14:30

Je crois que je serais à vie une des plus grandes fans d’Eolas. Ne voyez dans ce billet aucune forme de racolage ou de volonté de parasiter la célébrité de mon illustre Maître. Pas plus qu’un copinage. J’ai hésité avant de l’écrire. Tant pis. Je me risque, il faut bien que je vous explique ce que j’ai sur le coeur, le drame qui m’occupe en ce moment. Il fait beau, c’est vendredi, on a le droit de se détendre. Voilà, pour les rares qui ne seraient pas au courant : il semblerait qu’Augustissime ait décidé de ne plus commenter chez Eolas. Je ne sais pas vous, mais moi, ça me désespère. Combien de fous rires magnifiques m’ont-ils offert tous les deux. L’un drapé dans sa robe et son immense science, l’autre braqué dans ses convictions, l’un jouant de son humour assassin, l’autre assénant avec une certaine habileté un flot d’arguments inextricables. Le point culminant de tout ceci a sans doute été l’invention géniale d’Eolas sur la « Mémé à moustaches ». Dans ces circonstances, les adieux fracassants d’Augustissime résonnent comme un tocsin. Celui qui marque la fin d’empoignades aussi légendaires que drôlissimes. Avouez que nous les attendions tous ces affrontements. Avouez qu’on se précipitait en salivant sur les réponses en rouge du Maître. Avouez qu’on n’a jamais si bien provoqué Eolas et que celui-ci n’a jamais sans doute été aussi génial dans ses réparties que face à cet incurable contestataire. Imaginer que tout ceci puisse s’arrêter, c’est comme si on m’annonçait que Roger Moore et Tony Curtis cessent de se chahuter dans Amicalement vôtre, ou bien que les enregistrement du Muppet Show sont désormais introuvables. Comme si on me privait à vie de ma collection de films d’Audiard. C’est tout bonnement insupportable. J’ignore tout de leur fâcherie et ne veux pas m’en mêler. J’espère seulement qu’elle n’est que provisoire et en attendant je leur dis à tous deux : Chapeau Messieurs, vous m’avez fait tellement rire !

Discours de Toulon, les vraies solutions

Filed under: Eclairage — laplumedaliocha @ 10:19

Je lis ce matin les commentaires de mes confrères sur le discours de Toulon. Certains se demandent si Nicolas Sarkozy est libéral, d’autres saluent le retour du politique dans l’économie comme s’il s’agissait d’une surprise, certains esprits chagrins parlent d’un catalogue de promesses…..En réalité, Nicolas Sarkozy n’a fait que reprendre en intégralité les analyses et conclusions de tous les experts qui se penchent depuis des mois sur la situation de la finance mondiale.

Je vous avoue que je suis surprise. Je redoutais que notre champion de la communication ne dérape dans un grand classique du discours politique en cas de crise : le désignation d’un bouc-émissaire et la promesse de lois punitives. Ce genre de déclaration passe très bien dans les médias et satisfait le besoin de vengeance de l’auditoire à défaut d’apporter des solutions au problème posé. Ainsi va la société médiatique, il vaut mieux séduire qu’agir, flatter que réparer, punir, fut-ce simplement par le discours, qu’anticiper.

Un consensus d’experts

Bien sûr, il a demandé la tête des coupables, bien sûr, il a aussi évoqué la fin des parachutes dorés, c’était un minimum, ce n’est pas l’essentiel. Nicolas Sarkozy a surtout abordé les vraies questions. D’abord la fin des rémunérations pousse-au-crime dans les banques. Les grands spécialistes de la régulation économique vous diront que celle-ci doit se fonder sur une analyse in concreto des comportements humains et réglementer en conséquence. Ici la réglementation a fait le contraire en permettant à des traders de perdre beaucoup sans eux-mêmes rien risquer. Il a évoqué les banques qu’il fallait mieux réguler, évitant le piège qui aurait consister à annoncer un durcissement punitif de la législation. Scandale songerez-vous ? Oh que non, cela fait des années qu’on les étouffe sous la réglementation et voyez le résultat. La  solution efficace ne consiste pas à leur laisser la bride sur le cou, pas davantage à rajouter une couche de normes, mais à faire en sorte que les outils de réglementation et de surveillance soient performants, c’est-à-dire qu’elles ne puissent pas les contourner. A quoi bon fixer des ratios de sécurité si elles peuvent jouer avec le hors bilan ? L’échec de Bâle 2 (nouveau dispositif prudentiel encadrant les fonds propres et les risques de crédit) n’est pas la conséquence d’une inadéquation de la réglementation mais de son anticipation par les banques qui ont appris à en éviter les contraintes avant même qu’elle ne soit mise en application. Il a aussi évoqué le rôle de l’Europe et la nécessité pour elle de revoir son dogme de la concurrence qui doit être, pour le Chef de l’Etat, un moyen et non pas un fin en soi. Et l’on voit bien en effet que la libre concurrence ne règle pas toutes les questions, que l’on a suffisamment avancé en la matière pour ouvrir la réflexion économique à d’autres horizons. Sans oublier les agences de notation, les ventes à découvert, l’opacité et de la complexité des produits financiers.  Ce sont, là encore, les problèmes identifiés par les experts du monde entier. Il a enfin appelé à une régulation mondiale, ce qui est une évidence. Comment peut-on prétendre réguler et surveiller une industrie à l’échelon national quand celle-ci se joue des frontières ? Bref, ce discours est la synthèse des réflexions de tous les experts mondiaux. C’est une réponse technique bien plus que politique à la crise. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer le canevas du discours de Nicolas Sarkozy au rapport qui lui a été remis début septembre par un groupe de travail piloté par René Ricol. Tout y est. Et ce rapport n’est lui-même à peu de choses près qu’une synthèse des diagnostiques et solutions majoritairement défendus par les observateurs éclairés de la situation.

Et demain ?

Mais, me direz-vous, il est donc entre les mains des grands de la finance, tout ceci n’est que manipulation, rien ne va changer. Du tout. Il s’est référé à des spécialistes qui ont fait à mon sens une analyse juste de la situation. Et pour avoir suivi l’affaire de très près, je peux vous dire que toutes les positions extrémistes consistant par exemple à prétendre que la complexité des produits financiers n’était pour rien dans la catastrophe ont été écartées. Je gage que ceci passera pour un plaidoyer orienté de ma part. Tant pis, j’aime la critique, je ressens depuis toujours une méfiance très forte vis à vis des politiques, j’aurais adoré vous révéler je ne sais quel piège, approximation ou mensonge, je n’en vois pas ici. La seule question que l’on peut se poser est de savoir si on parviendra à mettre en oeuvre les solutions recommandées par tous. Pour l’instant, nous sommes sous l’effet de la crise, dans la crainte qu’elle ne dure, dans l’ignorance de l’ampleur de ses conséquences, ce qui incite tout le monde à réfléchir vite et bien car même les libéraux les plus durs ont peur pour leur avenir. Mais demain ? Il est dans la nature humaine d’oublier les leçons du passé dès que le danger est écarté. Et si les banques aujourd’hui font profil bas, il faut s’attendre à ce que très vite elles haussent le ton et résistent aux réformes. Nous savons aussi que les réglementations, surtout quant elles dépassent le cadre national et mettent en jeu plusieurs Etats, que ce soit au sein de l’Union ou à l’échelon mondial, imposent compromis et renoncements. Or, c’est toute la régulation financière qu’il faut remettre à plat. Les mesurettes à la marge destinées à contenter tout le monde ne marcheront pas. Voilà ce qu’il va falloir surveiller dans les prochains mois : la mise en pratique effective et complète des mesures annoncées hier. Sur ce point, je vous avoue être d’un optimisme très mesuré.

Le discours : http://www.elysee.fr/documents/index.php?lang=fr&mode=view&cat_id=7&press_id=1832

Le rapport Ricol : http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/sircom/rap_ricol080905.pdf

25/09/2008

Les princes du métier

Filed under: Dessins de presse — laplumedaliocha @ 16:30

Si vous saviez combien de cafés il faut consommer pour tenter d’écrire un article correct ! Et combien il est difficile de synthétiser un événement dans un format d’article classique (4500 signes soit une page et demie word). Il arrive que les mots échappent, qu’ils résistent, qu’on ne sache par où commencer, qu’on s’interroge sur la manière de conclure…Parfois, il faut tout réécrire, changer l’ordre des paragraphes, abandonner une idée séduisante mais fausse, en chercher une autre, tenter d’attrapper le fil conducteur.

C’est pour cela que je suis toujours éblouie quand un destinateur de presse arrive, en quelques coups de crayon habiles, à extraire l’essentiel d’un fait d’actualité. Et le pire, c’est que non seulement ils vont à l’essentiel, mais en plus ils nous font rire.

Entre nous, ce sont les princes de notre métier, mais ne leur répétez pas, ça les ferait rougir. Mon équipe rédactionnelle s’aggrandit. Xavier est journaliste et  dessinateur depuis 20 ans. Je vous laisse, un bon dessin vaut mieux que tous les discours….

On achète bien les journalistes

Filed under: Comment ça marche ? — laplumedaliocha @ 09:57

Manipuler les journalistes est un sport qui pourra bientôt prétendre au rang de discipline olympique. Et pour cause, la communication est de plus en plus un enjeu stratégique. Du coup, les agences de communication poussent comme des champignons et nous assaillent de communiqués de presse et autres propositions d’interviews. La plupart de nos interlocuteurs s’inscrivent à des stages de media training et arrivent devant nous aussi rompus aux relations presse qu’un vieux briscard de la politique.

Voici, en 10 points,  ce que pensent de nous certains professionnels de la communication et les conseils qu’ils donnent à leurs clients. 

1. Le journaliste a besoin d’être rassuré. A force de supporter les hurlements du rédac’chef, la concurrence de ses confrères, le salaire médiocre qui lui rappelle qu’il est un soutier des medias, il n’en peut plus. Rassurez-le, posez lui un bras protecteur sur l’épaule (uniquement si vous êtes quelqu’un d’important, sinon il vous regardera de haut) et glissez-lui doucement à l’oreille « franchement, je ne lis plus la presse, SAUF, vos articles qui sont toujours excellents ». Si vous pouvez le faire en public, c’est encore mieux. Trouvez alors des complices qui appuieront votre déclaration. L’attachée de presse en général fait cela très bien.

Aliocha : Allons, ça fait longtemps qu’on a compris le truc. Le plus drôle, c’est lorsqu’on entend le vil flatteur expliquer exactement la même chose 5 minutes plus tard au crétin de confrère dont tout le monde sait qu’il est la risée du métier.

2. Le journaliste est mal payé. Invitez-le dans de grands restaurants, à des cocktails chics dans des ambassades, des cercles qui lui sont habituellement fermés, pensez à l’emmener en voyage de presse, dans des pays exotiques de préférence, offrez lui un bel hotel, fermez les yeux sur le fait qu’il préfère aller se promener que de travailler, vous lui raconterez ce qu’il a loupé dans l’avion du retour.

Aliocha : il est vrai que certains journalistes considèrent ces privilèges comme un complément de salaire, surtout dans la presse économique. C’est regrettable. Le bon comportement dans une rédaction consiste à refuser cadeaux et voyages.

3. Le journaliste envie les puissants. Commencez vos phrases par « entre nous », faites lui comprendre que vous le considérez comme un égal (au minimum), il vous adorera.

Aliocha : Non, ça ne marche qu’avec les imbéciles. Car il faut vraiment être idiot pour croire qu’un politique ou un grand patron considère un journaliste comme un égal, ces gens-là se sentent supérieurs à tout le monde. 

4. Le journaliste est susceptible : ne l’engueulez jamais, même si l’article est truffé d’âneries, il vous en voudrait à vie. Taisez-vous et attendez la prochaine occasion pour lui ré-expliquer les choses ou bien ne l’invitez plus.

Aliocha : En principe, quand on est poli, on s’abstient d’insulter les gens. Il est toujours possible de dire à un journaliste qu’il s’est trompé, le tout est de le faire avec correction. 

5. Le journaliste est mobile. Se fâcher avec lui aujourd’hui parce qu’il travaille au Petit reporter illustré, c’est risquer de le retrouver demain rédacteur en chef du quotidien régional qui couvre les élections auxquelles vous avez décidé de vous présenter. Ce serait dommage, non ?

Aliocha : ça c’est vrai !

6. Le journaliste est paresseux. Soyez clair, précis et simple. Le mieux est encore de rédiger un document que vous lui confierez en précisant que vous avez fait cela pour l’aider. Il le recopiera et vous serez tranquille.

Aliocha : Le journaliste travaille surtout dans l’urgence, il doit comprendre un sujet qu’il ne connaît pas dans des délais record pour ensuite l’expliquer à ses lecteurs, d’où la nécessité d’être clair et précis.

7. Le journaliste est vaniteux. Ouvrez des yeux émerveillés lorsqu’il s’exprime, confirmez ses analyses en prenant soin de faire comme s’ il vous ouvrait des perspectives infinies de réflexion. Vous créerez ainsi une complicité intellectuelle et puisque vous êtes d’accord avec lui, il ne pourra en retour qu’être d’accord avec vous. Forcément, vous devez être intelligent puisque vous avez compris que lui, il l’était !

Aliocha : ce n’est pas faux. Ce défaut affecte tout particulièrement les « stars » de la presse nationale.

8. Le journaliste est revanchard. Si vous l’avez contrarié, débrouillez-vous comme vous voulez, trainez vous à ses pieds s’il le faut, mais réparez l’offense. Il ne vous pardonnera pas, mais vous échapperez avec un peu de chances à sa vengeance.

Aliocha : Tout dépend de la nature de la contrariété, si c’est parce qu’on nous a menti, la sanction est sans appel, on boycotte. 

9. Le journaliste est jaloux. S’il est déjà votre « ami », considérez que vous ne pourrez plus jamais vous adresser à un autre que lui.

Aliocha : Vrai. Mais à notre décharge, on ne peut pas à la fois nous faire la comédie de l’amitié et puis aller ensuite « draguer » nos confrères pour avoir son nom dans tous les journaux. Le mieux est de s’en tenir à des relations strictement professionnelles et de s’abstenir d’entrer sur le terrain dangereux de l’affect. 

10. Le journaliste est friand de « bruits de chiotte », ça lui permet de frimer devant ses copains en faisant celui qui sait. Forcez sur les anecdotes, confiez lui les travers et manies des uns et des autres, critiquez allègrement, agrémentez le tout de secrets d’alcôve. Mais n’oubliez jamais, je dis bien JAMAIS, de lui faire promettre qu’il ne révélera pas qui lui a dit ce qu’il va s’empresser de répéter partout.

Aliocha : ça dépend je suppose des caractères. Moi, ça ne m’intéresse pas et ça a même tendance à dévaloriser fortement mon interlocuteur. 

24/09/2008

Ceci n’est pas une plume…

Filed under: détente — laplumedaliocha @ 15:56

Vous êtes quelques-uns à me titiller sur le fait que le titre de ce blog évoque une plume tandis que l’outil d’écriture qui l’illustre en haut à droite n’est qu’un modeste crayon à bille. Sourcilleux lecteurs, vous avez raison : il ne faut pas tolérer de la part des journalistes qu’ils vous aguichent avec un titre séduisant pour vous décevoir ensuite en vous racontant autre chose. Il ne faut pas admettre non plus les erreurs, approximations et inexactitudes dont on dit les journalistes coutumiers. L’heure fatidique des explications est arrivée, je m’y plie volontiers. Pour tout vous dire, j’ai choisi cette « apparence » de blog parmi de nombreuses autres parce que je la trouvais claire et confortable dans sa simplicité. Le crayon à bille était livré dans le package, par défaut. J’ai hésité à le garder ce pauvre crayon, la contradition avec le titre du blog m’a bien sûr sautée aux yeux. Et puis j’ai décidé de le laisser. Paresse ? non. Faiblesse technologique ? Un peu mais je fais des efforts car je trouve cet univers passionnant. En fait, les vraies raisons sont ailleurs. D’abord, j’ai pensé que changer ce crayon pour une vraie plume aurait eu un petit côté suranné décidément trop éloigné de la réalité de mon métier.  Ensuite et surtout, raconter la presse, c’est s’exposer à parler régulièrement des difficultés économiques qu’elle traverse. En ce sens, le crayon m’a semblé illustrer parfaitement la différence entre le pouvoir que l’on nous prête et les difficultés qui menacent notre survie même, entre un passé qui nous apparaît aujourd’hui radieux et le sombre présent, entre l’époque bénie où les rédactions dépensaient sans compter et l’ombre sinistre des plans sociaux qui plane désormais sur nos têtes. Je vous accorde que cela nécessitait une explication ! Voilà qui est fait. Le mystère du crayon enfin éclairci, je vous promets de vous raconter des choses plus intéressantes dans les prochains billets….

23/09/2008

Vous avez dit racolage ?

Filed under: Comment ça marche ? — laplumedaliocha @ 18:09

Puisque j’ai décidé de vous raconter ici comment fonctionne la presse, permettez-moi une petite observation en passant. On reproche souvent aux journaux leurs titres racoleurs, leurs choix de sujet inspirés davantage par le souci de vendre que par d’autres considérations plus nobles, le manque de curiosité qui les pousse à interroger toujours les mêmes personnes, à parler des mêmes politiques, scientifiques, philosophes, écrivains, peintres etc…Combien de fois ai-je moi-même enragé en lisant, à chaque rentrée littéraire, les mêmes articles sur les mêmes auteurs, vous savez, ceux dont le talent est  inversement proportionnel à la résonnance médiatique. Vous me direz, la bonne nouvelle cette année, c’est qu’ils se sont lassés d’Amélie Nothomb, il était temps. Mais je m’égare. Gérer un blog est édifiant pour un journaliste. D’abord parce que nous sommes rarement confrontés aux réactions de nos lecteurs, sauf quand elles sont particulièrement violentes (coups de fil ou mail d’insulte souvent, félicitations ? vous n’y pensez pas !). Ici, grâce à vos commentaires, je peux mesurer le décalage qui subsiste toujours entre ce que l’on souhaite exprimer et ce qui est perçu par le lecteur. Ensuite, parce que le blog permet d’observer en live l’impact d’un article. Mon tableau de pilotage me renseigne sur les articles les plus lus, le nombre de commentaires, celui des visiteurs (incroyablement plus élevé que celui des commentateurs, à propos, amis timides, prenez un pseudo et lancez-vous, le plaisir d’un blog, c’est la discussion)…Bref, l’enseignement de mon bel outil statistique est sans appel : parlez des subprimes, les lecteurs déferlent, (surtout si vous avez eu l’habileté de placer le mot dans le titre !), évoquez un peintre un peu confidentiel, tout le monde disparait.

Rassurez-vous, je conserverai ma ligne éditoriale et résisterai à la tentation de « l’audimat ». Mais je trouvais intéressant de relever à quel point les lecteurs sont avides de sujets « chauds », de visages célèbres, de scandales et autres événements extraordinaires, même s’ils s’en défendent. D’ailleurs, les patrons de presse le savent bien : on a beau parler d’overdose sarkozienne, une couverture sur son épouse ou sur lui fait toujours bondir les ventes. Du coup, mon esprit naturellement tortueux de journaliste forcément s’interroge : si le sujet n’intéresse personne, alors qui achète ?

A propos, vous voulez un scoop sur le père de l’enfant de Rachida Dati ? Allons, je plaisante….

Rouault l’incandescent

Filed under: détente — laplumedaliocha @ 10:34

Que mes lecteurs de province me pardonnent, je vais céder au parisianisme. Histoire de prendre un peu l’air et d’oublier les turbulences de la finance mondiale. La pinacothèque de Paris organise une exposition sur Georges Rouault jusqu’au 18 janvier prochain à l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition du peintre. Il s’agit de la collection japonaise Idemsitsu qui rassemble pas moins de 400 oeuvres. 

Artiste inclassable, Georges Rouault n’attire pas les foules. Trop violent sans doute, ou peut-être trop chrétien. La pinacothèque avait choisi de présenter Soutine l’an dernier, encore un artiste majeur du 20ème siècle trop méconnu. L’engouement du public pour certains peintres, l’indifférence qu’il voue à d’autres,  alors même que ces grands oubliés sont de qualité et d’importance au moins égale à ceux qu’on encense,  m’a toujours surprise. Pourquoi faut-il attendre des heures dans le froid pour voir Rothko et pourquoi d’autres artistes, même bien cotés, même classés parmi les plus grands, continuent-ils longtemps après leur disparition de n’attirer qu’une poignée d’initiés ? Et pourtant. Quelle puissance d’évocation ! J’aime cette lucidité brûlante avec laquelle Rouault regarde les hommes, cette étincelle de spiritualité qui illumine chaque toile et surtout cette obsession d’arracher les masques pour mettre les âmes à nu. Mais il est vrai que lorsqu’on écrit ce qui suit, on peut faire peur. Georges Rouault confie dans une lettre adressée à Edouard Schuré (critique et historien français) les réflexions que lui inspirent une caravane de cirque arrêtée au bord d’une route…et résume en quelques lignes l’idée-force de son oeuvre : 

« Cette voiture de nomades, arrêtée sur la route, le vieux cheval étique qui paît l’herbe maigre, le vieux pitre assis au coin de sa roulotte en train de respirer son habit brillant et bariolé, ce contraste de choses brillantes, scintillantes, faites pour amuser et cette vie d’une tristesse infinie si on la voit d’un peu haut (…) J’ai vu clairement que le pitre c’était moi, c’était nous…presque nous tous…Cet habit riche et pailleté c’est la vie qui nous le donne, nous sommes tous des pitres plus ou moins, nous portons tous un habit pailleté,  mais si l’on nous surprend comme j’ai surpris le vieux pitre, oh ! alors, qui osera dire qu’il n’est pas pris jusqu’au fond des entrailles par une incommensurable pitié ? J’ai le défaut (…) de ne jamais laisser à personne son habit pailleté fut-il roi ou empereur. L’homme que j’ai devant moi, c’est son âme que je veux voir…et plus il est grand et plus on le glorifie humainement et plus je crains pour son âme ». 

Le site de la pinacothèque de Paris : http://www.pinacotheque.com/index.php?id=5

En regardant hier sur France 3 l’excellent documentaire sur les Assises recommandé à juste titre par Eolas, (qui organise un débat à la suite de l’émission, ma fonction lien ne marche pas mais vous connaissez tous l’adresse !) je songeais que les juges et les journalistes partageaient sans doute l’obsession de Rouault, qu’ils rêvaient eux aussi d’arracher le masque de l’accusé. Juste pour comprendre, pour saisir, ne fut-ce qu’un bref instant, une étincelle de vérité sur l’homme dans le box et peut-être aussi sur nous.

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